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Chapitre 161 – L’Assassin Tue son Ami

 

J’ai dit à Naoise que j’allais le tuer. Il n’y avait plus de retour en arrière possible. Je l’ai observé avec mes yeux de Tuatha Dé et j’ai vu son mana s’accumuler. Il était prêt à attaquer à tout moment, mais il gardait son expression amicale habituelle. Tout en se préparant, il cherchait une autre méthode que celle de me tuer.

« Tu es un homme brillant, Lugh, mais borné. Je t’ai donné toutes les informations, mais tu ne penses qu’à Alvan. C’est ta faiblesse en tant que noble assassin. »

« Je ne m’attendais pas à ce que tu m’appelles ainsi. »

Il n’était pas surprenant que Naoise sache que les Tuatha Dé étaient des assassins. Sa maîtresse s’était frayé un chemin jusqu’au centre du royaume, et les quatre grands duchés étaient toujours proches de la famille royale. Les seules personnes censées connaître notre secret étaient la famille royale et la maison Romalung, qui nous servait de patron direct, mais celui-ci s’était propagé plus loin.

« Tu m’as toujours tenu à distance, malgré notre amitié. Je voulais entendre ce secret de ta bouche. »

« C’est ainsi que nous sommes, nous les Tuatha Dé. Aucun assassin digne de ce nom ne se livre. »

« Est-ce plus important que notre amitié ? »

« Ce n’est pas comparable. C’est comme si une femme demandait à son homme s’il pense que son travail est plus important qu’elle, » dis-je en plaisantant.

J’entretenais la conversation avec Naoise tout en cherchant une occasion de frapper, même si c’était aussi en partie à cause d’une faiblesse personnelle. Je voulais faire durer les choses le plus longtemps possible.

« Ah-ha-ha, c’est vraiment ennuyeux. Tu es peut-être prêt à me tuer, mais je n’ai pas encore abandonné. »

« Tu me dis de vendre mon âme à un démon comme tu l’as fait ? »

« Oui. Je sais que tu comprends la logique, Lugh. Le monde sera détruit si le nombre d’âmes augmente trop. Tuer des démons pour protéger les gens ne sert à rien. Qu’est-ce qui te dit que la prochaine vague de démons n’apparaîtra pas immédiatement après que tu auras terminé celle-ci ? »

Il avait l’air d’un parent qui raisonne avec un enfant turbulent.

« C’est possible. Et tout ce que nous avons fait ne servira à rien si le monde s’écroule à cause d’un trop grand nombre d’âmes. »

« En tant que noble assassin, tu devrais comprendre le danger qu’il y a à se focaliser sur les bénéfices à court terme. Arrête de jouer à la justice et rejoins-moi pour sauver les gens qui méritent de vivre. Ou bien es-tu accro aux louanges ? »

« Ne me fais pas répéter. Je suis un assassin, je me fiche éperdument des louanges. Je ne suis que l’ombre du royaume et je manie ma lame pour son bien. »

Le désir de devenir un héros était inné, et je ne faisais pas exception à la règle. Tout le monde aspire à la gloire et à l’attention. Mais j’ai été réincarné dans ce monde pour le sauver et j’ai été élevé comme une lame pour sauvegarder les intérêts nationaux. Je devais donner la priorité au pays plutôt qu’à un quelconque désir de reconnaissance. J’avais l’impression d’avoir fait du bon travail à cet égard.

« Alors tu devrais te joindre à moi. Il y aura beaucoup d’avantages. Je partagerai avec toi le privilège de choisir qui sacrifier. Tu pourras ainsi t’assurer de ne pas perdre ceux que tu aimes. Et si tu es si fier de ton rôle de lame du royaume d’Alvan, nous pourrons éliminer des populations à l’étranger. Tu pourras ainsi protéger l’intérêt national comme tu l’entends. »

C’était une proposition séduisante. Je pouvais protéger mon domaine Tuatha Dé bien-aimé, Milteu, et surtout, ma famille et mes fiancées. Je n’étais pas un philanthrope. On ne m’entendrait pas prêcher que toutes les vies sont égales. Si l’on me demandait de choisir entre sauver une personne dont je n’avais jamais entendu parler et une personne à laquelle je tenais, je choisirais immédiatement la seconde.

