Chapitre 907 – Le Fardeau du Commandement

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Comme prévu, les réfugiés étaient dévastés par la nouvelle que leur salut leur avait échappé au dernier moment. Beaucoup d’entre eux semblaient sur le point d’abandonner, mais étrangement, le terrible changement ne fut pas aussi écrasant pour leur moral déjà en berne que Sunny l’avait pensé.

La raison… c’était lui. Ou plutôt, son statut et sa réputation.

Bien qu’être trouvé par un Maître ne soit pas vraiment comparable à l’embarquement sur un navire de sauvetage, les Ascendants étaient une sorte de symbole parmi les humains. Les Saints étaient trop mystérieux et trop distants, alors ce sont les Maîtres qui habitaient le subconscient humain comme l’incarnation de la valeur, de l’accomplissement et de la puissance.

Sunny ne connaissait pas la valeur et la réussite, mais les Ascendants étaient en effet immensément puissants. Et il était plus puissant que la plupart des autres.

Aussi, lorsque les réfugiés apprirent que Maître Sunless de la Première Compagnie Irrégulière avait pris le commandement du convoi, nombre d’entre eux furent ravis malgré leur épuisement extrême. Il avait une réputation redoutable, après tout… en fait, Sunny avait l’impression que les soldats ordinaires avaient tout fait pour embellir ses exploits autant qu’ils le pouvaient lorsqu’ils avaient annoncé la nouvelle. Leur but était transparent — les soldats voulaient, eux aussi, éviter que le moral des civils n’atteigne le fond du désespoir.

En conséquence, les réfugiés le considéraient comme une sorte de héros intrépide, à la fois bourreau des Créatures du Cauchemar et sauveur infaillible des hommes. Lorsqu’ils le regardaient, leurs yeux étaient pleins d’espoir et de respect.

Sunny fut surpris par ces regards.

Imbéciles. Vous êtes si faciles à tromper…

N’avaient-ils donc pas entendu la partie de l’histoire où toute une colonie où il était stationné avait été complètement détruite ? Apparemment non. Les gens voulaient simplement croire en quelque chose qui les réconforterait, même si cette croyance était très éloignée de la vérité. Il était étrangement facile pour eux d’ignorer tout ce qui allait à l’encontre d’une telle croyance.

En fin de compte, la meilleure et la plus efficace des tromperies consistait à pousser les gens à se mentir à eux-mêmes.

…Quoi qu’il en soit, Sunny n’allait pas dissiper l’impression erronée qu’ils avaient de lui. Non seulement cela rendait les réfugiés plus faciles à contrôler, mais il y avait d’autres choses à prendre en compte. À savoir, la propagation du Sortilège.

Maintenant que Sunny savait qu’un Premier Cauchemar naissait également d’une petite Graine, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle ne pouvait être plantée que dans un sol fertile. Une âme pleine de peur et de désespoir ne serait-elle pas plus fertile, alors qu’une âme illuminée par l’espoir le serait moins ?

En y réfléchissant, il n’était pas surprenant que le Sortilège du Cauchemar soit apparu à la période la plus sombre de l’histoire de l’humanité. À l’époque, le monde entier se noyait dans le désespoir.

Peut-être qu’en gérant le moral du convoi, il parviendrait à réduire le nombre d’humains ordinaires succombant aux Cauchemars.

Voilà que je me mets à penser stratégiquement.

Secouant la tête, Sunny retourna vers le Rhino et monta à l’intérieur. Se souvenant du cadavre mutilé d’un Démon Éveillé qui reposait sous la neige à moins de cent mètres de là, il voulut quitter le terminus de l’autoroute côtière le plus vite possible… mais il y avait quelques petites choses à faire avant cela.

“Professeur Obel, puis-je vous parler ?”

Le vieil homme avait vécu les ravages de la Première Génération, il aurait donc une idée précieuse de la tâche qui attendait Sunny, à n’en pas douter.

Et en effet, parler au Professeur lui donna quelques bonnes idées. Cependant, une chose comme la Chaîne des Cauchemars ne s’était jamais produite dans l’histoire du monde, et il n’y avait donc pas de manuel sur la façon d’y survivre. Il devait donc trouver ses propres solutions.

Dix minutes plus tard, Sunny réunit sa cohorte, ainsi que le Professeur Obel, Beth et le Sergent Gere dans la cabine de commandement du Rhino.

Il ne perdit pas de temps et entra directement dans le vif du sujet :

“La situation est loin d’être parfaite, je serai donc bref. Notre première tâche est d’inspecter les véhicules du convoi et de les réparer si nécessaire, afin de s’assurer qu’ils seront en mesure de traverser les montagnes. Mais nous ne pouvons pas le faire ici, à l’air libre. Il y a un bunker militaire abandonné pas très loin de notre position… si tout va bien, nous l’atteindrons dans la journée et nous camperons.”

Son raisonnement était assez simple. Il ne pouvait pas laisser les civils dormir dans les transports exigus, car les conséquences de la transformation d’une personne en Créature du Cauchemar à l’intérieur de l’un d’entre eux seraient dévastatrices. L’idéal était donc de trouver un campement bien protégé à chaque fois qu’ils avaient besoin de se reposer.

Le vieux bunker, qui était resté vide depuis les Temps Sombres, était caché dans les montagnes, à une distance suffisante de l’océan. C’était un endroit propice à l’accomplissement de nombreuses tâches urgentes.

Sunny fit une pause et regarda ses subordonnés d’un air sombre.

“Pour l’instant, nous allons adopter une formation de marche standard. Notre tâche immédiate est d’atteindre le bunker sans subir de pertes. Nous devons nous méfier de deux types de menaces : celles qui viennent de l’extérieur et celles qui viennent de l’intérieur. Je ne dirai rien des premières, car elles signifient simplement que nous devons nous battre avec l’ennemi. Pour ce qui est des autres, en revanche… je veux que les soldats gardent un œil sur les civils à tout moment. Ne laissez personne s’endormir.”

Il s’attarda un instant, puis ajouta :

“Faites évacuer un des transports et mettez tous les passagers dans les quatre autres. Ce sera notre infirmerie mobile. Si quelqu’un s’endort, réveillez-le. S’ils ne se réveillent pas, transférez les dormeurs à l’infirmerie et préparez-vous à les abattre si l’un d’entre eux échoue au Premier Cauchemar.”

Le Sergent Gere frissonna, mais resta silencieux. Il n’était pas facile pour des soldats ordinaires de combattre des Créatures du Cauchemar, surtout sans exosquelette en état de marche et à l’intérieur d’un transport en mouvement sans espace pour se replier et manœuvrer.

Sunny y avait pensé à l’avance. Il y avait cinq transports civils et quatre petits véhicules militaires qui les escortaient, le calcul n’était donc pas trop difficile à faire.

Il regarda ses soldats.

“Luster conduira le Rhino, tandis que chacun d’entre vous sera posté à l’intérieur de l’un des transports à partir de maintenant. Veillez à la sécurité des réfugiés et observez votre environnement. Si le convoi tombe dans une embuscade et que l’ennemi me dépasse, c’est à vous de veiller à ce que personne ne meure… ou du moins qu’il y en ait le moins possible. Belle, tu surveilleras l’infirmerie. Les autres, répartissez-vous les transports. Sergent Gere, les personnels des véhicules militaires sont responsables d’eux-mêmes. Le même protocole s’applique.”

Le soldat acquiesça.

“Oui, monsieur.”

Après cela, ils le regardèrent tous en silence.

Sunny haussa les sourcils.

“Qu’est-ce que vous attendez ? Allez-y ! Je veux quitter la côte le plus vite possible.”