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Chapitre 1593 – Matinée Agréable
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Avant que Sunny n’entre, il s’attarda quelques instants et jeta un dernier coup d’œil en direction du magnifique château. Puis, il leva lentement les yeux.
Là, au-dessus de la plus haute tour de Bastion et légèrement sur le côté, une île magnifique flottait dans le ciel, baignée dans la lumière dorée de l’aube. Une grande pagode de pierre blanche immaculée s’y dressait, tout aussi majestueuse que la colossale forteresse antique.
La Tour d’Ivoire.
La Citadelle errante semblait harmonieuse, dérivant au-dessus de Bastion comme un satellite. Ces dernières années, sa dame et ses guerriers avaient été envoyés à d’innombrables reprises défendre des enclaves humaines éloignées, leur renommée grandissant à chaque victoire improbable.
L’image de la tour blanche immaculée devenait peu à peu un symbole d’espoir pour ceux qui étaient assiégés par les Créatures du Cauchemar dans le Domaine de l’Épée.
Ce qui était plus qu’approprié.
Sunny regarda la Tour d’Ivoire pendant quelques instants, son expression restant parfaitement neutre. Finalement, il détourna les yeux et soupira.
Ça fait presque un mois qu’elle est à Bastion. C’est inhabituel… je pensais qu’Anvil l’aurait déjà envoyée sur un autre champ de bataille paumé.
Là-dessus, il se dirigea vers le cottage. Mais avant qu’il n’y parvienne, il entendit un bruit de pas pressés venant d’un peu plus loin dans la rue.
Tournant la tête, Sunny vit une petite jeune femme aux cheveux bruns courts s’approcher. Elle avait l’air endormie, couvrant un bâillement d’une petite paume. Contrairement à la plupart des Éveillés, la jeune femme s’obstinait à porter des vêtements modernes. Son pantalon noir et son chemisier blanc, il est vrai, ne tranchaient pas avec la mode éclectique de Bastion.
Ici, on avait autant de chances de rencontrer une personne portant un élégant costume d’affaires qu’une personne vêtue d’une armure enchantée. La première était même plus en vogue, étant donné qu’il fallait un certain effort pour transporter des biens matériels depuis l’autre côté.
La jeune femme s’arrêta et le fixa d’un air maussade.
« Bonjour, patron. »
Sunny sourit.
« Bonjour, Aiko. C’est une merveilleuse matinée, n’est-ce pas ? »
Son expression ne changea pas, mais son regard devint encore plus sombre. Un instant plus tard, Aiko détourna le regard et soupira amèrement.
« Je ne comprends toujours pas pourquoi vous insistez pour ouvrir si tôt… le soleil n’est même pas encore levé, pour l’amour des dieux… »
Gloussant, Sunny ouvrit la porte.
Il avait trouvé Aiko peu après son retour à la civilisation, il y a environ un an. À l’époque, la jeune femme avait du mal à joindre les deux bouts. D’après elle, son magasin de Mémoires fit faillite parce que le principal fournisseur avait disparu quelque part en Antarctique.
Une chose bien curieuse.
Aiko semblait se souvenir qu’elle avait eu un associé, et même que cet associé avait été chargé de fournir les Mémoires à la boutique. Cependant, ses souvenirs étaient pour le moins vagues, et son attention semblait s’égarer chaque fois qu’elle essayait de se concentrer sur l’identité exacte de ce partenaire. Elle en arrivait même à oublier d’essayer de se souvenir des détails, se contentant de penser à autre chose.
C’est ainsi que le monde couvrait le trou flagrant dans l’existence à l’endroit où se trouvait Sunny. Personne ne se souvenait qu’il avait existé, et pour les événements trop importants pour être entièrement oubliés, un substitut vague et abstrait prenait sa place.
Un type quelconque. Un étranger sans importance. Une connaissance fugace. Un camarade qui avait péri il y a longtemps, son visage et sa voix effacés de la mémoire par le passage du temps. Les gens reconnaissaient vaguement que quelqu’un avait été là, à leurs côtés, mais dès qu’ils se concentraient sur ces souvenirs, leur esprit vagabondait naturellement vers d’autres sujets.
Il en allait de même pour les traces matérielles qu’il avait laissées dans le monde. Il y avait ce fameux film, par exemple… Le Diable de l’Antarctique. Celui-ci avait été inspiré par ses actions lors de la Campagne du Sud. Les gens savaient que le personnage principal était basé sur une personne réelle, mais ils étaient incapables de réfléchir profondément à qui était cette personne.
Ils supposaient donc que le personnage principal était une représentation de l’héroïsme collectif des innombrables soldats qui avaient péri en Antarctique.
Oh… Sunny était officiellement mort. Personne ne le savait ni ne s’en souvenait. Par conséquent, son statut de citoyen avait été révoqué, ses comptes gelés et sa maison à CSQN revendue.
En résumé, non seulement tout le monde l’avait oublié, mais ils étaient même incapables de se rendre compte qu’ils l’avaient oublié.
Son sourire devint cassant.
…Au demeurant, Aiko avait hésité à prêter allégeance aux Clans d’Héritier ou au gouvernement. Elle avait perdu son emploi de manager de Kai lorsqu’il s’était engagé, et le Brillant Emporium était au bord de la faillite. C’est alors que Sunny la retrouva et lui racheta la part de son entreprise.
Après tout, même si les innombrables Créatures du Cauchemar qu’il avait massacrées en errant sans but dans le Royaume des Rêves ne lui avaient pas donné beaucoup de fragments d’ombre, elles lui avaient fourni de nombreux éclats d’âme. Il était secrètement une personne extrêmement riche.
Comme Sunny avait besoin d’un manager compétent pour l’aider à diriger l’Emporium, il engagea à nouveau Aiko. À présent, elle jouait le rôle d’assistante… et, à contrecœur, d’aide-cuisinière.
« Allez, on y va. Les lève-tôt ne vont pas tarder à arriver. »
Tous deux se rendirent dans la grande cuisine et commencèrent à se préparer pour la journée. Sunny préparait les ingrédients, tandis qu’Aiko parcourait les comptes en fronçant les sourcils.
« Patron, nous manquons de la plupart des ingrédients. Il faut que vous vous rendiez bientôt dans le monde réel. »
« Patron, nous ne gagnons pas assez d’argent. Nous n’avons vendu qu’une seule Mémoire au cours des deux derniers mois ! Quel est l’intérêt de s’appeler Boutique de Mémoires ? Donnez-moi des fonds pour une campagne marketing, je vous en supplie… »
« Patron, il y aura une livraison de la Ferme des Bêtes plus tard dans la journée. J’ai encore des bleus à cause de leur dernière visite… à vous de jouer ! »
Sunny poussa un soupir en écoutant Aiko s’acharner sur lui. Diriger une entreprise n’était pas facile.
Surtout lorsqu’il fallait s’occuper de Mémoires artisanales et essayer désespérément de ne pas attirer l’attention du Clan Valor.
Alors qu’il avait presque terminé les préparatifs, le premier client arriva enfin.
C’était un visage familier.