« Je n’ai qu’un seul problème. J’aime le domaine Tuatha Dé de tout mon cœur. C’est pourquoi ta proposition m’a tenté un instant. Cependant, tu es l’héritier d’un domaine comme moi. Qu’est-ce qui t’a permis de sacrifier les gens que tu aimes ? »

« Hah, la force de ma conviction. Si je veux réduire la population humaine, je dois connaître la douleur que je vais infliger aux autres. Tuer mes citoyens bien-aimés me préparera à ordonner à d’autres de mourir pour le bien du monde. »

Il me regarda d’un air déterminé, essayant sans succès de cacher sa tristesse, comme le protagoniste d’une tragédie. Ses beaux traits lui donnaient un air pittoresque dans sa douleur.

« C’est absurde. Tu te déshonores, Naoise ». J’ai exprimé la première pensée qui m’est venue à l’esprit. Des veines se creusèrent sur la tempe de Naoise.

« Il y a des choses qu’on ne doit pas dire à un ami. Ne t’avise pas de rabaisser mes convictions. Sais-tu combien j’ai souffert pour cela ? Combien j’ai pleuré ! Tu ne peux pas comprendre à quel point il est difficile de tuer son propre peuple ! »

« Tu penses que c’est de l’abnégation, mais tu es à côté de la plaque. C’est le peuple du domaine de Gephis qui porte la douleur de cet incident, pas toi. »

« Je sais que mon peuple souffre. C’est exactement pour ça que c’est si dur pour moi ! » Naoise hurla, mais je ne reculai pas. Étant moi-même un héritier, je ne pouvais pas changer d’avis sur ce point.

« Que les choses soient claires. Tu n’es rien d’autre qu’un meurtrier… Ton peuple ne t’appartient pas. Les nobles doivent protéger le peuple et les terres qui leur sont confiés. C’est en perdant de vue cette vérité fondamentale que tu as tué des innocents tout en te croyant une figure tragique. Une fois de plus, ce sont eux les victimes. Pas toi. »

Nous, les nobles, guidions notre peuple, le protégions et lui offrions une vie confortable en échange d’impôts. Les nobles et leurs sujets avaient une relation équivalente. Ils n’étaient pas notre propriété.

« Je sais ! Pourtant, j’ai quand même brandi mon épée contre eux. J’avais besoin de connaître le supplice que j’allais leur infliger. »

C’était triste. Mes mots ne lui parvenaient pas.

« Ton acte tragique après avoir massacré des innocents prouve que tu ne comprends rien… J’ai de la peine pour le peuple de Gephis d’être affublé d’un héritier aussi paumé. »

« Tais-toi. »

« Je ne le ferai pas. Pourquoi as-tu cru si facilement les paroles d’un démon ? Les démons sont les ennemis de l’humanité. Mina t’a probablement menti. As-tu fait un effort pour vérifier son affirmation selon laquelle le monde s’effondrera sous le poids de ses âmes ? »

Je vérifiais toujours les informations que je recevais. Les données valaient plus que de l’or dans le monde criminel, ce qui entraînait beaucoup de falsifications.

« Je t’ai dit de te taire ! »

« Je ne le ferai pas. Je pense que Mina t’a fait croire que tu sauvais le monde, alors qu’en réalité, tu en as massacré des milliers pour elle. »

« Non. Non, je refuse de le croire. J-je suis devenu un vrai héros. Je t’ai surpassé ! »

« Et c’est là qu’apparaît ta véritable motivation. Tu parles de sauver le monde, d’abnégation et de conviction, mais tout ce que tu voulais, c’était la célébrité. Le monde ne pouvait pas avoir moins d’importance pour toi. Tu ne supportais pas de te sentir inférieur à moi. »

« TAIS-TOI ! »

Naoise tendit sa main droite, la transformant en un serpent qui fonça sur moi plus vite qu’une balle… Mais il fut interrompu lorsque sa tête fut expulsée de ses épaules, faisant tomber le serpent avant qu’il ne m’atteigne. Je l’avais touché.

« Désolé, mais je suis un assassin. C’est la seule façon dont je peux me battre. »

Après avoir confirmé que Naoise avait survécu à Gungnir, j’ai camouflé plusieurs canons et les ai ancrés dans le sol à proximité. Je les contrôlais à distance avec de la magie. Je ne pouvais pas ajuster leur visée, mais je pouvais attirer Naoise dans leur ligne de mire. Je ne me battrais jamais à armes égales contre un ennemi rendu puissant par un démon au point de survivre à un coup direct de Gungnir. J’étais un assassin, pas un chevalier. L’esthétique et la fierté ne comptaient pas pour moi dans un combat. Je tuais, tout simplement.

