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Chapitre 1054 – La Chute de Falcon Scott (72)

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Il regarda autour de lui, étudiant la barrière et la jetée bondée que l’on pouvait apercevoir à travers les mailles du filet. Puis, soudain, Sunny entendit une voix familière :

“Reculez, bon sang ! Ne poussez pas ! Si vous avez une place dans la file d’attente, présentez une pièce d’identité ! Si vous êtes membre de la Première Armée, venez par-là ! Ressaisissez-vous et comportez-vous comme des gens civilisés !”

Il regarda autour de lui et vit un grand et bel homme aux yeux indigo et aux cheveux qui semblaient à mi-chemin entre le noir et le bleu se tenir devant la barrière, s’efforçant de retenir la foule paniquée.

Sunny haussa les sourcils.

Se rapprochant de l’homme, il l’appela :

“Naeve ? Qu’est-ce que tu fais ici ?”

L’homme — c’était bien Maître Naeve de la Maison de la Nuit — cligna des yeux plusieurs fois, puis regarda dans sa direction avec une expression confuse.

“…Sunny ? Mon dieu, c’est toi ! Qu’est-ce que… ah, peu importe. La responsabilité de l’embarquement m’incombe désormais.”

Sunny mena son groupe jusqu’à la barrière, s’arrêtant juste devant le Noctambule. Naeve fit signe à un Éveillé proche de prendre sa position et fit un pas sur le côté.

Il lança un regard sombre à Sunny.

“C’est sur ce navire que je suis affecté. Nous allons partir une fois que nous aurons atteint notre capacité… en fait, nous l’avons déjà dépassée. Mais on peut encore faire entrer quelques personnes, alors…”

Sunny fronça les sourcils.

“Et Flot Sanglant ?”

Le Noctambule soupira.

“Il a emmené l’autre navire il y a quelques heures, avec Sainte Tyris à son bord. Il y aura d’autres navires demain, et d’autres après-demain… si la Bête Hivernale n’arrive pas plus tôt. Mais mon oncle ne reviendra pas. Il gardera le détroit jusqu’à ce que… jusqu’à ce que la relocalisation soit terminée. Ensuite, nous reprendrons l’évacuation des gens par l’océan, vers le Quadrant Nord.”

Sunny acquiesça.

C’est logique.

“Écoute…”

Naeve prit la parole en premier, l’interrompant :

“Tu veux monter à bord de ce navire ?”

Sunny devint silencieux, soudainement honteux sans raison. Étrangement, il se sentit reconnaissant envers le Noctambule de ne pas l’avoir forcé à le dire à voix haute.

Après quelques instants de silence gênant, Sunny secoua la tête.

“Pas moi. J’ai juste besoin de placer une ancre à l’intérieur.”

Les Ascendants pouvaient simplement se retirer dans le Royaume des Rêves quand ils le souhaitaient. Même si leur ancre restait dans le Centre de l’Antarctique, un Saint pourrait alors les ramener dans le monde réel, dans une région plus sûre. Il est vrai qu’il n’y avait pas de Saint sur l’Île d’Ivoire, ce qui gênait un peu plus Sunny à cet égard.

Bien sûr, quitter le monde réel n’était pas un processus instantané. Cela demandait du temps et une concentration absolue, et il était donc impossible de le faire en plein milieu d’une bataille. Tous les Ascendants restés dans la ville devaient se rendre dans le Royaume des Rêves avant l’arrivée de la Bête Hivernale, sous peine d’être anéantis avec le reste de la population.

Pourtant, occuper une place sur un bateau serait du gâchis.

…Et de toute façon, Sunny avait décidé depuis longtemps de rester et d’essayer de retarder le titan.

Il regarda Naeve.

“Je n’en ai pas besoin. Mais mes soldats…”

Sunny jeta un coup d’œil à Beth, au Professeur Obel et aux membres de sa cohorte. Naeve les regarda également.

Son visage se décomposa.

Le Noctambule hésita quelques instants, puis dit à voix basse :

“Sunny… j’ai réservé trois places, en tant que membre de l’équipage. Je te les donne. Mais au-delà de ça… je peux aussi faire monter le reste de ta cohorte à bord. Les membres de la Première Armée ont le droit d’être évacués en priorité. Mais ces places supplémentaires, elles seront aux frais des civils qui ont des billets officiels. Alors… c’est à toi de décider.”

Il marqua une pause, puis ajouta en s’excusant :

“Désolé, mais il faut faire vite. Ce sera le dernier groupe que nous laisserons entrer ce soir.”

