Chapitre 615 – Runes Anciennes

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Les runes utilisées par Hope n’étaient pas petites, complexes et élaborées. Au contraire, elles étaient géantes, s’étendaient sur toute la largeur de l’arène baignée de sang, et guidaient des flots torrentiels d’énergie de l’âme au lieu de minces filets pour créer des enchantements d’une puissance inimaginable.

Une fois que Sunny sut où regarder, il ne lui fallut pas longtemps pour commencer à remarquer un motif et une signification dans l’emplacement et la direction des sillons taillés dans la pierre ancienne. Le problème était que leur portée était trop grande pour être perçue depuis le sol de l’arène. Il aurait pu voir l’intégralité des runes, peut-être, depuis le sommet de l’amphithéâtre.

Mais les combattants n’étaient jamais autorisés à quitter le champ de bataille, sauf pour retourner au donjon.

…En l’absence d’une vue aérienne, tout ce qu’il pouvait faire était d’essayer de compiler les pièces décousues du puzzle dans son esprit. À présent, Sunny avait combattu dans la plupart des boxes de l’arène, à l’exception de quelques-uns.

Après avoir vaincu un autre groupe de Bellicistes et avoir été renvoyé dans sa cage, il passa toute la nuit à essayer de se souvenir de chacune des scènes sur lesquelles il avait versé son sang, ainsi que du dessin des rainures sur le sol. C’était comme assembler un puzzle compliqué, mais au lieu des pièces, il n’en avait que des souvenirs fragmentés.

Heureusement, il avait toujours eu une bonne mémoire. En fait, après être devenu un Éveillé et avoir eu l’occasion d’interagir avec un grand nombre de personnes différentes, dont beaucoup étaient très intelligentes et cultivées, Sunny s’était rendu compte que sa capacité à mémoriser instantanément les choses n’était pas naturelle, même parmi eux. Auparavant, il avait simplement supposé que tout le monde pouvait en faire autant.

Or, il fallait avoir prêté attention à une chose pour s’en souvenir, ce qui n’était pas le cas de tous les sillons, mais seulement de ceux qui s’étaient trouvés sur son chemin. De plus, il avait du mal à déterminer comment les boxes de forme irrégulière étaient situées les unes par rapport aux autres, car ce n’était pas quelque chose auquel il avait pensé auparavant.

La tâche de créer dans son esprit une réplique tridimensionnelle parfaite de l’ensemble de l’arène n’était pas facile.

Les jours suivants, il fut quelque peu distrait pendant qu’il combattait les Créatures du Cauchemar dans le Colisée Rouge. Il était déconcerté par le fait que leurs ennemis devenaient de plus en plus forts alors que tous les esclaves les plus faibles étaient lentement massacrés, et ses performances en souffraient.

Cela signifiait plus de blessures, plus de douleurs et plus de tourments.

Parfois, il se sentait complètement battu, brisé et sans espoir. Sunny connaissait bien la souffrance et les épreuves, et il avait connu sa part d’angoisse dans sa vie… mais le Procès du Colisée Rouge s’était avéré être un enfer si terrible que même lui avait du mal à en supporter le fardeau. C’était tout simplement trop cruel, trop odieux, trop vil…

Et cette torture éprouvante n’allait pas s’arrêter tant qu’il n’aurait pas abandonné.

Mais il n’abandonna pas. L’étrange tâche qui consistait à percer les secrets du Démon du Désir le poussait à continuer, même si son corps était blessé et son esprit brisé. C’était presque une obsession. Sunny continua à se battre, à tuer, à souffrir… et à étudier les pierres anciennes.

Son état mental s’était tellement détérioré que même Elyas, qui traversait sa propre et terrible épreuve, s’aperçut que quelque chose n’allait pas chez son partenaire démoniaque taciturne. Le jeune homme essaya tant bien que mal d’encourager la créature de l’ombre, mais que pouvait-il dire pour apaiser le désespoir de leur situation ?

Ils étaient réduits en esclavage, enfermés dans des cages et forcés de se battre pour leur vie contre une nuée de monstres mortels, avant d’être renvoyés derrière les barreaux de fer, nourris de la chair crue des abominations qu’ils venaient de tuer, et de revivre tout ce cauchemar le lendemain, sans espoir de s’échapper autrement que par la mort… en étant tués et dévorés par les autres prisonniers du Colisée Rouge.

Même leurs geôliers semblaient piégés par le Colisée, enchaînés dans le même cercle vicieux et condamnés à partager le même sort que leurs esclaves. À l’intérieur de ce théâtre antique, seuls le sang et la folie régnaient.

…Et pourtant, tout cela n’était pas inutile. Finalement, après avoir perdu le compte des jours passés dans le Colisée, Sunny parvint à en créer une image complète dans sa tête. Il comprit alors la forme des runes géantes taillées dans la pierre sanguinolente.

Et grâce à cette compréhension, il fut en mesure de comprendre leur but.

Après avoir appris la forme et la position des runes, Sunny se trouva capable de regarder sous la surface de la pierre et de voir leur fonction. Cette capacité avait toujours été en lui, cachée au fond de ses yeux changés… il n’avait simplement pas su où et comment regarder, comme il n’avait pas été conscient de sa capacité à voir les noyaux d’âme des créatures avant de se heurter à Mordret dans sa Mer de l’Âme.

Armé de ses nouvelles connaissances, Sunny fut capable de percevoir de vastes rivières d’essence d’âme s’écoulant sous l’arène et à travers ses murs, suivant les chemins complexes tracés par les immenses runes.

Les enchantements n’étaient que l’expression de la volonté de l’enchanteur, et les runes étaient les éléments de base avec lesquels l’enchanteur manipulait le mouvement de l’énergie pour atteindre son but.

Mais d’où venait toute cette énergie de l’âme ?

Au début, Sunny supposa que le Colisée Rouge était similaire au Labyrinthe Cramoisi, et qu’il se nourrissait des âmes des créatures tuées en son sein.

Les esclaves se massacrant les uns les autres dans l’arène devaient renforcer la sorcellerie qui les asservissait par l’acte même de massacre… mais après avoir observé le flux d’essence d’âme à travers l’ancienne structure pendant un moment, il réalisa que sa théorie initiale était erronée.

Au lieu des combattants, c’était la foule des spectateurs qui alimentait les enchantements. C’était leur jubilation, leur exaltation, leur excitation sincère qui étaient la source de toute la puissance circulant dans le théâtre antique. Bien sûr… pourquoi le Démon du Désir baserait-il sa sorcellerie sur la mort ?

Son domaine était fait de rêves, d’émotions et de passion. Ce n’est qu’après que les disciples du Dieu de la Guerre eurent usurpé le colisée que le sujet de toute cette passion devint la bataille, l’effusion de sang et le meurtre. L’état actuel de l’arène n’était pas ce qu’il était censé être… elle avait été volée, pervertie et transformée en quelque chose de tout à fait différent.

…Corrompue.

Plus d’un mois s’était écoulé depuis l’entrée de Sunny dans le Second Cauchemar. Le donjon était de moins en moins fréquenté, la plupart des prisonniers ayant été tués depuis longtemps sur les pierres sanglantes de l’arène. La fin de l’odieuse Épreuve — quelle qu’elle soit — approchait.

Maintenant, il connaissait le principe de base du fonctionnement des enchantements qui le maintenaient lié au Colisée Rouge…

La question était donc de savoir comment utiliser ces connaissances pour s’échapper.