Cela dit, je ne pouvais pas me détendre simplement parce que j’avais coupé sa tête.

« Coup de Feu. »

J’ai sorti mon arme et tiré sur le Naoise sans tête. C’était une nouvelle arme que j’avais fabriquée pour cette mission ; je ne faisais pas confiance à mon arme habituelle pour être assez puissante. Le modèle était le même – un Pfeifer Zeliska, considéré comme le revolver le plus puissant de mon ancien monde – et j’y avais apporté quelques modifications. Le Pfeifer Zeliska renonçait à la portabilité et à l’adaptabilité des armes de poing au profit d’une plus grande taille et d’une plus grande puissance de feu. J’ai utilisé des cartouches .600 Nitro Express. Elles étaient généralement utilisées dans des fusils et étaient destinées à la chasse aux grands gibiers tels que les éléphants et les buffles, et non aux êtres humains. Le résultat fit ressembler le Desert Eagle, un pistolet puissant et célèbre, à un jouet.

Les formidables balles étaient d’autant plus puissantes en raison de la poudre de pierre de Fahr que j’ai utilisée, une poudre nettement plus explosive que la poudre à canon. De plus, j’ai utilisé du tungstène pour les ogives afin de les rendre plus pénétrantes. Le recul était si fort que mes côtes auraient volé en éclats si je n’avais pas été renforcé par le mana. C’était une arme imparfaite qui privilégiait la force sur tout le reste, mais je ne voulais pas qu’il en soit autrement.

« …Désolé, Naoise. »

J’ai tiré jusqu’à ce que le canon soit vide, faisant un trou de plusieurs dizaines de centimètres de large dans le sol. Il ne restait plus aucune trace du corps de Naoise, mais je restais sur mes gardes. J’ai utilisé un sort de vent pour sonder la zone tout en rechargeant rapidement. Je ne pensais pas une seconde que c’était la fin de Naoise. Si cela avait suffi à le tuer, Gungnir aurait fait l’affaire. Je ne savais toujours pas comment il avait pu survivre.

« Tch. »

Je sentis une petite vibration sous mes pieds. Mon sort de sondage n’avait rien donné, mais je me suis fié à mon instinct et j’ai sauté. Aussitôt, un serpent blanc émergea du sol et fonça sur moi. Cela expliquait pourquoi je ne l’avais pas senti – le sort de sondage n’avait rien détecté sous terre.

Je ne pouvais pas esquiver, alors j’ai protégé mes points vitaux. Le serpent changea de trajectoire sans ralentir et percuta mon estomac à découvert, produisant un crunch sourd. C’était le bruit de mon gilet pare-balles qui était surchargé et qui se brisait pour absorber l’impact, mais il ne put diffuser toute l’attaque, et je fus envoyé en l’air.

L’attaque de ce serpent était aussi puissante qu’un coup d’Epona… Un seul coup brisa ma veste, qui était assez résistante pour supporter le choc d’un camion. Mes côtes et mes organes auraient été pulvérisés sans elle. J’ai eu raison de la réparer.

J’ai roulé à l’atterrissage pour atténuer l’impact, puis j’ai regardé autour de moi. Un autre serpent jaillit du sol, puis deux autres. Le premier me chargea de face, et les autres vinrent de chaque flanc. Je sautai rapidement en arrière et me poussai avec le vent pour gagner en vitesse, plaçant les trois serpents devant moi. Puis j’ai lancé une pierre de Fahr conçue pour créer une explosion directionnelle. La bombe et les débris de fer volèrent vers l’avant, tuant les trois serpents.

J’ai utilisé la magie de vent pour flotter et éviter d’autres attaques surprises. « Je sais que tu es encore en vie, Naoise. Sors de là. »

Naoise sortit de sous terre en réponse.

« Je suis surpris. Je ne pensais pas qu’un humain survivrait. Ça me fait presque penser que tu es un second héros « , déclara-t-il.

« Je ne suis qu’un humain, malheureusement. J’essaie de compenser par mon ingéniosité, » répondis-je.

J’ai observé Naoise. Il portait un équipement différent de celui d’avant. Son armure était un héritage de la maison Gephis. Maha l’avait incluse dans la liste qu’elle avait dressée de tous les trésors divins connus. Selon la légende, elle avait survécu à plus d’une centaine de batailles sans la moindre égratignure. À sa hanche, Naoise portait une épée magique noire qui lui était familière. C’est donc pour cela qu’il utilisait une arme plus faible tout à l’heure.

