Chapitre 1752 – Lire à Propos de Rien

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Le second passage qui l’intéressait le plus était beaucoup moins poétique, mais il titillait bien plus Sunny. En effet, il y était question des autres daemons… et surtout du nébuleux Démon du Destin.

Les runes se lisaient ainsi :

[Les dieux ont créé toutes les créatures vivantes, mais toutes les créatures qu’ils ont créées ne sont pas porteuses d’une lignée divine. Seules celles qui sont nées des dieux le sont, et celles qui sont nées de leurs descendants. Pourquoi les dieux nous ont-ils interdit, à nous sept, d’engendrer une descendance ? Pourquoi sommes-nous voués à la solitude ?

Est-ce parce que nous appartenons à l’Oublié, qui sommeille dans le Vide ?

Où est le Vide, et où se trouve sa Porte ? Comment Weaver y a-t-il pénétré et qu’a-t-il vu ?

Pourquoi Weaver a-t-il décidé d’enfreindre la volonté des dieux et de créer une lignée ?

Sang, os, chair. L’âme, l’esprit, la pensée. Et l’ombre.

Les dieux devraient découvrir la transgression, mais ils ne le peuvent pas.

C’est parce qu’après avoir créé une lignée, Weaver ne la possède pas. Elle a été perdue et sera perdue, n’ayant donc jamais été en possession de Weaver. On ne peut pas être puni pour quelque chose qui n’a jamais été.

Un morceau est perdu dans la fantaisie, un morceau est perdu dans la peur. Un morceau est perdu dans le répit, un morceau est perdu dans l’obscurité. Un morceau est perdue dans le chagrin, un morceau est perdue dans la pourriture. Et enfin, un morceau est dérobé par un voleur.

Le défi de Weaver est insaisissable, tout comme Weaver.

Mais le mien sera différent.]

Sunny fixa les runes pendant un moment, ses yeux brûlant d’envie de voyager.

Nether semblait avoir réfléchi à la différence entre lui, le plus jeune de la fratrie, et Weaver, l’aîné. Tous deux avaient décidé de défier les dieux, mais d’une manière différente.

Les dieux ont créé toutes les créatures vivantes, mais seules celles qui sont nées d’eux portent une lignée divine…

Visiblement, Weaver avait choisi la seconde voie, tandis que Nether avait choisi la première.

Mais surtout…

La lignée de Weaver.

En conclusion, il connaissait les parties restantes du Tissage. Il avait déjà trouvé le Tissage du Sang, le Tissage Osseux et le Tissage de l’Âme. Il restait les Tissages de la Chair, de la Pensée, de l’Esprit, et de l’Ombre.

Le Tissage de l’Ombre !

L’absorber permettrait-il de compenser la lignée du Dieu de l’Ombre que le Tissage du Sang avait dévorée sans ménagement ?

Et s’il parvenait à rassembler les sept, la lignée brisée de Weaver retrouverait-elle un état intact et lui accorderait-elle toute sa puissance ?

Sunny comprit enfin pourquoi le Tissage avait été brisé en de nombreux fragments. C’était parce que Weaver avait caché son existence aux dieux en l’éparpillant sur la tapisserie du destin.

Ses fragments avaient toujours été destinés à être perdus, et c’était donc comme si Weaver ne les avait jamais possédés. Le fragment destiné à être perdu dans le chagrin était le Tissage de l’Âme, que Sunny avait trouvé près de la tombe de l’Oubli. Le fragment destiné à être perdu dans la pourriture était le Tissage Osseux, qu’il avait trouvé ici, dans la Tour d’Ébène.

Le fragment destiné à être dérobé par un voleur était le Tissage du Sang, que le Sortilège du Cauchemar lui avait accordé pour avoir tué le Descendant du Vil Oiseau Voleur.

Au moment où Nether avait gravé ces runes, l’Oubli était encore en vie, tandis que Weaver n’avait pas perdu un bras. Le Démon du Destin avait donc prévu ces événements à l’avance… ou peut-être avait-il même plongé la main dans la tapisserie du destin pour attacher les fragments du Tissage à ses fils.

Il fallait être inventif pour éviter le regard des dieux.

Mais où étaient passés les quatre autres fragments ? Sunny reporta son regard sur les runes.

Un morceau est perdu dans la fantaisie, un morceau est perdu dans la peur. Un morceau est perdu dans le répit, un morceau est perdu dans l’obscurité…

Il resta contemplatif quelques minutes, puis se tourna vers la carte où étaient représentées les forteresses des daemons.

Fantaisie, peur, repos, obscurité. Imagination, Effroi, Repos, Destinée ?

Les quatre fragments restants du Tissage se trouvaient-ils quelque part dans Bastion, Ravenheart, Stormsea et le Monde Souterrain ?

Il fut soudain envahi par le désir de se rendre à Bastion et de vérifier ce qu’il en était.

Cependant… ce désir s’estompa rapidement.

Retourner à Bastion, à Ravenheart et à la grande citadelle de la Maison de la Nuit qui dérivait sur les vagues de Stormsea signifiait replonger dans le chaudron bouillonnant de l’humanité.

Sunny venait d’y échapper. Pourquoi y retournerait-il ?

