Chapitre 578 – Le Réceptacle Parfait

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Eh bien… c’est vraiment génial !

Le coin de la bouche de Sunny tressaillit. Le pire, c’était qu’il ne pouvait même pas être en désaccord avec le raisonnement de Pierce… car sa propre conclusion était plus ou moins la même.

Bien sûr, Mordret était parfaitement capable de faire de l’un des Égarés son réceptacle dans l’espoir de se rendre au Sanctuaire — ou dans une Citadelle humaine plus éloignée, si besoin était — et d’y voler un autre corps. Mais pourquoi se contenterait-il d’une option bien inférieure alors qu’un candidat parfait était là, à sa disposition ?

C’était peut-être la raison pour laquelle il n’avait pas essayé de chercher Sunny au cours des semaines précédentes. Mordret voulait peut-être le laisser pour la fin.

…Grâce à Cassie, Sunny avait une idée générale des Aspects de Welthe et de Pierce. Le redoutable Maître semblait posséder des pouvoirs qui le rendaient très résistant, voire carrément immunisé, à diverses formes d’attaques, tandis que son homologue plus sympathique se spécialisait dans l’amélioration de ses prouesses au combat et dans la neutralisation de l’ennemi.

Notant que seule Welthe portait l’étrange amulette en forme d’enclume, il supposa qu’elle était protégée de la Capacité de Mordret par son enchantement, tandis que Pierce était capable de contrer la possession par la seule puissance de son Aspect.

Cassie ne pouvait pas être prise non plus, à cause de sa cécité. Il fallait regarder le reflet pour être possédé, ce dont elle était incapable.

Il ne restait donc plus que Sunny…

Mais plus encore, Mordret l’avait secrètement observé pendant des mois, et connaissait parfaitement la puissance de Sunny, ainsi que sa façon de parler, de se comporter et de se tenir. Qui étaient ses amis et qui étaient ses ennemis. Mordret savait tout ce qu’il fallait savoir pour se faire passer pour lui à la perfection, ainsi que tout ce que l’on pouvait gagner en volant son Aspect, ses Ombres et ses Mémoires.

Vraiment… Sunny était un réceptacle idéal.

C’était presque comme si ce rôle avait été prédéterminé pour lui dès le départ.

Merde…

Il hésita un peu, puis jeta un coup d’œil à Pierce et Welthe, cette fois sans même avoir à feindre l’inquiétude.

“Alors, euh… quel est le plan, alors ?”

Les Maîtres s’attardèrent un peu. Puis Welthe prit la parole, la voix sombre et amère :

“Nous n’essaierons pas de nous aventurer à l’extérieur pour tenter de lier à nouveau ce monstre. Pour l’instant… pour l’instant, nous ne sommes plus assez nombreux pour le piéger. Mais il n’a aucun moyen d’infiltrer le sanctuaire intérieur, et le réceptacle qui faisait du temps son meilleur allié est détruit. Nous allons donc attendre. Dans une semaine, peut-être même moins, Saint Cormac reviendra. Le Prince Mordret devra alors affronter la colère d’un Transcendant.”

Elle n’était clairement pas ravie de devoir adopter une approche passive, car, dans un sens, cela revenait à admettre sa défaite. Mais ce plan d’action semblait en effet être la meilleure solution… du moins en apparence.

Tout ce qu’ils avaient à faire, c’était de se barricader dans le sanctuaire intérieur imprenable et d’attendre l’arrivée de la cavalerie. C’était tout à fait dans leurs cordes.

Sunny esquissa un sourire.

“C’est… un bon plan.”

Maître Welthe acquiesça, puis se tourna vers Cassie :

“Dame Cassia… si votre Aspect vous apporte une vision utile, n’hésitez pas à m’en informer immédiatement. Maintenant, allez-vous reposer, vous deux. Mangez à votre faim… nous avons tous besoin de garder nos forces.”

La conversation s’arrêta là.

Sunny et Cassie se levèrent, s’inclinèrent devant les Maîtres, puis retournèrent dans la salle principale. Là, ils subirent les regards hostiles des Égarés, remplirent deux bols d’un porridge appétissant, prirent deux jarres d’eau opaques et trouvèrent une paire de paillasses vides dans un coin reculé.

Ils s’assirent et se concentrèrent sur la nourriture, heureux de pouvoir enfin manger quelque chose qui n’était pas de la pâte synthétique. Le porridge de viande n’était pas grand-chose, mais pour eux, elle avait un goût divin.

…Au bout d’un moment, Cassie dit doucement en faisant semblant de mâcher :

“Qu’en penses-tu ?”

Sunny avala une cuillère de porridge, prit une gorgée d’eau et répondit en continuant à regarder le sol :

“Ils mentent, bien sûr. Il est impossible que Mordret ne s’introduise pas dans le sanctuaire intérieur, d’une manière ou d’une autre. Il est trop sournois pour cela. Je le sais, et ils le savent aussi.”

Son ombre, quant à elle, observait la silhouette de la sentinelle qui pouvait se rendre invisible, pour s’assurer qu’elle n’écoutait pas leur conversation.

Il garda une expression neutre en mangeant encore, puis ajouta sans regarder la jeune aveugle :

“Ce qui risque le plus d’arriver, c’est que les choses vont se gâter très vite. Welthe et Pierce vont attendre et observer un peu, puis probablement essayer de nous utiliser comme appât pour lui tendre un piège.”

Cassie resta silencieuse quelques instants, puis demanda :

“Comment le sais-tu ?”

Il sourit.

“…Parce que c’est ce que j’aurais fait.”

Ils continuèrent à manger, préoccupés par leurs propres pensées. Quelques instants passèrent avant que Cassie ne reprenne la parole, la voix un peu incertaine :

“Alors, qu’est-ce qu’on fait ?”

Sunny savoura le goût du porridge, le mâcha lentement, puis répondit calmement :

“Pour l’instant ? Rien. Attendons et observons, nous aussi. Reposons-nous et mangeons, comme on nous l’a dit. Reprenons des forces. Ensuite… ensuite, nous verrons.”

Ils ne parlèrent plus après cela et, après avoir fini leur repas, se laissèrent gagner par l’épuisement. Allongées côte à côte sur les fines paillasses, Cassie et Sunny s’endormirent. Seules ses ombres vigilantes restent en alerte, veillant sur leur maître tout au long de la nuit.

…À leur réveil, le sang envahit l’air.

Seuls vingt et un des vingt-trois Égarés étaient encore en vie.

Les deux sentinelles qui montaient la garde à l’extérieur de la salle avaient été sauvagement massacrées, sans que personne ne s’aperçoive de la manière et du moment. Leurs corps étaient encore chauds, et leur sang avait peint le sol, les murs et même le plafond en carmin, transformant le sombre couloir en un tableau épouvantable.

Au centre de la mare de sang, un seul éclat de miroir gisait, comme pour se moquer des soldats survivants du grand clan Valor. Welthe grogna et le détruisit avant que quiconque ne puisse s’approcher.

…Il semble que Mordret ait choisi de ne pas cacher qu’il avait pénétré dans le sanctuaire intérieur.

Il voulait que tout le monde soit au courant.

Qu’ils voient ce qu’il avait fait.

Et d’attendre, de se demander…

Qui prendra-t-il ensuite ?