Chapitre 1403 – Déjà Vu

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

À cause de Sunny, ils passèrent plus de temps que prévu près du Briseur de Chaînes. Cependant, il n’arrivait pas à savoir ce qui le mettait si mal à l’aise. Au bout d’un moment, il n’y eut plus d’autre choix que de se diriger vers les falaises.

Cassie chevauchait Cauchemar à l’avant du groupe, Sunny et Nephis suivaient, tandis que Sainte et Fiélon défendaient l’arrière. Pendant qu’ils marchaient, Sunny resta silencieux, le visage profondément froncé.

“Je… Je me sens bizarre.”

C’était comme s’il avait déjà fait ces pas auparavant. Le sable blanc, la brume agitée, les édifices noirs des hautes falaises… tout cela lui semblait étrangement familier.

“Qu’est-ce qui se passe ?”

Ils finirent par découvrir une série d’empreintes dans le sable. Sunny aurait dû être surpris et curieux, mais il ne prêta guère attention à cette mystérieuse découverte. Comme s’il était naturel que les empreintes soient là.

“Elles ont été laissées par un humain.”

Il frissonna légèrement et regarda Nephis. Comment avait-il pu savoir qu’elle prononcerait ces mots ?

Sunny hésita quelques instants, puis dit doucement :

“Attendez ici.”

Pourquoi se sentait-il presque… obligé de répondre ainsi ?

Profondément troublé, Sunny laissa l’une de ses ombres derrière lui et suivit les empreintes de pas jusqu’au bord de l’île. Il y avait tant de questions qu’il aurait dû se poser… par exemple, qui avait laissé ces traces ? Cette personne avait-elle vraiment sauté dans le gouffre abyssal ? Ou avait-elle survécu et échappé à la brume suffocante ?

Mais au lieu de cela, Sunny se demandait surtout pourquoi il avait l’impression d’avoir déjà visité le bord de l’île auparavant.

Le Péché de Réconfort était là, lui aussi, et le regardait sans rien dire.

Pourquoi ne dit-il rien ? J’ai l’impression qu’il aurait déjà dû dire quelque chose. Du genre m’encourager à sauter.

Se renfrognant, Sunny retourna auprès de Nephis et Cassie.

“Les traces de pas mènent au bord de l’île. Je n’ai rien trouvé d’autre, alors… suivons-les dans l’autre direction.”

Lorsqu’elles acquiescèrent et se préparèrent à partir, il ajouta soudain :

“Attendez, vous ne sentez pas… vous ne sentez pas qu’il y a quelque chose d’étrange ?”

Nephis le regarda avec son habituelle impassibilité.

“Tout est étrange ici.”

Sunny n’eut d’autre choix que d’acquiescer. C’était une question stupide, pour commencer… bien sûr, tout semblait étrange sur une île mystique cachée derrière une barrière constituée d’un tourbillon colossal.

Ils continuèrent à avancer et finirent par atteindre des marches de pierre menant à des collines. Fiélon prit la tête, et le groupe commença prudemment l’ascension. Tout en marchant, Sunny ne pouvait se défaire de l’impression que ces marches lui étaient étrangement familières.

Qu’est-ce qui m’arrive, au juste ? Suis-je encore sous l’emprise d’un maléfice mental ?

À présent, la résistance de Sunny aux attaques mentales était plutôt élevée. Même le Péché de Réconfort, une Mémoire Transcendante de Niveau Cinq, n’arrivait pas à le rendre complètement fou. Le fait qu’il y ait dans le Tombeau d’Ariel des êtres capables de briser ses défenses ne le faisait pas douter… mais il doutait qu’il y ait ici quelque chose qui puisse le faire sans qu’il s’en aperçoive.

Alors qu’est-ce que c’est ?

Levant les yeux, il remarqua que Nephis fixait intensément les marches de pierre.

