4453-chapitre-1354
Chapitre 1354 – Par la Grâce de Dusk
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Ses voiles en lambeaux abaissées, l’inquiétant navire ralentit et finit par s’immobiliser. Il dériva sur les vagues à quelques centaines de mètres de la jetée, porté par rien d’autre que le courant. Cronos avait alors retrouvé un peu de sang-froid. Il pensa brièvement à s’enfuir, mais s’en abstint.
Son corps était trop vieux pour courir à une vitesse significative. Les gardiens de la ville avaient dû remarquer le vaisseau fantôme et le terrifiant serpent d’onyx – si la Dame n’avait vraiment pas eu vent de leur arrivée, les guerriers seraient déjà en route.
Pendant quelques instants, tout le monde resta immobile – les vieillards et les femmes rassemblés sur la jetée, ainsi que la silhouette sombre qui se tenait à la proue du gracieux navire.
Le courant rapprochait lentement le navire. Ce n’était plus qu’une question de minutes avant qu’il n’atteigne la jetée.
C’est… étrangement excitant ?
Cronos aurait dû être terrifié, mais il fut plutôt impressionné et curieux. Tous les habitants de Grâce Déchue vivaient en sachant que leur vie prendrait bientôt fin — la mort était comme une vieille amie, et non comme une ennemie odieuse. L’arrivée d’un mystérieux vaisseau, cependant, était une nouveauté.
Combien de fois avait-il eu l’occasion de vivre quelque chose de tout à fait inattendu ?
Il n’avait jamais rien vu de tel et n’aurait sans doute plus jamais l’occasion d’assister à quelque chose d’aussi merveilleux. Il attendit donc avec impatience le moment où la coque du navire toucherait la jetée.
…Finalement, le gracieux navire s’approcha suffisamment pour qu’ils puissent voir toutes les terribles cicatrices et toutes les marques de brûlures qui recouvraient sa coque abîmée. On aurait dit que le navire cabossé s’était échappé des profondeurs de l’enfer et avait survécu à toutes sortes de désastres indicibles… Quelles terribles batailles avait-il endurées ? Quelles créatures terribles avaient griffé sa coque, sans parvenir à la percer ?
…Quels étaient les êtres qui l’habitaient et qui avaient pu survivre à toutes ces épreuves ? Étaient-ils, peut-être, plus terribles que les créatures qui avaient laissé leurs marques sur l’ancienne coque ?
Cronos et ses compagnons visitèrent également le pont du navire, stupéfaits par la vue d’un arbre magnifique qui poussait autour du mât principal du navire. Cet arbre était vibrant et plein de vie, pas du tout comme le sinistre navire qui se trouvait en dessous. Il était bien plus grand et robuste que n’importe quel arbre de Grâce Déchue.
C’est un travail d’orfèvre…
Cronos n’avait jamais vu un vaisseau d’une telle conception, et ne connaissait aucun constructeur naval qui aurait pu le créer. Les lignes du vaisseau fantôme étaient élégantes mais peu familières. Les petits détails de sa construction ne ressemblaient à rien de ce qu’aurait pu construire le Peuple du Fleuve… ils étaient aussi totalement différents de la façon dont le Peuple de Crépuscule construisait les choses, avant qu’il ne soit anéanti par les Souillés.
Le vaisseau fantôme avait l’air ancien et mystérieux, comme toutes les choses transmises par les Étrangers.
Soudain, Cronos ressentit une joyeuse excitation.
Ces gens… sont-ils… ?
Le navire s’approcha doucement de l’embarcadère et s’arrêta juste à côté, sa proue touchant doucement le quai d’amarrage. Alors que les humains de Grâce Déchue observaient la scène dans un silence stupéfait, quatre silhouettes sautèrent du pont sur le bois usé par les intempéries.
Il y avait deux humains à l’avant… s’ils étaient vraiment des humains et non des divinités.
Cronos eut soudain du mal à respirer.
Le premier était un jeune homme mince portant un manteau sombre, dont le visage de porcelaine était noyé dans l’ombre. Ses yeux sans lumière étaient comme deux bassins de ténèbres insondables, froids et perçants. Sur sa tête reposait une couronne de métal noir, dont la forme évoquait un serpent tortueux.
L’autre était une grande jeune femme aux cheveux argentés et aux yeux gris calmes, vêtue d’une tunique blanche. Son visage était celui d’une statue, beau et distant. Elle portait également une couronne, brillante et ornée d’une seule pierre précieuse.
Lorsqu’elle apparut, ce fut comme si la lumière des sept soleils avait gagné en intensité. Cronos sentit quelque chose bouger dans son cœur et, l’espace d’un instant, son âme fut saisie d’un désir profond et inexplicable.
Les deux étaient comme le jour et la nuit, mystérieux et beaux.
…Les deux autres étaient des monstres.
L’une était une chevalière imposante qui semblait avoir été sculptée dans l’onyx, sa gracieuse armure étant à la fois complexe et redoutable. L’autre était un ogre forgé dans de l’acier noir, avec des flammes affamées brûlant au fond de ses yeux féroces.
Quelque chose se cachait aussi dans l’ombre. Une présence effrayante qui semblait à la fois insaisissable et terrifiante.
Tout le monde regardait les étrangers, avec un sentiment d’effroi, de crainte et d’émerveillement.
Après quelques instants de silence, le jeune homme portant la couronne de serpent fit un pas en avant et parla dans une langue familière, sa voix résonnant sur la jetée :
« Nous sommes venus des confins du futur à la recherche de Grâce Déchue, le dernier bastion du Peuple du Fleuve. Nous ne vous voulons aucun mal… à moins que vous ne nous fassiez du mal. Je suis… »
À ce moment-là, Cronos se rendit compte de sa méfiance.
Ils sont là ! Ils doivent l’être !
Le cœur battant la chamade, il s’avança et demanda d’une voix tremblante :
« M-mon Seigneur… vous… êtes-vous les Enfants de Weaver ? »
Le jeune homme lui jeta un coup d’œil, faisant frissonner Cronos sous son regard perçant. Une pointe de surprise apparut dans les yeux sans lumière, puis disparut, remplacée par quelque chose qui ressemblait à de la… satisfaction.
« En effet. Nous sommes Étoile Changeante et Sunless, Enfants de Weaver. »
Ses mots furent comme une explosion pour les vieillards et les femmes rassemblés sur la jetée. Leur peur disparut et, à la place, des sourires éclatants illuminèrent leurs visages ridés.
« Bien sûr ! »
« C’est eux ! »
« Comme la Dame l’avait prédit ! »
« Louée soit la Dame ! »
Cronos ne put s’empêcher de sourire à son tour.
Ah, j’ai dû devenir sénile… pourquoi n’ai-je pas compris plus tôt ?
Il hésita un instant, puis s’inclina profondément et prit la parole, essayant de faire en sorte que sa voix soit solennelle plutôt qu’émerveillée et excitée :
« C’est un honneur pour nous de vous rencontrer. Nous vous souhaitons la bienvenue à Grâce Déchue, chers invités. »
Puis il se redressa et ajouta avec révérence :
« Dame Dusk vous attend depuis très, très longtemps… »