Chapitre 1328 – Période de Sérénité

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Dans l’œil du cyclone, l’atmosphère était paisible, bien qu’un peu inquiétante. L’étrange absence de sensation de temps avait été inconfortable au début, mais Sunny avait rapidement oublié que le temps avait existé.

La vue du ciel azur se reflétant sur l’eau parfaitement calme était belle et tranquille. Le silence était comme une berceuse qui lui donnait l’impression d’être à l’aise. Sunny n’avait pas ressenti une telle paix depuis très, très longtemps…

Il n’était pas nécessaire de se presser, et il n’y avait aucune possibilité de le faire de toute façon. Sans savoir combien de temps prenaient leurs actions, ils ne pouvaient pas non plus savoir s’ils étaient lents ou rapides. Il était donc préférable de se laisser aller et de rester immobile un moment, profitant de la sérénité du monde…

C’est pourquoi Sunny se mit à ressentir une peur froide.

N-non… ce n’est pas bon…

C’était trop facile de se laisser bercer par l’inaction dans cet endroit étrange et gelé. À un moment donné, Sunny réalisa qu’il ne savait pas combien de temps il était resté assis, le dos appuyé contre la coque du ketch, sans la moindre pensée.

Ses yeux s’écarquillèrent légèrement.

S’ils ne faisaient pas attention… finiraient-ils eux aussi par être gelés à jamais dans l’œil de la tempête, comme tout ce qui se trouvait dans ce havre de paix ?

Frémissant, il se tourna vers Ananke et lui demanda :

“Combien de temps s’est-il écoulé depuis que nous avons atteint cet endroit ?”

Elle secoua impuissante sa petite tête.

“Je ne sais pas, mon Seigneur.”

Il hésita.

“Combien de temps avant de replonger dans la tempête ?”

La jeune prêtresse regarda au loin. Ses grands yeux bleus s’assombrirent quelque peu. Néanmoins, elle dit résolument :

“Nous partirons dès que possible. Le temps est peut-être figé ici, mais il s’écoule toujours à l’extérieur. Il vaut mieux ne pas s’attarder… sinon, Grâce Déchue pourrait être détruite lorsque nous échapperons enfin au désastre, et j’aurais échoué dans ma tâche.”

Sunny poussa un soupir de soulagement.

Bon… ce n’est pas trop grave.

Ils n’avaient pas encore été pris au piège du temps figé. Ananke en était la preuve — elle avait rajeuni après qu’ils soient entrés dans l’œil du cyclone, ce qui signifiait que le cercle d’eau calme se déplaçait par rapport au courant incessant du Grand Fleuve.

Puisqu’elle n’avait pas encore rajeuni, ils n’avaient pas pu rester trop longtemps dans ce silence serein. Elle était comme leur ancre dans cet endroit magnifique et insidieusement redoutable.

Dieu merci…

Sunny eut soudain envie de rire. Il n’aurait jamais pu imaginer qu’il serait désespéré de replonger dans le chaos cauchemardesque de la tempête mortelle, mais il était là, le désir de s’échapper rapidement du cercle paisible du temps figé.

L’avenir était vraiment inconnaissable, et il ne fallait jamais dire jamais.

Nephis s’agita à la proue du ketch et les regarda, l’expression figée.

“J’ai gardé un œil sur le mur de la tempête. Nous nous sommes rapprochés de la limite extérieure, un peu… mais sans le courant, le ketch avance trop lentement. En fait, il n’avance pas du tout. Nous allons devoir lever les voiles et invoquer le vent.”

Visiblement, elle n’avait jamais perdu de vue leur objectif. Sunny soupira.

La nature du temps avait peut-être changé, mais Neph, elle, n’avait jamais changé… du moins au plus profond de son cœur. Elle était toujours comme elle l’avait été il y a des années, sous les branches de l’Arbre Dévoreur d’Âmes. À l’époque, elle avait également passé tout son temps sur la rive du Tertre Cendré, à regarder vers l’ouest — même si elle ne se souvenait plus très bien pourquoi.

Il fallait aussi compter sur sa détermination sans faille.

C’était ironique, vraiment… une fille dont le destin était d’apporter le changement était la chose la plus immuable dans la vie de Sunny.

Alors qu’il pensait cela, les épaules d’Ananke s’abaissèrent légèrement.

“Oui, ma Dame. Donnez-moi juste un moment, et je…”

Nephis secoua la tête.

“Non. J’invoquerai le vent et je dirigerai le ketch. Je nous guiderai également hors de la tempête lorsque nous y entrerons.”

La jeune prêtresse leva les yeux vers elle, l’air effaré.

“Mais, ma Dame !”

Neph la fixa quelques instants, le regard lourd. Finalement, elle reprit sans ambages :

“Vous êtes devenue trop faible, Ananke. Je suis désolée. Votre corps n’est pas assez fort pour supporter l’effort. Vous ne pouvez même pas atteindre le pont avec vos pieds lorsque vous êtes assise sur le banc du timonier… comment allez-vous contrôler la rame ?”

Elle baissa les yeux, puis soupira. S’approchant de la jeune prêtresse, Nephis lui tapota l’épaule et la força à sourire.

“Ne vous inquiétez pas. N’est-ce pas pour cela que vous m’avez enseigné ? Vous m’avez bien éduquée. Je piloterai le ketch pendant que vous tiendrez à distance le temps brisé. Chacun de nous trois veillera à ce que nous sortions vivants de la tempête.”

Sur ces mots, elle jeta un regard poignant à Sunny. Il était désolé pour Ananke, mais il savait que Nephis avait raison. Leur guide… n’était plus capable de guider le bateau à travers une tempête déchaînée. Même si cela blessait sa fierté et allait à l’encontre de sa détermination, il était temps pour eux deux de protéger Ananke au lieu d’être protégés par elle.

Ils devaient s’assurer qu’elle survivrait à la tempête. Et après cela… ils devaient également s’assurer qu’elle ait les moyens de retourner à Weave.

Comment les choses sont-elles devenues si compliquées ?

Cette maudite tempête avait complètement détruit leurs plans. Il ne leur restait plus qu’à terminer leur combat contre elle, puis à en élaborer de nouveaux.

La pression sur Sunny allait augmenter, étant donné qu’il allait devoir drainer l’eau du ketch tout seul cette fois-ci. Mais il allait devoir se débrouiller, d’une manière ou d’une autre. S’il y avait une consolation, c’était que la moitié du voyage était déjà derrière eux. Sachant que chaque minute les rapprochait de la sécurité, il n’aurait pas besoin de préserver autant son essence.

Sunny sourit, puis frappa dans ses mains.

“Très bien ! Sortons d’abord de l’œil du cyclone. Honnêtement, cet endroit magnifique… est bien trop effrayant. Je me sentirai mieux une fois que nous serons noyés dans des eaux déchaînées et battus par des vents dévastateurs. Pas vous ?”

Sans compter qu’il luttait encore contre une envie irrésistible de scruter les reflets figés dans l’eau stagnante, au mépris des conséquences.

Ananke baissa la tête, dépitée, mais il n’y avait rien à dire. Sa petite taille ne lui permettait plus de diriger le ketch dans la puissante tempête. Transcendante ou non, elle n’était plus qu’une enfant.

Ressentant un sentiment d’urgence, ils luttèrent tous les trois contre la tranquillité du temps figé et se dépêchèrent, espérant retourner le plus vite possible dans l’étreinte écrasante de la tempête.