Chapitre 1487 – La Source

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny fixait le Grand Fleuve au loin, figé sur place. Son visage était immobile.

Cependant, une tempête faisait rage dans son esprit. Les vérités fragmentées qu’il avait apprises, vues et vécues dans le Tombeau d’Ariel se déplaçaient, se heurtaient les unes aux autres et s’enclenchaient dans un bruit épouvantable. L’inconcevable vérité de leur cauchemar se révélait lentement.

Du début à la fin… tout était…

Il fut soudain envahi par la peur.

Déplaçant légèrement son regard, Sunny étudia le magnifique ruban qui s’enroulait sur lui-même, formant une boucle infinie.

Cramoisi profond, azur vibrant, lilas doux… les sept soleils brillant dans l’obscurité…

C’était comme un rêve.

Comment est-ce possible ? Comment le Grand Fleuve peut-il s’écouler en cercle ?

Mais encore une fois… bien sûr, cela était possible.

Avec le recul, c’était tellement logique.

Il y avait toujours eu un paradoxe dans la description du Grand Fleuve. Parce qu’il était toujours décrit comme « sans fin »… Sunny n’y avait pas prêté beaucoup d’attention auparavant, pensant que ce mot était simplement là pour donner de la saveur. Mais il aurait dû s’en douter. Le Sortilège était toujours délibéré dans le choix de ses mots.

La description du Cri Étouffé était la suivante :

[…un grand fleuve y était contenu, coulant sans fin du futur vers le passé.]

Mais comment un fleuve temporel pourrait-il être infini ? Le passé n’était pas infini. Si le Grand Fleuve coulait vraiment dans le passé, toute personne naviguant dessus finirait par atteindre le point au-delà de l’origine du temps — donc, par définition, il ne pouvait pas couler à l’infini.

Lui seul le pouvait. Parce que son estuaire était aussi sa source… dans le Tombeau d’Ariel, le passé était relié au futur, créant un tout unique. La preuve était là, devant lui.

Ce n’était pas pour rien que les Créatures du Cauchemar peuplant le Grand Fleuve étaient plus puissantes dans les confins du passé, près de l’Estuaire, et dans les confins du futur, d’où Sunny était initialement venu. Les deux n’étaient qu’une seule et même chose.

Il fronça les sourcils, puis secoua la tête.

Non, attends… ça n’a pas de sens.

Si le Grand Fleuve était une boucle infinie, et que le passé se transformait en futur, sans fin… alors qu’en était-il de l’Estuaire ? L’existence de l’Estuaire était également indéniable. Non seulement il était mentionné dans les descriptions du Cri Étouffé et du Linceul de la Pénombre, mais c’était aussi la raison pour laquelle les Chercheurs de Vérité étaient venus dans le Tombeau d’Ariel.

Ils étaient venus pour découvrir les secrets que le Démon de l’Effroi avait cachés dans l’estuaire du Grand Fleuve…

L’affreuse vérité dont il avait souhaité se libérer.

Et lorsque Aletheia, le Premier Chercheur, le trouva enfin, la Souillure naquit.

Le but du Grand Fleuve était d’atteindre un point avant que le temps n’existe — avant que les dieux ne soient nés, et donc hors de leur contrôle. C’est du moins ce que croyaient Sunny et Nephis.

Alors comment se faisait-il qu’il n’y ait pas d’Estuaire ?

Il existe. L’Estuaire existe.

Déplaçant son regard, Sunny étudia la longueur du beau ruban. À cette distance, il ne pouvait pas vraiment voir le courant du Grand Fleuve, mais il voyait certaines choses.

Par exemple, une partie du fleuve était enveloppée de nuages en ébullition, qui donnaient naissance à d’immenses cyclones. Cette zone du fleuve correspondait à la fin de la Guerre du Chaos, tandis que les cyclones étaient les tempêtes temporelles qu’elle créait.

