Chapitre 769 – Peut-être

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Un magnifique sourire illuminait le visage de Neph, la faisant paraître beaucoup plus douce et jeune qu’elle ne le paraissait habituellement. Depuis qu’ils se connaissaient, Sunny ne l’avait vue sourire que quelques fois, et à chaque fois, un soupçon de regret effleurait son cœur. C’était dommage qu’un sourire aussi éclatant apparaisse si rarement…

Peut-être que dans ses rêves, l’Étoile Changeante se permettait de le montrer plus souvent.

Regardant le bureau d’accueil qui lui servait de couverture, il essaya de rendre sa voix calme et demanda :

“Que fais-tu ici ?”

Nephis s’attarda un instant, puis baissa les yeux.

“…Je me cache.”

Sunny haussa un sourcil.

“De quoi ?”

Sa voix s’apaisa lorsqu’elle répondit, regardant toujours le sol :

“Des gens méchants.”

Il soupira.

Le souvenir à l’origine de ce cauchemar semblait appartenir à une Nephis beaucoup plus jeune. Quelque chose de similaire avait dû lui arriver lorsqu’elle était enfant… et donc, même si l’Étoile Changeante avait l’air d’une adulte, elle n’en était pas moins une enfant. Cela signifiait qu’elle n’était pas censée se souvenir de sa rencontre avec Sunny, et pourtant, elle s’en souvenait.

Les rêves étaient étranges. Ils recèlent toutes sortes de contradictions, fusionnant des choses qui ne pourraient pas coexister dans la réalité.

Sunny se laissa tomber au sol et s’assit à côté de Neph, s’appuyant sur la surface du bureau à côté d’elle. Il resta silencieux un moment, puis dit avec un sourire rassurant :

“Eh bien… n’aie pas peur. Je vais me cacher ici avec toi. Je sais très bien me cacher, tu sais. Si des méchants viennent, ils ne nous verront pas.”

Nephis secoua lentement la tête.

“Je ne sais pas…”

Sunny croisa les bras.

“Et s’ils nous voient, je m’occuperai d’eux. Je suis très doué pour gérer les choses, moi aussi.”

Elle ne bougea pas pendant un long moment, puis dit soudain :

“C’est un rêve, n’est-ce pas ?”

Il faillit tressaillir et tenta de réprimer un juron. Cette question était… extrêmement surprenante.

Mais à quoi d’autre pouvait-il s’attendre ? C’était Nephis, après tout. Même la Terreur Éveillée de son Premier Cauchemar n’avait pas réussi à la contenir dans un rêve.

Retrouvant son calme, Sunny hocha simplement la tête. Nephis soupira.

“C’est trop beau pour être réel. C’est étrange… Je n’ai pas rêvé depuis très, très longtemps.”

Lentement, l’espace entre eux commença à changer. Il s’écoula, se transformant en quelque chose de différent. L’obscurité fut dissipée par l’éclat d’un soleil incandescent. Les eaux froides se retirèrent pour laisser place à un sable blanc immaculé. Au-dessus d’eux, il y avait maintenant un ciel azur sans limites. Sunny sentit une chaleur insupportable envahir sa peau.

Peu après, ils furent entourés d’un vaste désert brûlant.

Au lieu d’un bureau moderne, ils étaient adossés au tronc d’un grand arbre. Son écorce était aussi blanche que le sable immaculé et ses feuilles étaient écarlates. Des dizaines de milliers de crânes pendaient aux belles branches, attachés à elles par des fils de soie noire étincelants.

Plus inquiétant encore, deux silhouettes humaines étaient cruellement clouées à l’arbre, pendues comme des prisonniers. L’un d’eux était un homme aux cheveux noirs, habillé de vêtements sombres. L’autre était une femme en blanc, dont les cheveux brillaient comme de l’argent. De là où il était assis, Sunny ne pouvait pas voir leurs visages.

…C’était peut-être mieux ainsi.

Il ouvrit la bouche, mais se figea, réalisant qu’il ne savait pas quoi dire.

Il y avait trop de choses. Trop de choses qu’il voulait lui dire, trop de choses qu’il voulait lui demander. Il y avait des sujets qu’ils devaient aborder et qui concernaient leur avenir, les grands clans, les Souverains. Il y avait les sujets qui concernaient leur passé, les décisions qu’ils avaient prises, les erreurs qu’ils avaient commises.

Il y avait aussi ses émotions. Son ressentiment, sa colère, sa douleur, sa joie, son allégresse.

Il y avait aussi ses émotions à elle…

Tout cela était tellement immense. Sunny était bien plus âgé maintenant que lors de leur première rencontre… même si seulement trois ans s’étaient écoulés, ces années contenaient des vies entières de leçons amères qu’il avait apprises. Il n’avait jamais été doué pour les sentiments compliqués, et bien qu’il ait fait quelques progrès sur ce plan, Sunny était encore loin d’être un expert en la matière.

Que devait-il donc dire ?

Il resta silencieux un moment. Puis, finalement, il la regarda et dit la seule chose qui lui vint à l’esprit.

La plus vraie.

“Tu m’as manqué.”

Nephis sourit et le regarda à son tour.

“…Tu m’as également manquée.”

Sunny poussa un lourd soupir, et s’affaissa un peu, plein d’un étrange soulagement.

Un instant plus tard, cependant, son visage devint sombre et hideux.

Serrant les dents, il la fixa du regard et cracha :

“Si je t’ai vraiment manqué… alors pourquoi m’as-tu laissé derrière toi ?!”

Le sourire de Neph s’estompa lentement. Quelques instants plus tard, elle détourna le regard et soupira.

“Parce que c’était le meilleur choix.”

Sunny serra les poings.

“Pour qui te prends-tu ?! Qui a réclamé ta droiture ?! Sais-tu au moins ce que tu m’as pris ? Qui t’a donné le droit de faire ce choix à ma place ?!”

L’Étoile Changeante baissa les yeux et resta silencieuse pendant un moment. Puis elle reprit :

“Mais je ne l’ai pas fait pour toi. Je l’ai fait pour moi.”

Elle étudia le désert blanc pendant un moment, puis soupira.

“Si tu étais resté avec moi… oui, peut-être, nous aurions été plus forts ensemble. Peut-être aurions-nous grandi plus vite ensemble. Peut-être aurions-nous été meilleurs… ensemble. Peut-être aurions-nous survécu. Mais quelles en étaient les chances ? Contrairement à moi, tu ne peux pas guérir de terribles blessures. Ton âme n’est pas imprégnée du Feu. Peut-être que tu serais mort, tout simplement.”

Nephis le regarda, de douces étincelles s’allumant dans ses yeux gris.

“C’était trop de peut-être, Sunny. Je devais avoir le pire résultat à l’esprit. J’ai donc pris la décision de ne pas risquer ta vie. Mais… ne te méprends pas, ce n’était pas pour toi. C’était pour moi. Ce n’est pas que je ne voulais pas que tu meures, c’est que je voulais m’épargner de te voir mourir. Je devais aussi me protéger.”

Elle regarda le sable blanc et murmura :

“J’ai enterré trop de gens, Sunny. J’ai mérité le droit d’être égoïste. Même si cela t’a fait du mal…”

Il la fixa d’un air sombre, puis cracha :

“Pourquoi te soucies-tu de savoir si je vis ou si je meurs ?!”

Nephis le regarda et sourit. Le vent fit bouger ses cheveux argentés, les faisant danser.

Puis elle haussa les épaules et dit d’un ton égal :

“Parce que c’est le cas.”