5614-chapitre-91
Chapitre 91 – Addiction
Traducteur : _Snow_
Team : World Novel
Après avoir terminé son repas et accompli son devoir de nourrir Mabel, Elmer a remis les couverts qui avaient été utilisés à cet effet dans l’évier de la cuisine. Puis il retourna sous les murs blancs de sa chambre, laissant dans le salon la bouche pleine de Marie, qui était encore en train de manger et de griffonner les choses qu’il lui avait dit de noter.
Elmer prit la montre à gousset qui était placée au centre de son bureau de lecture et l’ouvrit d’un clic, permettant aux sons que l’aiguille des minutes produisait en se déplaçant d’entrer dans ses oreilles.
« Hmm… Sept heures », marmonna-t-il, refermant la montre à gousset et la posant sur le côté du bureau, tandis qu’il s’asseyait.
Il ouvrit ensuite la moitié droite du double tiroir que possédait le bureau de lecture, et laissa ses yeux, qui étaient couverts par des lunettes à verres ronds, fixer le stylo à bille et la pile de papiers inutilisés qui s’y trouvaient.
Dès qu’il tendit le bras pour essayer de saisir le stylo à bille dans le tiroir – ainsi qu’un morceau de papier – un long et lourd bâillement s’échappa de lui. Et cela fit se rétracter brutalement sa main, l’obligeant à passer deux doigts sous le bord de ses lunettes pour se pincer les yeux.
Une lourde sensation de fatigue, doublée d’un mal de tête écœurant, envahit son corps à cet instant, lui faisant comprendre que l’essence de vitalité qu’il avait absorbée dans son système pour faire fonctionner son organisme s’était épuisée.
» Bon sang ! » Elmer cracha en grognant, et bien sûr ne perdit pas de temps pour imprégner son corps d’une nouvelle dose d’essence de vitalité.
Il détestait ressentir les effets de son manque de sommeil, en particulier le fait que son esprit devenait hallucinatoire, ce qui diminuait la productivité de son cerveau et le rendait excessivement déséquilibré. Et surtout, les illusions qu’il avait à chaque fois qu’il laissait ce monde de fatigue s’attarder un peu plus de trente minutes.
« Mon sommeil matinal ne sert plus à grand-chose », marmonna Elmer sous sa respiration, l’essence de spiritualité verte illusoire qu’il avait envoyée dans son corps interne par le nez entrant enfin en action, le revigorant d’une énergie nouvelle. « Et il semble que les effets du manque de sommeil s’aggravent. L’essence de vitalité ne dure même plus aussi longtemps. » Il essuya la sueur sur son front avec sa paume droite et la porta à sa vue ensuite. « Mon affaiblissement physique commence à contaminer ma spiritualité. Bon sang de bonsoir ! C’est pas bon. Même l’utilisation de mon ouïe accrue ne change rien à mon sommeil. Maudit soit ce cauchemar permanent… Qu’est-ce que je suis censé faire ?! »
Elmer commençait à se sentir irrité et anxieux. Et comme ce n’était pas la première fois que ce genre de sentiment venait perturber son quotidien, il connaissait la seule chose qui pouvait le calmer en ce moment.
Il tendit à nouveau la main vers le tiroir ouvert, mais cette fois-ci avec une certaine hésitation, et non pas vers le stylo à bille ou le morceau de papier qu’il avait eu l’intention de récupérer auparavant. Sa main s’enfonça dans les profondeurs du tiroir jusqu’à ce qu’elle trouve une boîte métallique froide, de la taille d’une paume de main et facile à dissimuler.
Il la sortit et découvrit les mots : ‘Lord Carragher’s Cigarettes. Fumer de manière responsable’, inscrits sur le boîtier argenté, apparurent devant ses pupilles instantanément dilatées. Une sensation de picotement s’empara rapidement de son corps en raison de l’anxiété qu’il ressentait.
Une dernière fois… C’est le mensonge que son cerveau inventa alors qu’il expirait et ouvrait l’étui, révélant un très petit briquet en bronze et trois cigarettes – le reste des dix qui venaient toujours avec un paquet tout neuf.
Elmer prit une cigarettes, le plaça entre ses lèvres et posa l’étui d’argent sur la table. Mais au moment où il saisit le briquet de bronze et l’ouvrit, avec l’intention d’allumer une flamme au bout de sa cigarette, il se souvint soudain d’une personne qu’il avait laissée attendre à Tooth and Nails lors d’une nuit angoissante, il y a trois mois de cela.
Polly Bagley.