« Le Naoise que je viens de tuer était un faux, » dis-je.

« Non, les deux versions que tu as tuées étaient authentiques. Je suppose qu’il n’y a pas de mal à dévoiler la supercherie. Il y avait trois moi. Les serpents règnent sur la renaissance et l’immortalité. Maîtresse Mina m’a donné deux serpents spéciaux qui ont pris ma forme, et tous deux sont devenus une extension complète de moi. Un seul de mes trois corps peut bouger à la fois. Si l’un d’eux meurt, une autre version de moi, qui dormait dans le domaine, se réveille et change de place avec lui. Impressionnant, non ? »

Je savais que Mina lui avait donné des pouvoirs, mais je ne pensais pas qu’il s’était autant éloigné de l’humanité.

« Tu n’aurais pas dû me dire ça. »

J’ai utilisé le vent qui me retenait dans les airs pour descendre rapidement. D’autres monstres serpents jaillirent du sol autour de Naoise. Ils devaient être hors de portée des lances divines, et sont venus ici après que j’ai détruit la force de Naoise. Trois des serpents se jetèrent sur moi comme des lances alors que j’approchais. J’ai pris position pour frapper Naoise et les monstres serpents, en lançant plusieurs Pierres de Fahr ajustées pour produire des explosions directionnelles. Elles éclataient violemment et bombardaient mes cibles de débris de fer, mais contrairement à ce qui s’était passé auparavant, les serpents s’en sortaient indemnes.

Je les étudiai de près et remarquai que leurs écailles brillaient comme de l’or. Il s’agissait d’une nouvelle variété.

« Tch. »

J’ai abattu deux serpents avec mon arme de poing, j’ai utilisé le recul pour esquiver le troisième, et je l’ai laissé tomber une fois que j’ai atterri. Ils peuvent donc survivre à l’explosion d’une Pierre de Fahr, mais pas à une balle de gros calibre.

Lorsque la poussière se dissipa, je regardai vers Naoise. Un serpent géant était enroulé autour de lui, sans doute pour le protéger. Cela expliquait comment il avait survécu à l’explosion de la Pierre de Fahr. Des morceaux de fer avaient transpercé la peau carbonisée du serpent, mais aucune des blessures n’était mortelle. Ce serpent était d’une solidité à toute épreuve. Il se déroula et permit à Naoise de se libérer.

« Ouf, quelqu’un est d’humeur violente. Je n’ai plus de pièces de rechange, tu sais. Ça aurait pu me tuer. »

J’ai attaché un long canon à mon arme de poing pour la transformer en fusil et j’ai tiré quatre fois. Ses monstres serpents prirent les coups à sa place.

« Ça ne sert à rien, Lugh. Ces monstres sont spéciaux. Leurs écailles sont aussi dures que l’orichalque. Je sais que tu veux me tuer à distance comme un assassin, mais ça n’arrivera pas… Combattons comme de vrais nobles ! De vrais chevaliers ! »

Naoise chargea. Il était rapide, je n’ai pas eu le temps de lancer mon sort de vol. J’ai lancé une Pierre de Fahr pour l’arrêter, mais il passa à toute vitesse et la pierre explosa derrière lui. Il sortit alors son épée noire et me donna une estocade. Incapable d’esquiver, je bloquai son coup avec mon arme de poing, la brisant malheureusement, mais cela me donna l’occasion de donner un coup de pied à Naoise dans la tempe.

Les semelles et les pointes de mes bottes étaient recouvertes de métal à des fins défensives et offensives. Nevan commença à utiliser des chaussures métallisées après m’avoir vu les utiliser. Un coup de pied puissant avec la pointe en métal pouvait facilement briser le crâne de quelqu’un. Ma botte heurta la tête de Naoise avec un clang semblable à celui du métal sur le métal.

C’est alors que je me suis rendu compte que sa peau était recouverte d’écailles très serrées. Cela ne m’a pas arrêté pour autant. Je ne pouvais pas le blesser, mais je pouvais le déséquilibrer. Je poursuivis en tailladant Naoise avec un grand couteau attaché à ma cuisse, mais il para avec son épée.

