Chapitre 768 – Rivage Sombre

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Finalement, ils furent tous les quatre invités à entrer dans la chambre où Nephis dormait… cette fois sur un lit d’hôpital et non dans un cercueil fermé. Les administrateurs de l’Académie voulaient éviter tout dégât supplémentaire, et il était donc logique de demander de l’aide aux membres de la cohorte de l’Étoile Changeante.

Le fait de voir des visages familiers dès son réveil la calmerait probablement. Et si ce n’était pas le cas… avoir quatre Maîtres à portée de main serait suffisant pour faire face à toute complication imprévue.

Très probablement…

Sunny se tenait dans un coin, regardant Nephis d’un air sombre. Son visage pâle, ses cheveux argentés. Au cours des deux dernières années, il l’avait souvent vue à travers le couvercle transparent de la capsule de sommeil, baignée dans sa lumière fantomatique. Maintenant qu’elle était sortie et retournée dans le monde réel, l’Étoile Changeante semblait beaucoup plus… matérielle. Et étrangement vulnérable.

Elle était vraiment de retour.

Il soupira.

Cassie était assise sur une chaise à côté du lit, tandis qu’Effie et Kai se reposaient sur un canapé. Aucun d’entre eux ne savait quand Neph allait se réveiller, et ils avaient déjà passé quelques heures à attendre. Sans avoir à en discuter, ils décidèrent tous les quatre de rester silencieux. Ils s’ennuyaient donc beaucoup.

Sunny, quant à lui, était de plus en plus tendu.

Le coin de sa bouche se crispa.

Cette attente me tue. C’est de la pure torture.

Il ne pensait pas que Nephis abuserait de son pouvoir sur lui. Mais il valait mieux se préparer au pire. C’est pourquoi Sunny repassait mentalement en revue tous les moyens astucieux qu’il avait imaginés pour saper l’autorité absolue de son maître. Il y avait toujours des moyens… posséder un esclave malgré lui n’était pas une entreprise facile. Surtout un esclave aussi puissant et ingénieux que lui.

C’était l’une des raisons pour lesquelles il avait choisi de tuer la Bête Miroir au lieu de la soumettre, il y a bien longtemps.

Pourtant, Sunny ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de peur.

…Au bout d’un moment, il secoua la tête et bougea légèrement. Puis, sans que personne ne le remarque, Sunny se fondit silencieusement dans les ombres.

Caché dans leur sombre étreinte, il hésita quelques instants, puis invoqua Cauchemar. Une vaste ombre apparut près de lui, tout autour de lui… c’était le destrier noir sous sa véritable forme informe.

Sunny se laissa envelopper par l’ombre plus grande, puis lui donna un ordre silencieux. Ce qui se passa ensuite… était difficile à décrire.

Il n’avait fait cela que quelques fois par le passé, et chaque fois, c’était aussi étrange. C’était un peu comme voyager dans le Royaume des Rêves, mais c’était aussi différent.

Lassé d’attendre, Sunny avait décidé de se rendre dans les rêves de Neph. De toute façon, ça ne servait à rien de prolonger son attente anxieuse. Il devait voir si l’Étoile Changeante était encore saine d’esprit. Il devait savoir si elle était toujours… elle-même.

Sunny se retrouva bientôt sur un rivage sombre.

Au-dessous de lui se trouvait une pente verticale, avec des vagues furieuses s’écrasant contre les falaises en contrebas. À quelque mètres de là, un grand et beau phare se dressait, illuminant l’obscurité absolue de sa flamme rayonnante.

Sunny l’étudia un moment, puis invita Cauchemar à marcher le long du bord de la falaise. Assis sur la selle, il monta le cheval noir et essaya de ne pas trop regarder autour de lui.

Les rêves étaient un endroit étrange. Ils n’adhéraient pas à la logique du monde réel et étaient toujours en mouvement, toujours changeants. Plus un rêveur était puissant, plus ils paraissaient solides.

Ils étaient également dangereux pour les Marcheurs Oniriques tels que Cauchemar et Sunny. Les menaces qu’ils contenaient n’étaient peut-être pas réelles, mais en envahissant cet espace subliminal, les invités non conviés devaient les traiter comme telles.

C’est pourquoi Cauchemar revenait souvent blessé de ses voyages. Si un Ascendant rêvait d’une puissante abomination, le destrier noir devait la combattre comme si elle était réelle. Cependant, les terribles monstres n’étaient pas les seuls à représenter une menace. Ses adversaires étaient mus par le rêve lui-même, et leur force dépendait donc de celle du rêveur. Leur forme réelle n’avait pas beaucoup d’importance.

Nephis… était très forte. Ses cauchemars devaient donc être terribles, eux aussi.

Rapidement, le paysage autour d’eux changea. Le rivage sombre et le phare disparurent, et à la place, les rues d’une ville en ruine apparurent de nulle part. Avec un peu d’appréhension, Sunny reconnut les formes familières des bâtiments de pierre de la Cité Noire. Mais ce n’était pas du tout les tours d’alliage de la Capitale de Siège. Leurs façades étaient brisées, de la fumée et du feu s’échappant des fissures.

Une large route était jonchée de débris enflammés, et un luxueux VTP gisait à une certaine distance, son châssis blindé tordu et criblé de trous. Du sang s’écoulait des vitres brisées sur l’asphalte en fusion.

Sunny s’approcha lentement du VTP, puis sauta du dos de Cauchemar. Après avoir hésité un moment, il se pencha et regarda à l’intérieur de la cabine.

Il y avait plusieurs cadavres à l’intérieur, tous portant des vêtements ordinaires. Le plus troublant, c’est que ces personnes n’avaient pas de visage, et ressemblaient plutôt à des mannequins au visage lisse. Leur chair, en revanche, était bien réelle… et terriblement mutilée.

En fronçant les sourcils, il détourna le regard et étudia les environs. Il ne lui fallut pas longtemps pour remarquer une traînée de sang qui s’éloignait du VTP en feu.

Laissant Cauchemar derrière lui, Sunny suivit la piste.

Il traversa la rue et pénétra dans le hall d’entrée d’une tour d’affaires par un grand trou dans le mur. En regardant autour de lui, Sunny remarqua que le hall ressemblait étrangement à la rive silencieuse de la rivière sombre qu’ils avaient traversée une fois, il y a longtemps, alors qu’ils cherchaient les restes du Premier Seigneur.

Un brouillard blanc tourbillonnait au-dessus de l’eau, empli de chuchotements silencieux.

Il n’y avait qu’une seule chose qui ne semblait pas correspondre — un grand bureau de réception se tenait non loin de lui, noyé dans les ombres.

Sunny s’en approcha lentement, puis en fit le tour.

Derrière le bureau, appuyée dessus, une jeune femme aux cheveux argentés était assise par terre. Son visage était pâle et fatigué, et ses yeux d’un gris éclatant étaient dépourvus de toute lumière. Elle portait des vêtements banals, maculés de sang.

Sunny soupira, puis dit :

“Salut, Neph.”

La jeune femme leva lentement les yeux… et sourit.

“Salut, Sunny.”