Chapitre 1151 – Ne Pas Voir Le Mal

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Un hall souterrain ravagé. Béton fendu, vieilles machines transformées en tas de ferraille, murs cassés. L’obscurité profonde chassée par la lumière vive des projecteurs électriques.

La puanteur du sang imprégnant l’air.

Et des corps, bien sûr, éparpillés sur le sol fissuré. Des dizaines, portant tous de terribles blessures. Les corps des Éveillés de Valor, des Éveillés de Song… et un autre, une affreuse colline de chair grise qui avait été une Créature du Cauchemar auparavant.

Morgan étudia la scène du massacre avec une expression neutre alors qu’elle marchait parmi les cadavres. Elle s’attardait quelques instants près d’un cadavre, puis passait indifféremment au suivant. Ses yeux vermillon étaient froids.

Saint Gilead, Chevalier de l’Été, était plus expressif. Il était agenouillé devant l’un des corps, une expression de tristesse sur son beau visage galant. Un lourd soupir s’échappa de ses lèvres.

“Amiran…”

Morgan se retourna et regarda le Transcendant.

“Oh, je suis désolé, Seigneur Gilead. J’ai oublié que vous étiez tous deux membres de la même cohorte. Toutes mes condoléances.”

Cela dit, sa voix était sans regret.

Chevalier de l’Été baissa les yeux.

“Parfois, j’oublie…”

Elle haussa un sourcil.

“Quoi ?”

Le Saint s’attarda quelques instants, puis lui offrit un regard calme.

“Combien je vous déteste, toi et ta famille.”

Morgan sourit légèrement et détourna le regard.

“Eh bien. Qu’est-ce que je peux dire ? Nous sommes détestables.”

Sur ces mots, elle utilisa sa botte blindée pour retourner l’un des corps et demanda :

“Est-ce que ça a un sens pour toi ?”

Chevalier de l’Été se leva avec un soupir et s’approcha.

“Le résultat n’est pas à la hauteur des espérances, mais la suite des événements semble claire. Nous avons gravement sous-estimé l’opposition. Selon toute vraisemblance, Amiran aurait dû remporter une victoire nette… mais la présence d’un Tyran Corrompu a changé la donne. Notre estimation de la puissance de Maîtresse des Bêtes doit être corrigée. Pourtant… il a tué la bête, même si le prix à payer était sa vie.”

Morgan secoua la tête.

“C’est clair, non ?”

Son regard était fixé sur le coup mortel de l’épée qui avait tué l’Éveillé devant elle.

Morgan resta immobile quelques instants.

“…Quelle belle coupure.”

Semblant se désintéresser du cadavre, elle se détourna et appela l’un des spécialistes qui surveillaient la scène. L’homme s’approcha, s’inclina, puis fit un premier rapport. Ses conclusions allaient dans le sens de ce qu’avait dit Saint Gilead.

Morgan le dévisagea d’un air sombre.

“Les devins ont-ils découvert quelque chose ?”

L’enquêteur détourna le regard, embarrassé.

“…Rien, ma dame.”

Un léger froncement de sourcils apparut sur son visage.

“Vous êtes donc en train de me dire que six cohortes des meilleurs éléments de Valor, armés et blindés de Mémoires forgées, ont perdu contre quatre cohortes infiltrées de Song ? Et que le Chevalier Amiran a tué seul un Tyran Corrompu ?”

L’homme baissa la tête.

“C’est ce que disent les preuves, ma dame.”

Morgan se moqua.

Elle resta silencieuse un moment, puis se tourna et s’adressa à une jeune femme délicate qui se tenait silencieusement au-dessus d’une tête coupée :

“Et toi, Cassia ? Vois-tu quelque chose ?”

La jeune femme se déplaça légèrement et répondit d’un ton calme :

“…Je ne vois rien.”

Morgan pencha la tête.

“Es-tu en train de me dire que tu ne perçois rien, ou que tu ne vois rien ?”

Chevalier de l’Été fronça les sourcils, pensant que la princesse se moquait de la jeune aveugle. La jeune femme, elle, se contenta de hocher la tête.

Morgan sourit.

“Ha !”

Elle se tourna vers le Saint et le transperça d’un regard amusé.

“Vois-tu, Seigneur Gilead. Au moins, quelqu’un n’est pas inutile ici.”

Puis son expression s’assombrit.