Le Monde Souterrain était un meilleur choix… mais aussi un choix suicidaire. Sunny n’était pas prêt à s’aventurer dans les profondeurs des Montagnes Creuses. Sa force avait beau avoir augmenté de façon fulgurante après la Transcendance, l’obscurité véritable était l’ennemie naturelle des ombres. Là-bas, sous les pics déchiquetés, se trouvait le royaume des ténèbres…

Sunny y serait presque impuissant. Aveugle, affaibli et sans allié.

Il pouvait s’imaginer braver une Zone de Mort, mais pas le Monde Souterrain.

Oublions ça, alors.

Profondément déçu, Sunny se détourna du passage et essaya de ne plus jamais le regarder.

Peut-être un jour, dans le futur.

Le troisième passage qui l’intéressait, par coïncidence, avait trait aux Montagnes Creuses.

Mais… il était étrange.

Les runes se lisaient ainsi :

*[Qu’est-ce qui peut contenir le Vide ?

Rien.

Les dieux ont utilisé rien pour envelopper le vide, et ont placé la cage du désir au-dessus.

Là où la cage est mince, rien se faufile à travers ses barreaux. Le Monde Souterrain est l’un de ces endroits, enveloppé de rien.

C’est semblable à du brouillard.

Cependant…

Personne ne peut exister dans le brouillard.

Rien peut contenir le Vide, et personne n’existe en son sein.

Je me méfie de personne et crains rien.]

Sunny était complètement déconcerté par ce qu’il lisait, et pensa d’abord qu’il avait mal traduit. Mais après l’avoir relue une dernière fois, il confirma que la traduction était correcte.

Est-ce que Nether a eu une attaque ?

Il relut les runes plusieurs fois encore, de plus en plus perplexe.

Non, il n’était pas du genre à écrire des bêtises.

Le passage devait donc avoir un sens. Mais quel était le sens de rien ?

Sunny réfléchit à la question pendant quelques jours, jusqu’à ce qu’une idée ténue fasse surface dans son esprit.

Et si rien… était littéralement quelque chose ?

Non pas l’absence de tout, mais la présence de rien.

Le simple fait d’y penser lui faisait mal à la tête.

Mais cela ressemblait beaucoup à quelque chose dont les dieux se seraient occupés. Ces êtres fonctionnaient avec des idées et des concepts, après tout, puisqu’ils avaient façonné l’existence même de l’univers.

Ainsi, si rien pouvait contenir le Vide… les dieux auraient pu se servir de rien pour le contenir. Enveloppant le Vide d’une couche de néant, que les Êtres du Vide ne pouvaient pas traverser, car rien pouvait les arrêter. Et faire tomber la cage de l’existence sur cette couche.

Ce serait une chose divine à faire, non ?

Ce néant semblait pourtant s’infiltrer dans l’univers…

Comme un brouillard.

Les Montagnes Creuses n’étaient-elles pas toujours enveloppées d’un étrange brouillard ?

Sunny ouvrit grand les yeux, se souvenant que la cohorte avait échappé à un épais brouillard aux abords des Montagnes Creuses. À l’époque, ils avaient senti une terrible menace émaner de ce dernier, sans savoir pourquoi.

Si ce brouillard était littéralement le néant… auraient-ils été effacés de l’existence s’il les avait avalés ?

Sunny se souvint également de la créature étrange qui était sortie du brouillard et qui lui avait demandé d’ouvrir les yeux sur le Tertre Cendré.

Personne n’existe en son sein…

Y avait-il… des êtres réels nés et vivant dans le néant ?

Il sentit soudain un frisson lui parcourir l’échine.

Le Démon de la Destinée… se méfiait de rien et craignait personne.

Nether n’était-il pas en train d’admettre qu’il se méfiait du néant et qu’il craignait les êtres vivants dans le brouillard ?

Oh bordel.

Comme si le monde n’était pas déjà assez effrayant !

Sunny avait déjà fort à faire avec les Créatures du Cauchemar. Il y avait aussi les Créatures du Vide, qui étaient infiniment plus terribles que les abominations familières… heureusement, les dieux les avaient enfermées.

Et maintenant, il y avait aussi des Créatures de Rien ? Personne ?

Non… il refusait tout simplement d’y faire face.

Il est temps de dormir.

Sunny secoua la tête et quitta le quatrième étage de la Tour d’Ébène, retournant à ses quartiers.

La traduction… était presque terminée.

Il avait déjà déterminé les passages qu’il pouvait saisir, ceux qu’il ne pouvait pas comprendre, et ceux qui parlaient trop du Vide, ce qui signifiait qu’il devait les éviter à tout prix.

Rester dans le Ciel Inférieur devenait peu à peu sans intérêt.

Il était peut-être temps de commencer à réfléchir à sa prochaine destination.

J’y réfléchirai demain.

Juste avant de s’endormir, Sunny se demanda où il irait, et une pensée soudaine lui traversa l’esprit.

Je n’existe plus dans les mémoires du monde, alors suis-je moi aussi une Créature de Rien ? Personne…

***

*NDT : À partir de ce moment-là, certaines choses sont floues. Je ferai des ajustements quand j’en saurai plus.