Le tourbillon colossal où se trouvait l’Île d’Aletheia était caché des regards, mais Sunny aperçut une minuscule tache sur la couche cramoisie du ruban qui se tordait. C’était Grâce Déchue. Il crut voir une autre ville sur la couche lilas. Ce ne pouvait être que Crépuscule…

La deuxième anomalie la plus visible était un endroit où la surface du Grand Fleuve était obscurcie par la brume. La brume était absolument impénétrable et couvrait une grande partie du fleuve. L’écoulement du temps à proximité semblait agité, même de loin, ce qui signifiait qu’il était absolument dévastateur de près.

Sunny eut subitement froid, réalisant qu’il n’y avait pas seulement un Estuaire…

Non, c’est… c’est impossible.

…Mais il l’avait déjà frôlé.

Quelque chose sembla exploser dans sa tête.

***

Bien sûr…

Regardant le Grand Fleuve au loin, Sunny prit une respiration tremblante.

Il se souvenait des premiers jours qu’il avait passés dans le Cauchemar, dérivant sur un morceau d’épave dans un endroit enveloppé de brume

À l’époque, tout ce qui concernait la situation lui avait paru étrange et bizarre. Il ne s’était donc jamais vraiment demandé où se trouvait cet endroit. Cependant, maintenant qu’il y pensait… même en tenant compte de la bizarrerie générale du Grand Fleuve, ces premiers jours étaient particulièrement singuliers.

Le brouillard, le morceau d’épave, et ce qui s’était passé ensuite…

En fait, Sunny n’avait jamais vu son radeau de fortune sortir de la brume. Il avait simplement entendu le grondement de l’eau et avait été projeté sous l’eau lorsque la soudaine furie du courant avait renversé le morceau d’épave. Lorsqu’il refit surface, les sept soleils brillaient au-dessus de sa tête.

Et surtout, il n’y avait plus de brume, ni en amont, ni en aval. Tout autour de lui, il n’y avait que l’étendue étincelante et onirique du Grand Fleuve, comme si la brume n’avait jamais existé. Il y avait aussi les runes démentes gravées sous son radeau.

…C’était presque comme s’il avait été envoyé là à travers le temps et l’espace au lieu d’être simplement emporté par le courant.

Et maintenant, Sunny était quasiment certain que c’était exactement ce qui s’était passé.

L’endroit brumeux où il avait passé les premiers jours du Cauchemar… était la limite extérieure de l’Estuaire. C’était aussi la source du Grand Fleuve.

C’était un endroit entre le passé et le futur, où les lois du temps étaient tordues et brisées. L’entrée du véritable Estuaire — l’espace qui existait au-delà du temps et qui contenait les secrets d’Ariel — était cachée quelque part dans la brume.

Aletheia l’avait trouvée, mais Sunny avait simplement dérivé, emporté par le courant. Lorsque le morceau d’épave atteignit la limite de la Source, il en fut expulsé et apparut dans les confins du futur, dans la zone du Grand Fleuve correspondant au moment où la personne dont il tenait le rôle était entrée dans le Tombeau d’Ariel.

Attends…

Sunny fut instantanément couvert de sueurs froides lorsqu’il se souvint de quelques détails supplémentaires concernant son séjour dans la brume… dans la Frontière.

N’avait-il pas été tourmenté par des cauchemars de folie, de désespoir et d’obsession ? N’avait-il pas crié en se réveillant…

Non, non… pas encore… je vous en supplie…

Le Péché de Réconfort n’était-il pas inexplicablement devenu parfaitement complet et réel là-bas, dans la brume ?

Et le Grand Fleuve… était une boucle…

Sunny frissonna.

Un terrible pressentiment lui saisit le cœur avec des griffes glacées.

Assis sur le pont du Briseur de Chaînes, il regarda le fleuve au loin et murmura :

« Les Six Plaies… ne sont pas les versions futures de nous-mêmes. »

Sunny ferma les yeux.

« …Elles sont notre passé. Ce sont nous, lors de la précédente révolution du Grand Fleuve. »