Chapitre 888 – Disparition

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Après avoir nettoyé la Porte inopinée, les choses se calmèrent dans l’enceinte de LO49. Les jours suivants, Sunny et ses soldats n’eurent pas grand-chose à faire. Ils devaient simplement se reposer, rester vigilants… et surtout rester éveillés.

Cette tâche s’avéra étonnamment difficile pour Sunny. En tant qu’Ascendant, il n’aurait pas dû avoir de mal à s’empêcher de s’endormir pendant deux semaines. Toutefois, en raison des dégâts subis par son âme, il se sentait faible et étrangement léthargique.

Les minutes et les heures passaient avec une lenteur atroce, mais son épuisement mental ne semblait pas diminuer avec le temps. Au contraire, elle ne faisait que croître, aggravée par la pression insidieuse de l’Appel.

Bien sûr, les blessures à l’âme n’étaient pas permanentes. Elles guérissaient naturellement avec le temps, et celle-là en particulier n’était même pas la pire que Sunny ait jamais reçue. L’ombre hautaine, elle aussi, était sur le point de se rétablir complètement. Les autres ombres s’en préoccupaient beaucoup, mais l’arrogante faisait semblant de ne pas s’en soucier.

Mais secrètement, il sembla apprécier toute l’attention qu’on lui portait.

Ne dors pas, ne dors pas, ne dors pas…

Au sommet du mur surplombant l’océan sombre, Sunny appuya son front contre le rebord du mur, puis se frappa légèrement la tête contre celui-ci à plusieurs reprises.

Ah, comme c’est ennuyeux.

Il n’y avait rien d’utile à faire dans le centre de recherche, ce qui ne faisait qu’aggraver le dangereux sentiment d’ennui. Ils étaient déconnectés du réseau, ce qui signifiait qu’il ne pouvait pas accéder à des divertissements ou recevoir des messages de Rain. Ils ne pouvaient pas non plus se rendre dans le Royaume des Rêves, ce qui rendait l’isolement encore plus pénible.

Bien sûr, il pouvait se plonger dans toutes sortes d’activités intéressantes. Sunny pouvait poursuivre ses expériences sur le tissage, ou tenir une conversation intéressante avec le Professeur Obel… il pouvait aller vérifier les progrès de Luster et Kim après la saturation de leurs noyaux…

Mais tout cela exigeait un effort mental qui ne ferait qu’accroître sa fatigue.

Ce maudit navire ne pouvait pas arriver plus tôt…

Alors qu’il contemplait la situation avec dépit, une silhouette solitaire grimpa le long du mur et s’approcha de lui. C’était Beth, qui semblait chercher Sunny, pour une raison quelconque. Elle portait une longue parka en plus de sa blouse de laboratoire habituelle.

Il la regarda d’un air sombre et demanda :

“Quoi ?”

Elle lui lança un regard noir.

“Comment ça, “quoi” ? Je ne peux pas regarder l’océan moi aussi ?”

Sunny la dévisagea un instant, puis se détourna.

“Je t’en prie.”

La jeune femme resta silencieuse pendant un moment. Après une minute ou deux de silence, elle reprit maladroitement :

“Quoi qu’il en soit… à propos de ce qui s’est passé cette fois-là… Je suppose que tu n’es pas complètement inutile. Pour un Maître.”

Sunny esquissa un sourire narquois.

“…C’est ta façon de me remercier ?”

Beth baissa les yeux, puis répondit avec une sincérité inattendue :

“Oui. Je veux dire… merci. De ma part et de celle de tous les autres scientifiques. Si tu n’avais pas été là… le Professeur aurait pu…”

Il étudia les vagues noires en silence.

“Ne me remercie pas. Si j’avais bien fait mon travail, ça ne serait pas arrivé. J’ai été négligent.”

La jeune femme se moqua soudainement, ruinant l’ambiance sombre.

“Mon Dieu ! Quelle surprise. Tu es très imbu de ta personne, pas vrai, Maître Sunless ?”

Sunny se contenta de sourire.

“Bien sûr. De qui d’autre pourrais-je être imbu ?”

Beth soupira.