Comme on pouvait s’y attendre, je n’étais pas assez fort pour vaincre Naoise et ses nouveaux pouvoirs démoniaques dans un combat direct. J’avais besoin de distance, mais Naoise se déplaçait plus vite que je ne pouvais reculer. N’ayant pas d’autre choix, j’ai échangé des coups avec lui, comme il le souhaitait.

« Je sais que l’assassin qui est en toi doit être furieux ! » Naoise se moqua de moi entre deux respirations. Il avait l’air de s’amuser comme un fou en brandissant son arme. Je me défendis en silence.

« Tu n’as pas l’occasion de faire des tours de passe-passe ou de la magie. Les chevaliers ont l’avantage au corps à corps ! »

J’avais reçu une formation de chevalier, mais ce n’était pas ma spécialité. Naoise avait définitivement l’avantage à cette distance.

Ses attaques devenaient de plus en plus féroces. L’ancien Naoise aurait été fatigué à ce rythme et m’aurait laissé une chance d’attaquer, mais il ne montrait aucun signe de ralentissement. Au lieu de cela, j’ai lutté pour suivre malgré mon endurance largement supérieure. Il était si rapide que j’avais à peine le temps de me défendre.

« Tu peux donc te débrouiller comme un chevalier, assassin ! Je suis impressionné par ton habileté. »

Je devais sortir de cette impasse, mais je n’arrivais pas à comprendre comment. Laisser Naoise s’approcher autant avec son avantage physique était une erreur fatale. Peu importe le nombre de cartes que j’avais dans ma manche, elles ne servaient à rien si je ne trouvais pas le temps ou l’espace pour les utiliser. Il est fort, rapide et habile. C’est plus difficile à gérer que n’importe quelle capacité spéciale que Mina lui a donnée.

Le seul moyen d’endurer l’assaut de Naoise était d’abandonner l’attaque et de se concentrer uniquement sur la garde. Et, chose frustrante, il ne tenta pas d’asséner un coup mortel. Il ne pensait qu’à m’empêcher de m’éloigner, une tentative de m’épuiser qui misait sur sa victoire grâce à cet avantage physique. La façon dont il avait ignoré toutes mes tentatives de l’appâter pour essayer de m’achever en était la preuve. Je ne pourrais me retirer que s’il s’impatientait.

À ce rythme, je ne pouvais que perdre. S’il ne voulait pas prendre de risque, je n’avais pas d’autre choix que d’en prendre un.

« …Reconsidère, Naoise, » implorai-je.

« Arrête tes conneries, Lugh. Tu as dit que tu allais me tuer. »

« Tu peux encore rejoindre la société. »

« C’est trop tard. Je serais exécuté comme un traître si je me rendais maintenant… Me faire tuer tout à l’heure m’a rafraîchi la tête et m’a aidé à réaliser que cela n’a pas d’importance que Maîtresse Mina m’ait dit ou non la vérité. Ce sera la vérité une fois qu’elle aura conquis le monde. »

Naoise ne bougeait pas. Rien de ce que je disais ne l’atteignait. Je suppose qu’il reste sur ses positions. Il avait raison de dire que l’histoire était écrite par les vainqueurs – si Mina régnait, sa parole serait la vérité.

« Il est temps pour toi de mourir pour la cause. »

Il coupa mon couteau en deux avec son épée noire et m’érafla le visage, laissant une blessure peu profonde qui saignait abondamment. Je sautai en arrière de toutes mes forces, mais il me rattrapa immédiatement. J’avais dévié l’épée noire de Naoise de biais car je savais qu’elle briserait ma dague si j’essayais de la bloquer de front, mais la fatigue ralentissait ma réaction, et ma retraite maladroite ne faisait que m’exposer davantage… Du moins, c’était ce que je voulais que Naoise pense.

C’était mon pari. Je m’étais volontairement rendu vulnérable pour que Naoise attaque. J’avais fait la même chose depuis qu’il m’avait attaqué à bout portant, mais un épéiste aussi doué que Naoise savait reconnaître une fausse ouverture. Cette fois, je me suis rendu vraiment vulnérable – je ne serais pas en mesure d’esquiver son prochain coup.

Naoise décocha un coup en diagonale. Enfin, le grand coup que j’attendais. Sa lame se dirigeait vers mon épaule gauche. Vu l’habileté de Naoise et le tranchant de l’épée noire, je ne doutais pas que l’arme traverserait une armure. Je me suis précipité en avant tout en surveillant la lame du coin de l’œil.

