Chapitre 614 – La Toile de Hope

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Un nouveau jour apportait avec lui une nouvelle portion de douleur, d’épreuves et de désespoir.

Sunny et Elyas furent traînés dans l’arène, le même belliciste Ascendant les guidant par les chaînes attachées à leurs colliers. Sunny avança en trébuchant, le regard fixé sur le large dos de l’homme.

Le geôlier était incroyablement grand pour un humain, sa taille dépassant même celle du démon de l’ombre que Sunny habitait actuellement. Sa silhouette était solennelle et puissante, une impression de force terrifiante s’en dégageant sous forme d’ondes presque physiques. L’apôtre de la Guerre portait la même armure de cuir et une robe rouge en lambeaux, ses traits étant cachés par une profonde capuche.

Depuis toutes ces semaines, Sunny n’avait jamais vu son visage, ni ne l’avait entendu parler.

La grande lame qui ornait le dos du guerrier Ascendant avait également un aspect particulier. Elle était certainement enchantée par une magie très puissante… maintenant que Sunny tournait ses pensées vers la nature de la sorcellerie, il étudiait silencieusement la ligne de runes inscrite le long du tranchant de l’arme lourde.

Encore de la magie runique…

C’était logique… comment ces peuples anciens étaient-ils censés enchanter leurs armes autrement ? Ce n’était pas comme s’ils pouvaient compter sur les Mémoires et la structure magique. Cela dit, les armes magiques semblaient beaucoup plus rares dans le Royaume de Hope que dans le monde réel. La plupart des Éveillés que Sunny avait affrontés dans l’arène maniaient des armes banales ou dotées d’enchantements faibles et primitifs.

C’était bien loin des puissantes Mémoires auxquelles il était habitué, bien que Sunny ne sache pas si c’était la nature de cette époque, ou juste un autre signe de la régression omniprésente qui semblait régner dans ce qu’il restait du Royaume de Hope. Tout ici semblait dévolu, usé, et sur le point de s’effondrer.

Toute la région était manifestement en déclin, et ce, depuis un certain temps déjà.

…En étudiant les runes sur la grande lame, il remarqua aussi qu’elle avait quelques nouvelles entailles. L’armure de cuir du géant silencieux présentait également plus d’égratignures qu’auparavant…

Il semblait que l’Ascendant participait lui-même aux combats dans l’arène.

Je suppose que je vais devoir combattre ce monstre, un jour ou l’autre…

Enfin, une grille de fer rouillée apparut devant eux, la lumière aveuglante du soleil passant à travers ses barreaux. Les voix grondantes de la foule résonnaient sur les murs de pierre, le submergeant comme une marée maudite.

Le portail s’ouvrit et les chaînes se détachèrent de leurs colliers. Sunny et Elyas entrèrent dans le premier box et regardèrent leurs adversaires sortir d’un tunnel similaire.

Le jeune Éveillé brandit son arme — une courte lance taillée dans une longue corne torsadée — et esquissa un faible sourire.

“La chance… la chance est de notre côté aujourd’hui, Démon ! Ces créatures sont appelées des Fouisseurs. Sur de la pierre solide, leur principal avantage disparaît ! Mais ne les laisse pas t’avaler…”

Sunny grogna, puis s’élança vers l’avant en rugissant.

…Rude. La journée allait être rude.

Il avait été forcé d’utiliser la Danse de l’Ombre pour scruter les âmes des Créatures du Cauchemar, même s’il se doutait qu’en faire trop risquait de détruire son esprit déjà instable. Il devait également se concentrer sur le combat et étudier minutieusement le théâtre antique, dans l’espoir de découvrir des signes de la sorcellerie de Hope.

C’était un peu comme lors de ses premiers entraînements avec Sainte, lorsqu’il devait résister au monstre taciturne tout en gardant un œil sur son ombre pour déchiffrer le secret de sa danse. Le problème, c’est qu’à l’époque, il s’était fait battre à plate couture par Sainte la plupart du temps.

Maintenant, il ne pouvait plus se permettre de perdre.

Sunny s’attaqua aux répugnants Fouisseurs, qui ressemblaient à des sacs de chair bulbeuse dans lesquels s’ouvraient de gigantesques gueules circulaires, et tenta d’abattre ces abominations sans se faire dévorer vivant.

…Le premier combat eut lieu, puis le deuxième, le troisième et le quatrième.

Sunny avait tué les vicieux Fouisseurs, puis une créature qui ressemblait à un squelette géant ambulant, dont les os étaient verts et aussi durs que le granit, puis un essaim de fourmis monstrueuses qui couvraient le sol de l’arène comme un tapis, puis un être qui ressemblait à une montagne de boue suintante d’où sortaient de longues faucilles d’acier tranchantes comme des lames de rasoir.