Comme pour faire écho à ses paroles, la grille de protection s’enfonça tout à coup dans le sol avec un bruit métallique. Les soldats commencèrent à vérifier les cartes d’identité et à laisser passer les gens un par un.

Sunny se figea un instant. Son visage s’immobilisa.

Alors…

Son cœur s’alourdit.

C’est donc à cela qu’il faut s’attendre.

Trois places… ou devoir déplacer des civils qui avaient une place dans la file d’attente.

Ses soldats avaient tous entendu ce que Naeve avait dit. Sunny se retourna et les regarda. Kim, Luster, Dorn, Samara, Belle… Beth, le Professeur Obel…

Que devait-il faire ?

Bordel…

Alors que Sunny étudiait les visages de ses soldats, Belle, Dorn et Samara se regardèrent brièvement.

Puis, le géant regarda Sunny et secoua légèrement la tête.

Aucun mot ne fut prononcé. Pourtant, pendant un instant, Sunny eut l’impression que son cœur était transpercé par une lame tranchante.

Il baissa la tête, puis regarda le Professeur Obel. Le vieil homme croisa son regard, et tous deux restèrent immobiles pendant plusieurs secondes, comme s’ils avaient une conversation silencieuse.

Finalement, Sunny regarda la foule de réfugiés effrayés qui se pressaient derrière la ligne de la barrière, tous désespérés d’être sauvés.

Il soupira.

C’est terrible. Pourquoi diable ai-je voulu être officier ? Mon Dieu… aucun de ces maudits points de contribution n’en valait la peine.

Puis, Sunny se redressa et dit avec assurance :

“Beth, Professeur Obel. Vous entrez en premier.”

Beth lui jeta un regard effrayé, mais le vieil homme la poussa doucement vers l’avant. Ils passèrent devant Naeve, la jeune femme franchissant la ligne en premier.

Cependant, dès qu’elle le fit, le Professeur Obel recula silencieusement d’un pas.

Au même moment, Sunny poussa Kim et Luster. Sa poussée, cependant, n’était pas très douce. Les deux trébuchèrent devant Naeve et se retrouvèrent de l’autre côté de la ligne.

Ils furent les derniers à être autorisés à passer. Un instant plus tard, la barrière se leva dans un grincement, et un grillage en alliage coupa l’embarcadère du reste du port.

Sunny, le Professeur Obel, Samara, Dorn et Belle restèrent d’un côté.

Kim, Luster et Beth étaient de l’autre côté.

La jeune femme se retourna, confuse. Lorsqu’elle vit le vieil homme derrière la barrière, ses yeux s’écarquillèrent.

“Professeur ! Qu’est-ce… pourquoi êtes-vous…”

Le Professeur Obel sourit.

“Ce n’est pas grave, Beth. Nous avons déjà eu cette conversation, tu te souviens ? Cesse de t’entêter et pardonne à ce vieil homme. Ah, mes vieux os ne peuvent vraiment pas supporter un autre voyage…”

Elle s’agrippa à la maille, affolée.

“Non, non ! Vous ne pouvez pas ! Pourquoi ?!”

Il soupira.

“Il ne me reste que quelques années à vivre, au mieux. Beth… j’ai peut-être accompli beaucoup de choses dans cette vie, mais elle touche à sa fin.”

Le vieil homme rit.

“Tu accompliras encore plus de choses, avec le temps. Quoi, tu crois que j’étais déjà brillant à ton âge ? Mon Dieu, non ! Je savais à peine lacer mes chaussures. Laisser quelqu’un de jeune prendre ma place est un privilège pour moi… surtout quelqu’un comme toi, ou comme l’Éveillée Kim là-bas.”

Beth le fixa quelques longs instants, les yeux brillants. Puis elle se tourna vers Sunny :

“S-Sunny… pourquoi…”

Il se moqua.

“Ça va aller. On dirait que tu ne me connais pas. Il n’y a pas un seul os altruiste dans mon corps, donc tu n’as pas vraiment à t’inquiéter de ma sécurité.”

C’est à ce moment-là que Kim prit enfin la parole :

“Capitaine…”

Sunny la regarda et fronça les sourcils.

“Tu gardes Luster et Beth en sécurité. Qui sait ce qui va se passer ? Monte à bord du navire et fiche le camp d’ici, Kim. C’est un ordre.”

Il resta silencieux un moment, puis ajouta :

“De plus, c’est Major ! Bon sang !”

Et c’était tout.

Kim, Luster et Beth montèrent à bord d’un ferry et furent emmenés sur l’imposant navire.

Sunny et les autres restèrent dans la capitale de siège condamnée. Dans Falcon Scott.

…L’air devenait de plus en plus froid.

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