Chapitre 946 – Route Touristique

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

L’autoroute côtière… cette maudite chose.

Sunny savait, bien sûr, que voyager par cette autoroute était une option. Une option incroyable, même, si l’on considère que l’autoroute était large, plate, en bon état, et qu’elle s’étendait presque jusqu’à l’extrémité nord du Centre de l’Antarctique, en contournant toute la masse continentale entre les montagnes et l’océan.

Mais c’est justement là que le bât blesse. Construite le long de la côte, elle était à la fois terriblement proche de l’eau et complètement exposée. Ici, dans les montagnes, le terrain les cachait de la plupart des Créatures du Cauchemar qui rôdaient, et ils pouvaient l’utiliser à leur avantage. Sur la côte, rien ne les protégerait des hordes d’abominations, qu’elles soient terrestres ou sous-marines.

Le Sergent Gere et les autres survivants du premier convoi, beaucoup plus important, peuvent témoigner des horreurs de l’autoroute côtière. Ils l’avaient échappé de justesse la première fois, perdant la plupart des transports et tous les membres de leur escorte d’Éveillés au passage.

En effet, le soldat semblait incroyablement tendu à la suggestion de Luster.

“Avec tout le respect que je vous dois, vous ne savez pas de quoi vous parlez. Cet endroit… est un piège mortel. Une poignée d’entre nous a réussi à survivre à un trajet plus court sur l’autoroute que celui que vous proposez, et même ça, c’était par miracle. ”

Luster se gratta l’arrière de la tête.

“Oui, mais votre situation à l’époque était différente.”

Gere fronça les sourcils.

“En quoi ?”

Le jeune homme le regarda avec surprise.

“Je veux dire, n’est-ce pas évident ? Vous n’aviez pas le Capitaine avec vous !”

…Quoi ?

Sunny fixa Luster quelques instants, abasourdi. Cet imbécile avait-il finalement perdu la tête ?

Cependant, la réaction du Sergent Gere à cette réponse ridicule dépassa ses attentes. Au lieu de se moquer de Luster, le soldat baissa les yeux et se racla la gorge d’embarras.

“Eh bien… c’est vrai, en effet…”

Sunny cligna des yeux plusieurs fois.

“…Merci de me faire confiance, mais je ne suis pas un faiseur de miracles. J’ai aussi peur de l’autoroute côtière.”

Après tout, ce n’était pas pour rien qu’il avait choisi un voyage beaucoup plus long et beaucoup plus ardu à travers les montagnes. Même si la route offrait un chemin pratique vers leur destination, elle comportait un risque bien plus élevé de tomber sur quelque chose qu’aucun d’entre eux n’était préparé à affronter. Des hordes de Créatures du Cauchemar semblables au Nuage Dévorant à la maudite Terreur qui avait massacré toute âme vivante à LO49, en passant par d’innombrables autres horreurs dont personne n’avait connaissance.

Même tomber sur un Titan n’était pas exclu. La Bête Hivernale était contenue quelque part dans le nord par Sainte Tyris, mais l’emplacement de la monstruosité que le Commandement de l’Armée avait désignée sous le nom de Goliath était pour l’instant inconnu. Rien n’empêchait ce salaud de se montrer au moment où le convoi se retrouverait coincé à découvert.

Cependant…

Le voyage à travers les montagnes s’était avéré bien plus dangereux que Sunny ne l’avait prévu, malgré son habitude de toujours s’attendre au pire. À présent, il avait réussi à entraîner le convoi dans presque toutes les situations terribles qu’ils étaient censés éviter en ne choisissant pas l’autoroute.

Alors que le chemin devant eux était si proche d’être impraticable tout comme les transports civils qui s’effondraient sur les routes de montagne escarpées et peu fiables… la route la plus dangereuse commençait à sembler de plus en plus attrayante.

Kim soupira.

“Désolé… Je déteste être d’accord avec Luster… mais il y a environ six cents kilomètres entre nous et Erebus Field. Si nous allons tout droit, bien sûr. Si nous devons manœuvrer à travers les montagnes et les contourner à la recherche de routes praticables, en combattant des Créatures du Cauchemar au passage… Je doute que beaucoup d’entre nous y parviennent.”

Elle soupira, puis jeta un regard hésitant à Sunny.