Son corps était déchiré, tranché, écrasé et rongé. Elyas avait guéri les blessures les plus terribles, mais le reste demeurait, ne méritant pas encore que l’on gaspille pour lui sa précieuse essence d’âme.

Sunny fut à nouveau submergé par la douleur, la rage et le besoin désespéré de se battre pour sa survie. Tout le reste disparaissait… il ne restait que la bataille, le sang et le meurtre.

Et la peur.

…Mais aujourd’hui, cela ne suffisait pas.

Il lutta contre le brouillard de combat qui envahissait son esprit et continua à chercher, à étudier chaque coin du Colisée Rouge — le sol de l’arène, les murs qui l’entouraient, les rangées de sièges qui s’élevaient au-dessus — à la recherche de runes gravées de façon complexe.

Mais tout ce qu’il voyait, c’était les statues du Dieu de la Guerre, les visages en liesse des spectateurs et la surface usée des pierres anciennes. Il n’y avait aucune trace de gravure nulle part.

Où êtes-vous… où… ?

La cinquième bataille faillit lui coûter la vie. Alors qu’il se battait contre un ennemi familier — une créature géante ressemblant à un ver qui possédait une réserve de vitalité apparemment inépuisable — Sunny avait trébuché sur la surface inégale du sol de l’arène, avait perdu l’équilibre et s’était écroulé.

Sans Elyas, qui s’était jeté en avant sans crainte et avait attiré l’attention de la terrible abomination sur lui, il aurait été sauvagement malmené, voire aurait perdu la vie.

La première fois que Sunny avait affronté un ver de ce genre, la créature avait fini par succomber aux dégâts d’âme que lui infligeait continuellement le Regard Cruel. Aujourd’hui, il n’avait pas de Mémoire mortelle pour l’aider… seulement ses griffes, ses crocs et ses cornes.

Au final, Sunny dut littéralement déchiqueter l’abomination géante. Ce n’est que lorsque son corps fut complètement déchiqueté que le ver cessa de régénérer de la chair et de se remettre de toutes ses blessures, et qu’il mourut enfin.

Épuisé, Sunny tomba à genoux et respira bruyamment, puis jeta un regard haineux à la foule qui scandait son nom. Enfin, il baissa la tête et fixa le large sillon dans la pierre rouge de l’arène qui avait failli lui coûter la vie.

Il y avait plusieurs rainures de ce genre dans certaines des boxes, creusant le sol du colisée comme de larges canaux destinés à laisser couler les fleuves de sang. D’habitude, il prenait note de leur emplacement à l’avance pour éviter de perdre pied au moment crucial, mais aujourd’hui, avec son attention partagée entre les combats et la nécessité d’étudier l’arène, Sunny n’avait pas réussi à le faire.

Pourquoi n’ont-ils pas simplement fait en sorte que l’arène soit plate ?

La réponse était évidente. Tout ce sang devait bien aller quelque part, et sans ces rainures, le colisée entier se serait lentement transformé en une gigantesque mare cramoisie.

Il fronça les sourcils.

Attends… ça n’a pas de sens, quoique…

Sunny s’attarda, remarquant que la porte du sixième box s’ouvrait déjà.

Les rainures étaient aussi anciennes que le Colisée Rouge lui-même… ce qui signifiait qu’elles étaient là bien avant que les Bellicistes ne commencent à y organiser leurs épreuves démentes. Bien avant que le nom de Colisée Rouge ne lui soit donné.

Ce qui signifie que ces rainures furent creusées dans la pierre à l’époque où elle était encore d’un blanc immaculé, et qu’elle n’avait pas été tachée de sang.

Donc… servir de canaux pour évacuer le sang ne pouvait pas être leur but.

Les yeux sans lumière de Sunny se rétrécirent. Soudain, il réalisa son erreur.

Pendant tout ce temps, il avait cherché les runes de sorcellerie en s’attendant à ce qu’elles ressemblent à celles qu’il avait rencontrées les fois précédentes — complexes, petites et nombreuses, disposées selon des formes et des motifs. Et pourtant, il n’avait rien trouvé.

En fait, les runes étaient juste devant lui depuis le début… ou plutôt sous ses pieds.

Il était juste trop petit et insignifiant pour les remarquer, comme une fourmi rampant sur un vaste tableau et ne voyant pas l’image entière pour ce qu’elle était.

Il n’y avait pas de cercles de runes complexes gravés dans le colisée… au lieu de cela, toute l’immensité de l’arène antique était un cercle runique, une toile que Hope avait utilisée pour créer sa sorcellerie.

…Il se tenait dessus.