Elle a dû remarquer qu’elles ne sont pas du tout usées, comme si le Chercheur qui a vécu sur l’île les avait créées hier.

Depuis quand était-il arrivé lui-même à ces conclusions ?

Cela semblait tellement évident.

Alors que Sunny se figeait, très confus, l’une des ombres éclaireuses entendit soudain le bruit de l’acier s’entrechoquant, suivi d’un cri de douleur. Il n’était pas du tout surpris, comme s’il s’agissait de la chose la plus naturelle au monde.

Le corbeau noir qui s’était posé sur son épaule se précipita aussitôt dans le brouillard.

C’était la voix de Jet ?

Pourquoi le fait de penser à Jet l’emplissait-il d’un sentiment d’effroi glacial ?

“Sunny ?”

Cassie et Nephis avaient remarqué son état d’hébétude.

Il s’attarda un instant.

“Quelqu’un se bat dans la forêt, à environ quatre kilomètres du sommet de l’escalier. Ce doit être Jet. J’y vais.”

Les mots sortirent de sa bouche comme s’il les avait répétés.

Nephis acquiesça.

“On ne va pas tarder…”

Sans écouter sa réponse, Sunny plongea dans l’ombre.

Quelque chose ne va pas… quelque chose ne va pas…

Il savait qu’il prenait un risque énorme en se précipitant aveuglément dans la forêt. Anémone était un endroit trop dangereux pour se comporter de manière irréfléchie… Sunny n’avait aucune idée de l’ennemi qu’il allait affronter, il plongeait dans la bataille sans avoir fait le moindre préparatif, et n’avait aucune initiative.

Mais Jet allait mourir s’il tardait ne serait-ce qu’un instant. Il en était certain.

Sortant de l’ombre au cœur de la forêt, Sunny serra les dents et s’élança vers l’avant.

C’est le genre de situation où je n’ai que des mauvais choix à faire. Mais tout va bien se passer… J’ai survécu à tous les paris précédents, alors je m’en sortirai cette fois-ci aussi !

Mais à ce moment-là, il sentit une terreur glaciale s’emparer de son cœur.

…Allait-il vraiment s’en sortir ?

Ou mourrait-il misérablement après avoir finalement perdu un pari ?

S’élançant dans une large clairière, Sunny glissa sur la mousse et s’arrêta près du milieu. L’odeur du sang imprégnait l’air, à la fois effrayante et familière.

Où est-elle, où est-elle…

En regardant autour de lui, il remarqua quelqu’un allongé sur le sol, sa silhouette immobile enfouie dans la brume. S’y précipitant, Sunny tomba à genoux et fixa le sol avec des yeux écarquillés.

Jet… c’était Jet. Son armure de cuir noir semblait intacte, mais son beau visage se contorsionnait dans une grimace de terrible agonie. La mousse buvait avidement le sang qui s’écoulait de la terrible blessure où son bras avait été vicieusement sectionné.

Bordel !

Sentant sa présence, Jet ouvrit lentement les yeux. Ses lèvres remuèrent faiblement :

“Sunny… de…”

Derrière moi, dans le brouillard !

Avant que Jet ne termine son avertissement, il s’était déjà redressé et pivotait sur lui-même. Une forme vague se déplaçait dans le brouillard. Grâce à la rapidité avec laquelle Sunny avait réagi, il n’eut aucun mal à esquiver le coup.

Le Péché de Réconfort siffla, tranchant la silhouette.

Ça ne servira à rien.

Pourquoi pensait-il cela ?

En effet… apparemment tissé de brume, éthéré, insaisissable. Il devait s’agir d’une sorte de spectre, ce qui signifiait que les attaques physiques seraient inefficaces contre lui. Le subconscient de Sunny semblait avoir discerné la nature insidieuse de l’ennemi plus rapidement que son esprit conscient.

Pour ce combat, il devait se débarrasser du jian de jade et invoquer le Regard Cruel à la place.