“Pourtant… tu es aussi un humain. Les Éveillés semblent souvent l’oublier, alors ne sois pas trop dure avec toi. Il suffit de garder le Professeur en vie. C’est suffisant.”

Il acquiesça.

“…C’est vrai.”

Après quoi, elle s’attarda quelques instants, puis le laissa seul.

Sunny regarda au loin, imaginant la formidable silhouette du cuirassé se dessiner à l’horizon.

Quand je sortirai de cet endroit, je dormirai pendant une semaine. Argh, non… ne pense pas au sommeil… au sommeil… au sommeil…

Il grimaça, se gifla et se retourna. Il était temps d’aller se chercher une tasse de café fort et amer…

Le lendemain matin, qui n’était pas différent du soir, une silhouette familière s’approcha du Rhino. Sunny, qui était assis sur le toit et tripotait un patch stimulateur, baissa les yeux et haussa un sourcil.

“Verne ? Il s’est passé quelque chose ?”

Le grand Ascendant leva les yeux et resta silencieux quelques instants. Ses yeux calmes et fatigués étaient cernés.

“…Oui.”

Sunny fronça les sourcils, se sentant soudain mal à l’aise.

“Qu’est-ce qu’il y a ?”

Verne soupira.

“Un de mes soldats a disparu.”

***

Le soldat manquant avait disparu des quartiers résidentiels au milieu de la nuit. L’absence de l’homme fut remarquée dans la matinée, alors qu’il n’avait pas pris son poste.

C’était l’un des cent Éveillés de la garnison locale, un guerrier expérimenté qui était en passe de devenir officier. Les retards n’étaient pas dans sa nature.

Alors que Sunny et Verne se dirigeaient vers le bâtiment où résidait le soldat, une atmosphère tendue régnait autour d’eux. Sunny posait les questions les plus évidentes :

“As-tu fouillé le bâtiment ?”

L’autre Maître acquiesça.

“Oui, toutes les zones auxquelles il pouvait avoir accès. Il n’y a aucune trace de lui nulle part.”

Sunny fronça les sourcils. Les gens ne disparaissaient pas comme ça… enfin, en général, ils ne disparaissaient pas… surtout sans que personne ne s’en aperçoive.

“Et les caméras de sécurité ? Ont-elles enregistré quelque chose ?”

Verne serra les dents, puis secoua la tête.

“La majeure partie du système de sécurité a été détruite pendant le blizzard. Le peu qui reste est presque inutilisable à cause des interférences de la Porte des Charognards. Il n’y a pas d’enregistrements que nous puissions utiliser.”

Ils arrivèrent à la caserne et se dirigèrent vers la chambre privée du soldat disparu, devant laquelle quelques Éveillés se pressaient déjà, l’air inquiet.

En entrant, Sunny sentit son malaise grandir.

C’était parce qu’il n’y avait… rien.

Rien dans la petite pièce ne laissait présager qu’il s’y était passé quelque chose. Il n’y avait aucun signe de lutte, aucune goutte de sang, aucune odeur inhabituelle dans l’air. Même avec ses yeux spéciaux et son intuition peu naturelle, il ne pouvait rien remarquer qui sorte de l’ordinaire.

Pourtant, Sunny s’attacha à étudier chaque détail, à la fois avec sa vision et son Sens de l’Ombre. Il envoya également ses ombres balayer l’installation… sans le moindre résultat.

Le soldat s’était bel et bien volatilisé.

Au bout d’un moment, Sunny regarda Verne et lui posa une question un peu gênante :

“Aurait-il pu… déserter ?”

Verne le regarda d’un air absent.

“…Où serait-il allé ?”

Sunny acquiesça. Même si quelqu’un avait perdu l’esprit et décidé de s’enfuir de la station éloignée, il n’y avait nulle part où aller.

L’autre Maître, quant à lui, serra les dents.

“J’espérais que tu serais capable de remarquer quelque chose qui m’aurait échappé. As-tu trouvé quelque chose ?”

Sunny resta silencieux un moment. Finalement, il soupira de fatigue et secoua la tête.

“Non… Rien…”