Morgan regarda à nouveau le cadavre qui gisait à ses pieds et fronça les sourcils.

Après quelques instants de silence, elle marmonna :

“Était-ce la Maison de la Nuit ? Non, c’est peu probable. Cette coupure… qui aurait pu…”

***

Sunny recula d’un pas et se pencha en avant, respirant bruyamment. À ses côtés, Cassie vacillait, luttant pour retrouver son équilibre après que sa rapière ait été brisée par l’attaque de Morgan.

…Aujourd’hui, la princesse avait décidé de les affronter tous les deux en même temps.

Le combat était particulièrement éprouvant. Ils s’étaient bien battus, coopérant l’un avec l’autre de manière si parfaite qu’il semblait qu’ils partageaient le même esprit. Mais à la fin, la princesse les repoussa impitoyablement. Elle semblait possédée, attaquant avec une telle puissance et une telle férocité que Sunny trouvait presque inutile de minimiser ses capacités.

Il fit semblant d’être complètement épuisé — il n’y avait pas vraiment besoin de faire semblant — et abaissa son épée.

“C’était… c’était un bon combat, Dame Morgan.”

Elle jeta un coup d’œil à sa propre lame, entaillée de toutes parts et complètement abîmée, puis la jeta sur le côté avec frustration.

“Oui, vous vous êtes bien débrouillé, vous aussi.”

Après avoir repris son souffle pendant quelques secondes, il se redressa lentement et la regarda avec une expression compliquée.

“Mais… quelque chose vous tracasse ? Votre technique semblait un peu distraite aujourd’hui.”

Morgan le fixa quelques instants, son visage devenant froid.

Finalement, elle dit avec une pointe de mécontentement dans la voix :

“Ce n’est pas à une personne comme vous de s’en préoccuper. En y réfléchissant bien… je n’aurai pas besoin de vos services dans les jours à venir, Maître Sunless. Alors, faites-vous discret.”

C’est exactement ce qu’il voulait. Sunny prit une expression alarmée et baissa le regard.

“Ah… comme vous voulez, ma dame.”

Elle s’attarda quelques instants, puis se moqua et partit.

Sunny et Cassie restèrent seules dans la salle d’entraînement.

Deux jours s’étaient écoulés depuis le massacre dans l’usine abandonnée. Morgan semblait soupçonner que quelque chose d’irrégulier s’était produit dans le hall de production souterrain, mais pas une goutte de cette suspicion n’était dirigée vers Sunny.

Il avait bien caché ses traces, et personne au sein de Valor ne pouvait imaginer que quelqu’un comme lui était capable d’anéantir dix cohortes d’Éveillés des grands clans, et encore moins de le faire avec une précision aussi insidieuse et sans faille, presque diabolique.

Quant à Sunny, il jouait sans peine le rôle de celui qui n’avait aucune idée de ce qui s’était passé.

Jetant un coup d’œil à Cassie, il haussa les épaules.

“Qu’est-ce qu’elle a ?”

La jeune aveugle tourna la tête pour lui faire face, puis resta silencieuse un moment. Elle finit par dire :

“Tu n’as pas à t’inquiéter.”

Sunny fronça les sourcils.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

Cassie savait-elle quelque chose ? Si quelqu’un pouvait le savoir, c’était bien elle.

Il secoua la tête, puis traîna son corps fatigué à travers la pièce pour replacer l’épée d’entraînement dans son support.

Si Cassie savait, elle garderait le silence.

Mais, dans tous les cas, la suggestion polie de Morgan de disparaître pendant quelques jours était très opportune. Même s’il était persuadé d’avoir évité tout soupçon, il valait mieux ne pas parader devant les émissaires de Valor pendant un certain temps.

Et, pour être honnête, Sunny avait bien besoin d’un peu de vacances.

Posant l’épée, il regarda Cassie et lui demanda :

“Hé, à propos de la faveur que je t’ai demandée ? Et si nous allions dans le Royaume des Rêves pour un petit moment ? J’ai l’impression d’être libre tout d’un coup.”

La jeune aveugle sourit légèrement.

“Bien sûr, pas de problème.”

Elle posa soigneusement sa rapière brisée sur le sol et ajouta :

“Je l’ai déjà dit à Nephis. Elle est libre, elle aussi.”

Sunny se figea un instant, puis fit une grimace.

Foutus oracles…