Chapitre 1312 – Ancienne Fresque

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny resta silencieux pendant un moment, regardant le pilier brisé. Finalement, il se tourna vers Ananke et lui demanda d’un ton hésitant :

“Qu’est-ce que c’est ?”

La jeune prêtresse s’approcha de la masse de pierre sombre et baissa la tête. Après quelques instants de silence respectueux, elle se redressa et le regarda avec un sourire fier.

“C’est l’une des plus grandes reliques de Weave, mon Seigneur. Cette colonne a été apportée dans le Tombeau d’Ariel par mes aînés, puis transportée jusqu’ici après leur exil. Elle représente les exploits de Weaver, depuis sa naissance jusqu’à l’octroi du Sortilège du Cauchemar à mon peuple.”

Son sourire s’estompa.

“…Cependant, comme vous pouvez le voir, la colonne a été gravement endommagée au fil du temps. Aujourd’hui, il ne reste plus que cette image.”

Sunny fronça les sourcils et fixa les chaînes enroulées autour de la porte titanesque. Pour une raison quelconque, le simple fait de les regarder le mettait profondément mal à l’aise.

“Mais quelle est sa signification ?”

Sa voix était à la fois pleine de curiosité et d’appréhension.

Ananke s’approcha du pilier brisé et étudia l’ancienne gravure pendant quelques instants dans un silence solennel. Puis elle dit d’un ton mélodieux :

“C’est un fragment de la fresque qui raconte l’histoire de l’un des plus grands exploits de Weaver. L’histoire du daemon errant qui a bravé l’abîme éternel.”

Le froncement de sourcils de Sunny s’accentua. Il jeta un bref coup d’œil à Nephis et dit :

“L’… abîme éternel ? Vous voulez dire le vide primordial ?”

La jeune prêtresse acquiesça.

“Oui. Après que les dieux aient scellé le vide, Weaver a été le seul à y pénétrer. Ou plutôt, le seul de ceux qui y sont entrés à en être revenu vivant. C’est du moins ce que disent les légendes.”

Sunny haussa un sourcil.

Il savait que les dieux avaient scellé le vide éternel d’où ils étaient nés. Il savait aussi que les inconnus étaient, très probablement, les créatures de ce vide, tandis que l’Inconnu était un être spécifique qui avait, d’une manière ou d’une autre, donné vie aux sept daemons.

Et que le reflet du premier ou du second était à jamais figé au fond des yeux de Weaver.

Était-ce ainsi que le Démon du Destin avait fini par porter le reflet de l’inconnu dans ses pupilles ? En pénétrant dans le vide et en étant témoin de son horreur ?

Si c’était le cas… Sunny n’était pas sûr que la représentation sur le pilier avait quelque chose à voir avec la façon dont cet événement s’était produit. Il doutait de l’existence d’une porte réelle, aussi impressionnante soit-elle, qui barrait la route au vide éternel. Quel genre de porte pouvait sceller quelque chose de bien plus grand et de bien plus ancien que les dieux eux-mêmes ?

Il n’était pas non plus certain que Weaver ait réellement pénétré le vide. Bien sûr, c’était possible… mais il y avait aussi une autre probabilité.

Les fils du destin s’étendaient du passé au futur. Le Démon du Destin avait manifestement été bien plus capable de les observer que Sunny…

Et si Weaver avait simplement remonté la grande tapisserie du destin jusqu’à son origine ? Jusqu’au moment où le monde n’existait pas encore, et où il n’y avait qu’un vaste vide en perpétuelle évolution ?

Si tel était le cas, l’utilisation de l’enchantement [Où est mon œil ?] était bien plus périlleuse que Sunny ne le pensait… et il la considérait déjà comme mortelle. Et maintenant qu’il savait que le simple fait de savoir certaines choses pouvait corrompre les êtres vivants, il voyait la capacité à percevoir les fils du destin sous un jour nouveau.

C’est dangereux…

Bien sûr, il restait la possibilité que Weaver se soit aventuré physiquement dans le vide éternel. C’était peut-être pour cette raison qu’ils avaient dû se couper le bras dans la Tour d’Ébène… bien que le timing ne s’y prêtait pas vraiment.

Il resta silencieux un moment, puis demanda d’un ton sec :

“Et pourquoi, exactement, Weaver a-t-il fait une telle chose ?”

Ananke sourit.

“Weaver croyait que la connaissance était à l’origine du pouvoir…”

Oui, j’en ai entendu parler.

“…et c’était la raison pour laquelle ils s’étaient aventurés dans l’abîme éternel. Pour trouver la réponse au plus grand des secrets.”

Nephis regardait l’ancienne fresque. En entendant ces mots, elle fronça légèrement les sourcils et demanda :

“Quel secret ?”

La jeune prêtresse rit.

“Comment des mortels comme nous le sauraient-ils ? Certaines légendes disent que le Démon du Destin voulait connaître l’origine des dieux. D’autres disent que c’est l’origine même de Weaver qu’ils cherchaient à découvrir. Peut-être était-ce les deux.”

Sunny la fixa un instant.

…Peut-être que les deux ne font qu’un.

Ananke secoua la tête.

“Quoi que Weaver ait appris dans l’abîme… ce n’est pas très important, en fait. Ce qui importe davantage, c’est que le fait d’avoir été témoin du vide éternel a donné au Démon du Destin la première raison de créer le Sortilège du Cauchemar — c’est ce que nous, ses prêtres, croyons. Ainsi, bien que cette fresque ne représente pas la création du Sortilège du Cauchemar, elle représente la création de l’idée de celui-ci. C’est pourquoi les restes de cette colonne sont la plus grande relique de Weave.”

Sunny pencha la tête.

Quoi ? Quel est le rapport entre le vide éternel et le Sortilège du Cauchemar ? C’est la première fois que j’entends parler de ça.

Ananke n’était-elle pas en train de se contredire ? Auparavant, elle avait dit que le Sortilège du Cauchemar avait pour but de donner aux êtres vivants une chance de se sauver de l’anéantissement de la Guerre du Chaos.

Mais elle était une prêtresse, et les croyances religieuses étaient rarement liées à la raison. Les contradictions étaient monnaie courante, et pour la même raison, Sunny devait prendre tout ce que disait Ananke avec des pincettes.

Pourtant… il pouvait y avoir du vrai dans ce qu’elle disait. La jeune prêtresse s’inclina à nouveau devant le pilier brisé, puis s’éloigna d’un pas léger.

“Mon Seigneur, ma Dame… venez ! Je vais vous montrer le reste du temple.”

Sunny et Nephis échangèrent un regard, tous deux réfléchissant à la signification de l’ancienne fresque. Ni l’un ni l’autre ne savait quoi en penser, et ils suivirent Ananke en silence.

Rapidement, ils s’endormirent tous les trois. Fatigué par le long voyage et l’inquiétude de Weave, Sunny tomba presque instantanément dans l’étreinte des rêves.

…Cette nuit-là, il fit un cauchemar.

Dans ce cauchemar, Sunny était une araignée dont l’une des huit pattes était cassée. Il rampait sur le sol de pierre, rongé par la peur.

Derrière lui, des chaînes brisées tombaient dans un fracas assourdissant, et une porte titanesque était grande ouverte, sa gueule sombre cachant une horreur indescriptible.

Sunny rampa sans cesse, mais il avait beau se forcer, l’horrible porte ne faisait que se rapprocher.