« Tu comptes te sacrifier pour m’éliminer ? Tu es trop prévisible. » Un serpent d’or brillant s’enroula autour de l’armure de Naoise.

Son épée se posa sur mon épaule gauche. Je portais les mêmes vêtements à l’épreuve des coups que ceux que j’avais confectionnés pour Dia et Tarte. Le tissu robuste bloqua sa lame, mais il ne put éliminer l’impact, et mon épaule se brisa avec un bruit sourd. Je fis de mon mieux pour supporter la douleur intense tout en me précipitant vers l’avant. Utilisant le mana, je forçai mon bras gauche cassé à avancer, un mouvement lent et affaibli.

« Tu gaspilles tes efforts, » railla-t-il.

Cela aurait été vrai si j’avais essayé de le frapper directement. Je n’avais aucune chance de percer le monstre serpent et son trésor divin, mais j’avais un plan. Je tenais dans ma main gauche une Pierre de Fahr conçue pour produire une explosion directionnelle, et elle fut surchargée et rompit lorsque j’ouvris mon poing. Mon bras gauche était déjà cassé, peu importe que je le blesse davantage.

L’explosion nous fit voler, Naoise et moi, dans des directions opposées. Bien que la pierre ait été configurée pour que Naoise subisse le plus gros de l’explosion, je n’ai pas pu m’empêcher de subir quelques dégâts. Mon bras gauche fut atrocement brûlé à partir du coude. J’ai également subi une fracture ouverte, et mon épaule est encore brisée par l’attaque de Naoise. La Récupération Rapide ne pouvait pas réparer ça toute seule. Mon bras serait inutilisable pour le reste du combat.

Cependant, mon sacrifice me permit de gagner de la distance et de blesser Naoise. Même son armure du trésor divin et ses écailles ne pouvaient pas le protéger d’un tir à bout portant. La chaleur brûlait son corps, le son et l’onde de choc blessaient ses organes sensoriels.

Cela valait bien la peine de sacrifier mon bras gauche.

Je me suis levé et j’ai étudié Naoise avec attention. Ses yeux étaient brûlés, son nez déformé et ses tympans éclatés. Maintenant, je pouvais utiliser n’importe quelle arme. Ma prochaine attaque serait sans aucun doute efficace. Ce serait ma première et dernière chance de le tuer. Le même plan ne fonctionnerait pas deux fois.

J’ai besoin de la puissance de feu nécessaire pour percer son armure et ses écailles. Gungnir aurait pu le faire, mais il fallait dix minutes pour qu’il atterrisse. Mon attaque suivante la plus puissante, Railgun, demandait une demi-minute de préparation, ce qui était encore trop long.

Le visage brûlé de Naoise guérissait rapidement. Il allait bientôt retrouver ses sens. J’avais besoin de quelque chose de fort et de rapide. Une Pierre de Fahr avec une explosion directionnelle n’avait pas la puissance nécessaire pour le tuer, et il en allait de même pour la Volée de Canon. Heureusement, je connaissais ce qu’il me fallait.

Je me suis inspiré de l’attaque de Dia contre le démon dragon de terre. Elle utilisait des dizaines de Pierres de Fahr positionnées de façon à forcer les explosions vers l’intérieur, écrasant l’ennemi à mort. Dans mon ancien monde, les armes qui utilisaient cette technique étaient appelées bombes à fragmentation. J’ai créé une magie systématisant le processus qui exigeait normalement des calculs minutieux et une combinaison précise de sorts, et j’ai produit une arme spéciale pour l’utiliser.

« Bombardement en Grappe. »

J’ai sorti de mon Sac en Cuir de Grue l’arme que j’avais fabriquée pour un sort que j’avais appelé Bombardement en Grappe et l’ai lancée. Elle avait la forme d’une noix de coco et contenait un rembourrage, de la poudre à canon et vingt petites Pierres de Fahr spéciales dans son revêtement de fer. La magie la porta au-dessus de la tête de Naoise, et c’est alors que la première explosion se produisit. Elle ne provenait pas des Pierres de Fahr, mais de la poudre déjà affaiblie. La couche de fer se brisa, dispersant les Pierres de Fahr autour de Naoise en plein vol. Elles étaient idéalement placées pour concentrer la force vers le centre.

Les petites Pierres de Fahr atteignirent leur capacité et se brisèrent simultanément, emprisonnant l’impact et la chaleur des explosions à l’endroit où se trouvait Naoise. Il en résulta une sphère géante qui ressemblait au soleil. Elle consuma le sol.