Une fraction de seconde plus tard, le spectre brumeux se dispersa dans le brouillard agité. Sunny ne pouvait plus sentir sa présence, ce qui signifiait que l’abomination pouvait attaquer à tout moment, de n’importe quelle direction.

Laissant tomber le Péché de Réconfort, il invoqua la sombre lance. Il ne lui restait plus qu’à survivre jusqu’à ce qu’elle soit invoquée…

Non… Il me manque quelque chose…

Sunny se figea sur place, partagé entre le besoin impérieux d’être absolument concentré et le sentiment lancinant qu’il oubliait quelque chose de terriblement, terriblement important.

Qu’est-ce que c’est ?

Il ne pouvait pas se laisser distraire. Un instant d’inattention pouvait signifier la mort.

Concentre-toi !

Ses deux autres ombres éclaireuses — lugubre et joyeuse — allaient atteindre la clairière dans quelques secondes. Il ne pourrait s’offrir le luxe de réfléchir à ce sentiment qui le rongeait que lorsque son corps aurait été augmenté par les cinq ombres.

La voix rauque de Jet résonna d’en bas, hésitante et faible :

“Sunny… attention… elle est…”

Il regarda vers le bas, et puis…

Sunny était soudain inexplicablement calme.

Ses lèvres remuèrent :

“…Elle est toi.”

Le Regard Cruel se manifesta enfin.

L’ombre joyeuse s’envola dans la clairière.

Le spectre brumeux… la Bouchère Immortelle… était déjà là, l’attendant.

Une terrible agonie déchira l’âme de Sunny.

Tombant à genoux, il entendit les murmures du Sortilège et réfléchit :

Votre ombre a été détruite.

[Votre ombre a été détruite.]

Votre noyau d’ombre a été détruit.

[Votre noyau d’ombre a été détruit.]

Maintenant, Joyeuse…

Un autre éclair de tourment indescriptible transperça son existence, projetant Sunny au sol.

Se tordant de douleur, il lutta pour se relever.

J… Je savais que cela arriverait. Comment l’ai-je su ?

Finalement, il parvint à s’agenouiller. La brume était à présent insupportablement froide, faisant frissonner son corps.

Sunny leva la tête et vit deux yeux bleu glacé qui le regardaient.

Je vais mourir maintenant.

La lame fantomatique lui transperça la poitrine.

***

Sunny attendit un moment, puis se redressa lentement et regarda autour de lui. Le Briseur de Chaînes reposait sur le sable blanc, incliné maladroitement…

La forêt avait disparu. La silhouette saignante et brisée de Jet avait disparu. Les cadavres de ses ombres avaient également disparu.

…Mais il se souvenait clairement de tout cela.

Le rivage brumeux, les falaises noires, le crépuscule froid de la forêt de pins, la peur de mourir à genoux.

Je suis mort.

Mais ce n’était pas le cas. Sinon, comment serait-il ici, sur le pont du Briseur de Chaînes ?

Neph et Cassie ont dû me sauver, d’une manière ou d’une autre, et retourner au navire.

C’est à ce moment qu’il entendit la voix de Neph :

“Je vais bien. Je peux encore me battre.”

Sunny tressaillit et la fixa d’un air impassible.

“Qu’est-ce… qu’est-ce que tu viens de dire ?”

Elle haussa un sourcil.

“J’ai dit que je pouvais encore me battre.”

Sunny continua à la regarder en silence.

Son esprit était complètement vide.

Ce sont exactement les mots qu’elle a prononcés lorsque nous avons débarqué sur l’île. Non, pas seulement ses mots. Tout est exactement pareil.

Il regarda à nouveau autour de lui, notant chaque petit détail de leur environnement. Il avait raison, c’était comme si la dernière heure n’avait jamais eu lieu.

Comme si Sunny était retournée dans le passé.

Il leva lentement une main et la posa sur son visage.

…Qu’est-ce qui se passe ?