“Cependant, si nous descendons jusqu’à l’autoroute côtière et que nous avançons à toute vitesse… nous pourrons parcourir ces six cents kilomètres en quelques heures. Bien sûr, c’est un risque énorme, mais… n’est-ce pas un risque encore plus grand de s’entêter à avancer dans les montagnes, si cela signifie rester dans la nature pendant des jours, voire des semaines ?”

Sunny grimaça.

Kim avait un peu raison. L’autoroute côtière était dangereuse, mais les montagnes l’étaient tout autant. Elles regorgeaient de Créatures du Cauchemar de toutes sortes, et il était trop difficile de s’y retrouver après le tremblement de terre.

Il y avait aussi la question du temps, dont personne à part Sunny — et peut-être le Professeur Obel — ne semblait avoir conscience, puisqu’ils n’avaient pas une vision d’ensemble.

Et le tableau d’ensemble, d’après ce qu’il pouvait voir, n’était pas très reluisant. La Première Armée ne remportait aucune victoire contre la marée d’abominations… au contraire, sa position s’aggravait progressivement. Ces jours et semaines supplémentaires dont Kim avait parlé étaient bien plus importants qu’elle ne le pensait, et ce, pour plus d’une raison.

Sunny soupira.

…En fin de compte, les deux choix étaient terribles. Rester dans les montagnes était un peu plus sûr, mais aussi un peu désespéré. Essayer de rejoindre l’autoroute côtière était bien plus dangereux, mais offrait aussi des chances de salut bien plus réalistes.

C’était comme lancer un dé.

…Est-ce que je me sens chanceux aujourd’hui ?

Il resta silencieux un long moment, puis désactiva la projection et regarda les personnes rassemblées dans la salle de commandement. Tout le monde était tendu, attendant de connaître sa décision.

Sunny se frotta le visage d’un air fatigué.

“Préparez les véhicules pour qu’ils soient prêts à tout. Je veux qu’ils puissent maintenir leur vitesse maximale pendant au moins six heures sans jamais ralentir… faites tout ce que vous pouvez. Je me fiche que les transports se désagrègent et explosent après ça, assurez-vous que rien ne tombe en panne sur la route. De toute façon, ce sera probablement leur dernier voyage, alors préparez-vous bien. Nous allons prendre la route touristique le long de la côte.”

Ce disant, tout le monde se mit soudain à travailler d’arrache-pied. Préparer le convoi pour une charge à grande vitesse sur l’autoroute côtière n’était pas une mince affaire, surtout si l’on considère qu’il allait très probablement se transformer en une bataille roulante.

Sunny était l’un des rares soldats à n’avoir rien de particulier à faire. Il sortit donc pour regarder le ciel nocturne, la pleine lune le fixant comme un œil aveugle géant.

À quelques mètres de lui, le seul Dormeur du convoi était occupé à appliquer du venin noir sur les balles qui restaient aux soldats du Sergent Gere. Il faisait de même avec ses flèches.

Soudain curieux, Sunny interpella le jeune homme.

“Hé, toi. Qu’en penses-tu ? On va s’en sortir ?”

Le Dormeur le regarda avec des yeux écarquillés. Il ne s’attendait apparemment pas à ce que le Capitaine s’adresse à lui.

“Monsieur ? Oui, monsieur ! Sans aucun doute, monsieur !”

Sunny gloussa.

“Quel état d’esprit… oh, c’est vrai. Je voulais te demander… quel est ton nom, au fait ?”

Le Dormeur le fixa d’un regard vide pendant quelques instants, puis baissa les yeux et murmura sous son nez :

“Bon sang… c’est quoi ce bordel ?”

Sunny fronça les sourcils.

“Qu’est-ce qu’il y a ?”

Le Dormeur tressaillit.

“Oh… désolé, monsieur ! C’est juste que… euh… je vous ai déjà dit mon nom, genre vingt fois. C’est mon Défaut, monsieur. Tout le monde semble l’oublier !”

Hein ?

Sunny se gratta l’arrière de la tête.

“Eh bien… d’accord.”

Quel étrange Défaut. Ce n’est pas le pire, cependant…

Il laissa le Dormeur tranquille et s’avança, s’arrêtant devant le Rhino et regardant devant lui. Il commença alors à étirer ses muscles. La route devant lui était désolée et plongée dans l’obscurité.

Ça… va être une course endiablée.