« C’est le Bombardement en Grappe, un sort qui utilise les calculs sophistiqués de Dia comme arme… C’est l’attaque la plus puissante que je puisse utiliser en combat direct. »

La théorie de fonctionnement du Bombardement en Grappe était simple. Les ondes de choc et la chaleur des explosions se propageaient radialement vers l’extérieur. Une cible unique ne recevait donc qu’une petite fraction de la force totale. Mais que se passerait-il si l’on positionnait d’innombrables petites bombes autour de la cible et qu’on les déclenchait toutes en même temps ? La chaleur et les ondes de choc frapperaient la cible de tous les côtés, l’écrasant. Le résultat était huit fois plus puissant que si l’on dispersait les bombes au hasard. Naoise fut frappée par une puissance octuple de celle de vingt Pierres de Fahr. Aucune créature vivante ne pouvait supporter cela.

« Désolé, Naoise. Je ne voulais pas te tuer, mais j’ai pris ma décision. »

Même si tout ce que Mina mit dans la tête de Naoise était vrai, je ne pouvais pas participer à l’élimination de la population humaine. Je trouverais une autre méthode.

Naoise n’avait survécu à Gungnir que parce qu’il avait utilisé un double, et s’il disait la vérité, il n’y en avait que deux. Maintenant, il était mort pour de bon. J’expirai et commençai à ranger mon équipement…

« Gah… »

…et c’est alors qu’une épée noire jaillit de ma poitrine.

« Tu as vraiment été assez bête pour me croire ? En fait, j’avais trois doubles. J’ai décidé de suivre ton exemple et de te jouer un petit tour pour que tu baisses ta garde après m’avoir tué la troisième fois. Seul un imbécile donnerait quelque chose d’aussi important. »

Naoise était derrière moi. Je vois. Il a révélé son secret pour me surprendre au cas où je parviendrais à le tuer à nouveau.

« Je me doutais bien que tu préparais quelque chose comme ça. »

J’ai – ou plutôt, ma projection – ri. Ma forme se déforma et fondit, se transformant en un simple amas de métal.

« Qu-Quoi ?! Mon épée…est coincée… ! » Naoise tenta de dégager sa lame, mais des barres de fer sortirent du sol et formèrent une cage autour de lui.

Il aurait dû s’y attendre. Il était hors de question que je fasse confiance à Naoise après lui avoir expliqué qu’il était stupide de faire confiance à un démon. J’ai immédiatement douté de ses dires et j’ai tendu un piège, sachant qu’il prévoyait de me tendre une embuscade lorsque j’aurais tué son troisième double. Au moment où j’ai tué le dernier double, j’ai fait apparaître une poupée de métal dans le nuage de poussière que mon attaque avait soulevé, puis j’ai reculé et j’ai utilisé un sort de modification de la lumière pour projeter mon image sur le fac-similé.

Le véritable atout de ma manche vint s’abattre sur Naoise par le haut – Gungnir. Je ne pouvais pas toucher un ennemi en mouvement, mais il était facile de placer un leurre et de le viser. J’ai lancé la lance en l’air en guise d’assurance, en me disant que ce ne serait pas grave si elle ratait.

La lance divine percuta violemment le sol à une vitesse dépassant des dizaines de fois celle du son, projetant un tsunami de terre dans toutes les directions et creusant un cratère de plusieurs centaines de mètres de large.

« La tromperie est le domaine des assassins. Tu aurais dû t’en douter, Naoise… Tu as perdu de vue qui j’étais. »

Cette fois, Naoise était vraiment mort. Son erreur fut de ne pas s’en tenir à sa spécialité, à savoir se battre comme un chevalier. S’il n’avait pas joué mon jeu, il aurait pu gagner. En fait, son erreur remontait à bien avant, lorsqu’il a accepté le pouvoir de Mina. Et cela ne serait pas arrivé si je n’avais pas été là. Le sentiment d’infériorité de Naoise permit à ce démon serpent de prendre l’avantage sur lui.

« Est-ce que je… pleure ? »

Je n’avais pas le droit de pleurer pour ça. J’ai essuyé mes larmes. Il y avait encore quelque chose que je devais faire, une tâche si importante que j’avais tué un ami pour cela. Je ne pouvais pas m’arrêter maintenant. Je ne me le pardonnerais pas.

J’ai forcé mon corps endolori à marcher.

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