Chapitre 1566 – L’Estuaire

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny entendit le sifflement du vent dans ses oreilles.

Il tombait.

Il volait dans une mer de ténèbres, perdu et désorienté, ne sachant pas où il se trouvait.

L’Estuaire…

Le vent hurla plus fort, et Sunny sentit son corps plonger à travers lui à une vitesse effroyable.

Il se souvint tardivement de la nécessité d’invoquer l’Aile Sombre et de ralentir sa chute.

Ou invoquer les ombres et se transformer en un monstrueux papillon.

Ou même en corbeau…

Mais il était trop tard pour le faire.

Hébété, il entrevit un énorme édifice noir qui s’approchait rapidement de lui depuis les ténèbres. On aurait dit une sphère géante de pierre noire, rugueuse et de forme irrégulière, qui planait dans le vide, éternelle et indestructible. D’étranges montagnes s’élevaient à sa surface, creuses à l’intérieur…

On aurait dit un cœur de pierre géant.

Peut-être était-ce le cas.

Un instant plus tard, Sunny vit le ketch d’Ananke heurter la surface de la sphère sous lui et se briser, des fragments de bois volant de toutes parts.

Il n’eut pas le temps de ralentir sa chute.

Serrant les dents, Sunny regarda la surface de la pierre noire qui s’approchait rapidement. Au moment où son corps se serait brisé contre elle, il activa le Pas de l’Ombre et plongea dans ses dernières, s’immergeant profondément dans leur sombre étreinte.

Caché là, en sécurité, il resta immobile pendant un moment.

J’ai… réussi ?

Sunny tenta de calmer son esprit fébrile et remonta à la surface.

Sortant des ombres, il foula la surface de la pierre usée par le temps et tomba instantanément, sentant la gravité l’entraîner vers le bas.

Il se trouvait sur une pente raide.

Sunny glissa le long de cette pente, entouré de fragments de bois brisés. Malgré les pierres pointues qui lacéraient sa peau, il ne se laissa pas aller à crier de douleur. Au contraire, il serra les dents, enroula les ombres environnantes autour de sa main et la transforma en la main griffue de la créature de l’ombre.

En se tordant, Sunny frappa la pente avec ses griffes. Elles ne parvinrent pas à pénétrer la surface noire et rugueuse, envoyant des étincelles virevolter — la friction seule le ralentit.

Finalement, Sunny s’arrêta au bord d’une chute abyssale, ses pieds se balançant au-dessus d’un vide noir. Les morceaux du ketch d’Ananke se répandirent dans le vide, disparaissant dans l’obscurité.

Il resta allongé quelques instants, reprenant son souffle, puis tenta de repérer son environnement.

Il n’y avait pas de lumière dans ce monde. Il était entouré de ténèbres, seule la surface altérée de la pierre noire le séparant de l’abîme. Le bruit de l’eau rugissante venait de quelque part, très loin en dessous, se transformant en un murmure à peine audible.

Il venait aussi d’au-dessus de lui, et de tous les côtés.

Les murmures assaillaient son esprit, lui donnant le vertige.

Sunny grimaça, puis se leva prudemment, luttant pour garder l’équilibre sur la pente raide. Enfin, il regarda autour de lui.

Alors… c’est l’Estuaire.

Celui-ci était censé se trouver dans un endroit qui existait avant le temps, et donc avant que les dieux ne soient nés. Par conséquent… cet endroit était censé être le Vide.

Toutefois, le Sortilège n’était pas en mesure de reproduire le véritable Vide, ou n’en avait pas la volonté. Peut-être l’Estuaire en était-il isolé, d’une manière ou d’une autre. Quoi qu’il en soit, Sunny ne voyait que l’obscurité et la surface de la vaste sphère de pierre noire sous ses pieds.

Son expression était sombre.

Pas de temps à perdre.

Se penchant en avant, il remonta péniblement la pente, atteignant finalement son point médian — c’était là qu’il était tombé la première fois. Sans s’arrêter pour se reposer, Sunny continua à grimper.

Cassie a dit… que je devais me rendre au cœur de l’Estuaire. Cela signifie que je dois probablement grimper d’une manière ou d’une autre à l’intérieur de la sphère.

Se souvenant des étranges montagnes creuses, qui ressemblaient à des aortes déchirées, il continua à gravir la pente.

Finalement, Sunny arriva au sommet de ce qui semblait être une haute colline et regarda en bas.

Il se figea, ébranlé par ce qu’il voyait.

Ses yeux s’écarquillèrent, en proie au choc et à la peur.

N-non… comment est-ce possible ?

Devant lui, nichée entre plusieurs immenses affleurements de pierre noire, se trouvait une vaste vallée. Et sur le fond de cette vallée, enveloppée par les ténèbres… gisaient les restes d’innombrables navires brisés.

C’était un vaste cimetière de navires.

Mais ce qui était le plus troublant, était que chacun de ces vaisseaux avait une apparence familière.

Ils étaient tous le Briseur de Chaînes.

Là, devant lui, des milliers de Briseur de Chaînes gisaient sur la pierre noire, brisés et détruits. Bien que chacun d’entre eux ait été détruit d’une manière unique, brisé par un terrible impact, la plupart d’entre eux étaient exactement les mêmes. Certains étaient un peu différents, apparemment modifiés avant de se transformer en épave.

La forme de leurs éperons était légèrement différente. Les voiles en lambeaux étaient peintes de couleurs différentes. Les arbres qui poussaient autour du mât central de ces navires étaient morts et tordus, dépourvus de toute vie.

Certains arbres, cependant, semblaient parfaitement sains et séduisants, d’innombrables fruits succulents pesant sur leurs branches.

Frissonnant, Sunny décida de s’éloigner le plus possible de ces épaves.

Devant lui, il y avait d’innombrables navires brisés — des milliers.

Et ce n’était que dans cette vallée.

Il ne s’agissait pas des épaves d’une flotte entière de vaisseaux similaires. Il s’agissait plutôt du même vaisseau, détruit un nombre incalculable de fois.

Soudain couvert de sueurs froides, Sunny sentit son sens de la réalité vaciller.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Il frissonna, puis commença à descendre dans la vallée. Ce faisant, il remarqua d’autres fragments de bois parmi les navires brisés.

C’étaient tous les restes du ketch d’Ananke, empilés en hautes montagnes. Il ne comprenait pas.

« Comment est-ce possible ? »

Alors que Sunny doutait de sa santé mentale, un rire dérisoire retentit soudain derrière lui.

Se retournant rapidement, il regarda les ténèbres avec des yeux écarquillés.

Mais ce n’était que le Péché de Réconfort.

Le spectre de l’épée… avait l’air plus substantiel, d’une certaine façon. Sortant des ténèbres, il regarda Sunny avec mépris et sourit vicieusement :

« Quoi ? Tu pensais que tu étais le premier à être arrivé aussi loin ? Tu croyais que c’était la première fois que tu trahissais ta cohorte et que tu décidais d’aller chercher ta liberté dans l’Estuaire ? »

L’apparition se moqua et regarda le cimetière de bateaux, ses yeux sombres brûlant d’une étrange joie.

« Imbécile. Il y a eu d’innombrables versions de toi qui sont arrivées jusqu’ici. Trahison après trahison, répétée à l’infini dans d’innombrables cycles… en vérité, ta trahison ne connaît pas de limites. »