Chapitre 1633 – Sentiment du Public

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Le marché était vaste et animé. De nombreuses échoppes étaient installées en plein air, avec des vitrines plus respectables visibles ici et là. Presque tout pouvait être acheté ici, en commençant par les matériaux récoltés sur les carcasses des Créatures du Cauchemar et en terminant par des objets rares apportés du monde réel via la Porte des Rêves.

Armes, appareils électroménagers, vêtements à la mode, outils d’artisanat — tout ce dont on avait besoin pouvait être trouvé ici.

Bien entendu, les articles de qualité supérieure étaient vendus dans d’autres endroits, plus exclusifs. Certaines boutiques élitistes n’étaient même pas situées dans le quartier ordinaire, si bien que les clients potentiels devaient braver le froid glacial du Pont ou envoyer des serviteurs Éveillés pour finaliser leur achat. Néanmoins, la plupart des citoyens de Ravenheart se rendaient au marché lorsqu’ils avaient besoin de quelque chose.

Rain connaissait bien l’endroit et se dirigea rapidement vers la zone où les matériaux récoltés étaient vendus. Après avoir négocié avec un marchand familier, elle vendit la peau du Ver de Pierre et pesa sa bourse dans sa main, pleine de satisfaction.

Avec ce paiement et la récompense qu’elle avait reçue à l’hôtel de ville, Rain était pleine aux as ! Cerise sur le gâteau, elle avait réussi à abattre le Ver de Pierre sans subir la moindre blessure, si bien qu’elle n’avait même pas eu besoin d’engager un guérisseur. Ces derniers étaient rares, et donc hors de prix. Les guerriers Éveillés étaient ceux qui se blessaient le plus souvent, mais disposaient également d’un pouvoir d’achat important. Ce n’était pas le cas de Rain, et la plupart de l’argent qu’elle avait gagné ces dernières années avait fini par servir à payer ses frais médicaux.

Mais pas aujourd’hui !

Sifflant joyeusement, elle quitta le marché et se dirigea vers l’un des nombreux bains publics de Ravenheart. En raison de la nature instable de la région, il y avait de nombreuses sources d’eau chaude ici, et s’y baigner était rapidement devenu le passe-temps favori des citoyens. Si le tourisme existait dans le Royaume des Rêves, la capitale de Song aurait certainement été une destination populaire en raison de ses sources chaudes…

Peut-être dans le futur.

Avant d’entrer dans l’établissement de bains, Rain s’arrêta dans une ruelle sombre derrière celui-ci. Une ombre se détacha de la sienne et s’installa dans l’obscurité, avant de la saluer d’un signe de la main. Laissant son professeur seul, elle se dirigea vers l’intérieur pour profiter d’un peu d’intimité.

Aaahh…

Après avoir pris une douche, Rain plongea son corps fatigué dans l’eau chaude et sentit les nombreuses douleurs qui l’assaillaient se dissoudre dans l’eau. Il y avait beaucoup de minéraux mystiques dans les montagnes entourant Ravenheart, c’est pourquoi ces sources étaient censées avoir des effets curatifs. Elle ne savait pas à quel point cette affirmation était vraie, mais visiter les bains à la fois agréable et revigorant.

Elle était surtout venue ici pour se nettoyer. Elle ne voulait pas rentrer chez elle couverte de sueur, de crasse et de la puanteur du sang. Plus Rain avait l’air propre et fraîche devant ses parents, moins ils s’inquiéteraient pour elle. Elle avait donc pris l’habitude de se rendre dans un établissement de bains après chaque chasse.

Pourtant… cela ne ferait de mal à personne si elle s’immergeait un peu plus dans l’eau chaude…

Et peut-être un peu plus…

Encore un peu…

Après tout, était-elle pressée par le temps ? Non…

Alors que Rain se détendait les yeux fermés, elle ne pouvait s’empêcher d’entendre des bribes de conversations que d’autres personnes avaient autour d’elle.

La voix d’une femme était teintée d’inquiétude :

“As-tu entendu parler de Valor ?”

Une autre personne répondit avec confusion :

“Hein ? Entendu quoi ?”

“Le Roi des Épées ! On dit qu’il a été remplacé par un réceptacle du Marcheur de Peau, depuis l’Antarctique !”

“Chut, baisse d’un ton ! Es-tu devenue folle pour parler ainsi d’un Suprême ? Ce… ce n’est pas possible.”

“Je te le dis, ça l’est ! Je l’ai entendue de ma sœur, qui l’a entendue de son voisin, qui l’a entendue d’un vrai Maître !”

“Ce n’est pas possible…”

“Mais cela expliquerait beaucoup de choses, pas vrai ? Les pénuries de ressources que nous connaissons. C’est à cause de ces gens de Valor ! C’est comme s’ils voulaient qu’on meure de faim. Ne sont-ils pas un peu étranges ? Pourquoi tous les habitants du Domaine de l’Épée traitent-ils notre Reine avec un tel manque de respect ? Ce vilain surnom qu’ils lui ont donné…”

“Hmm. C’est étrange, en effet…”

“Si leur roi est un réceptacle de cette chose, alors qui sait combien de personnes ont déjà été attrapées ! Mon Dieu, c’est si effrayant. Nous avons de la chance d’être venus dans le Domaine du Chant. J’espère qu’ils resteront loin de nous.”

“Mais mes cousins sont dans le Domaine de l’Épée…”

“Tu dois leur dire d’être prudents, alors !”

Rain secoua la tête et s’enfonça plus profondément dans l’eau pour ne plus entendre la conversation à voix basse.

Ne sont-elles pas ridicules ?

Curieusement, cette rumeur ridicule était assez persistante. Elle en avait déjà entendu une version plusieurs fois, comme si quelqu’un la répandait volontairement.

D’un autre côté, une certaine hostilité entre les deux Domaines était inévitable. Après tout, ils dépendaient encore tous deux du monde réel, ce qui signifiait qu’il y avait une compétition pour les ressources.

Et la concurrence engendrait le ressentiment, surtout lorsque les moyens de subsistance d’une personne étaient en jeu. Le ressentiment, à son tour, engendrait ce genre de rumeurs. De plus, la grande majorité des humains ordinaires vivant dans le Royaume des Rêves venaient de l’Antarctique — ils étaient traumatisés et anxieux, et laissaient parfois la peur prendre le dessus.

Quoi qu’il en soit, l’opinion publique sur le Domaine de l’Épée évoluait lentement vers le pire à Ravenheart. Il n’y avait rien de tel il y a quatre ans, mais aujourd’hui, de tels sentiments n’étaient pas rares.

Pourquoi ne peuvent-elles pas être heureuses que quelqu’un d’autre s’en sorte ?

Rain chassa les deux effarouchées de sa tête et tenta de se détendre en toute tranquillité.

Elle finit par sortir de l’établissement, aussi douce et rose qu’un nouveau-né. Elle rangea sa robuste tenue de cuir dans son sac et la remplaça par des vêtements civils plus décontractés et plus soignés.

L’effrayante chasseresse de monstres avait disparu, remplacée par une jeune femme innocente et charmante.

Si le groupe de jeunes Éveillés qu’elle avait rencontré aux portes de la ville la voyait, ils n’en croiraient probablement pas leurs yeux.

Se sentant un peu étrange dans sa simple robe, Rain enfila un gilet fait d’un tissu léger et joliment brodé. En rabattant son capuchon, elle se rendit dans la ruelle sombre, récupéra son professeur et se dirigea vers les niveaux supérieurs de la ville.

Elle rentrait chez elle.