Bien que, malgré la subtile contrition qu’il ressentait pour avoir laissé tomber Polly, ce n’était pas la promesse qu’il lui avait faite qui lui avait fait penser à son existence ; c’était la conversation qu’il avait eue avec elle bien avant qu’il ne lui fasse une quelconque promesse. Une conversation qui avait porté sur les effets du tabac sur la santé et l’esprit d’une personne, et aussi sur le fait qu’il ne fumait pas.
Elmer jeta alors un coup d’œil à Mabel, ses lèvres embrassant fermement son bâton de cigarette, tandis que son pouce droit était à deux doigts d’enclencher la roue à étincelles du briquet qu’il tenait.
Peut-être était-ce le destin qui savait qu’il deviendrait un jour fumeur, puisqu’il avait instinctivement choisi la partie du lit la plus proche de la fenêtre pour Mabel.
Il n’allait pas évoquer l’idée qu’il n’avait pas d’autre choix à cause des circonstances, parce qu’il en avait beaucoup qui auraient pu l’empêcher de prendre un bâton de cigarette, l’une d’entre elles étant d’aller voir un psychiatre pour l’aider à résoudre ses problèmes.
Mais ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait faire, n’est-ce pas ?
Les psychiatres avaient des capacités très spéciales qui les aidaient à tirer des informations de leurs patients, l’une d’entre elles étant l’hypnose.
Le fait qu’il soit un Ascendant n’allait pas le protéger d’être la proie de telles mesures puisqu’il les laisserait faire ce qu’ils devaient faire pour l’aider, et cela provoquerait en retour qu’il délie sa langue avec tout ce a quoi il put prendre part.
Pour lui, c’était inacceptable.
Et puis il y avait la possibilité que le psychiatre qu’il emploierait soit l’Ascendant qui le recherchait. Ce serait encore pire. Parce qu’il serait vulnérable après avoir été soumis à la capacité hypnotique des psychiatres, et donc tué sur le champ, ou emmené à l’Église, ou tout ce qui était fait pour les corrompus.
Elmer était arrivé à la conclusion qu’il était de loin préférable de fumer plutôt que de se soumettre à des choix dont il n’était pas sûr à cent pour cent qu’ils fonctionneraient. Jusqu’à présent, le tabac dont étaient faites les cigarettes l’aidait à garder l’esprit stable et détendu, et son hésitation diminuait au fil des jours.
Il savait au fond de lui qu’il était déjà dépendant, mais il n’essayait pas de le combattre.
Dans son cas, la dépendance était peut-être une bonne chose.
Le briquet cliqua et une flamme chaude jaillit de son bec avant d’être dirigée vers le mégot de la cigarette dans la bouche d’Elmer.
Une bouffée, une expiration, puis une longue ligne de fumée quitta les lèvres d’Elmer d’une manière si parfaite qu’il semblait presque qu’elle ne se disperserait jamais.
Après ce geste, il y eut un doux claquement, signifiant la fermeture du couvercle du briquet, et ensuite les cigarettes furent repoussées dans les profondeurs cachées du tiroir ouvert – le briquet ayant été replacé à l’intérieur.
Elmer se servit de l’index et du majeur de sa main gauche pour saisir délicatement sa cigarette tandis qu’il sortait du tiroir un petit cendrier métallique rond qu’il posa sur la table. Il sortit ensuite les principaux objets pour lesquels il avait ouvert le tiroir, le stylo à bille et un morceau de papier.
En exhalant une autre épaisse volute de fumée dans l’air, Elmer sentit l’irritation et l’anxiété qui l’assaillaient se calmer.
Comme d’habitude, les composants du tabac qui constituaient sa cigarette fonctionnaient parfaitement comme il le souhaitait. Son esprit était maintenant dans un état de relaxation, ce qui signifiait qu’il pouvait calmement déchiffrer une façon de créer la meilleure méthode possible pour recevoir des demandes d’emploi.
Il ressentait cependant une légère nervosité – ses poils se dressant sur ses bras le laissaient deviner. Mais comme ce n’était que le risque lié à ce qu’il s’apprêtait à faire qui provoquait une telle réaction de son corps, il n’y prêta pas attention. Après tout, sa vie entière était remplie de risques. C’était la seule façon pour lui de s’assurer que son pied avance un tant soit peu.
Tapotant le mégot de sa cigarette pour en faire tomber les cendres dans le cendrier situé à gauche de son bureau de lecture, Elmer posa son stylo sur le papier blanc et clair devant lui en disant : « Créons la prière de la faucheuse. »