Chapitre 1311 – Temple du Sortilège du Cauchemar

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Consumée par le découragement, Sunny tenta de trouver du réconfort dans la colère. Mais cela ne servit à rien. Sunny tenta alors de se rappeler que l’Ananke qu’il connaissait n’était qu’une apparition conjurée par le Sortilège… la véritable Ananke — la Prêtresse du Sortilège du Cauchemar qui avait vécu dans le véritable Tombeau d’Ariel — était morte depuis longtemps, son esprit et ses os ayant été emportés par le Grand Fleuve.

Elle n’avait jamais rencontré Sunny et Nephis. Elle n’avait jamais voyagé jusqu’aux confins du futur ni préparé de délicieuses petites tartes pour deux parfaits inconnus.

En fait, il n’était pas du tout certain que la véritable Ananke ait connu le même destin que celle qu’il connaissait. Après tout, le Roi-Serpent avait amené de nombreux braves dans le Cauchemar — leurs actions avaient dû modifier le cours des événements dans cette version du Tombeau d’Ariel.

Peut-être que la véritable Weave ne fut jamais détruite par l’une des Six Plaies, ou qu’elle avait été entièrement anéantie bien avant la naissance d’Ananke.

Mais se dire qu’Ananke n’était pas réelle n’aidait pas non plus. Rien n’y faisait. Qu’il s’agisse du Premier Cauchemar, du Second ou du Troisième, Sunny ne pouvait s’empêcher de considérer les gens qu’il rencontrait comme réels.

Avec un lourd soupir, il se tourna vers la magnifique structure qu’ils approchaient. Il s’agissait d’une structure inhabituelle. Bien plus grande que la plupart des bâtiments de Weave, elle était située au cœur même de la ville, sur une île-navire solitaire qui flottait à une certaine distance du reste. L’île artificielle était reliée aux îles voisines par des ponts de corde en soie blanche, à l’image d’une araignée assise au centre d’une vaste toile.

La structure elle-même était haute et imposante, construite en pierre noire grossièrement taillée. Des bannières blanches en lambeaux étaient suspendues à ses murs et flottaient au vent. Elle avait un aspect nébuleux et sinistre, comme le temple d’une divinité obscure.

…Sunny avait une idée de qui était cette divinité.

En levant les yeux, il vit une silhouette solitaire se tenir sur le toit du temple numineux, regardant les ruines désolées de Weave. La soie noire de ses longs cheveux et de sa tunique restait immobile malgré le vent violent. De loin, il ne pouvait pas voir le visage de la silhouette, mais celle-ci, se découpant sur le ciel azur, semblait étrangement sinistre.

Te voilà !

Le Péché de Réconfort s’était enfin montré après s’être caché pendant un long moment. Et pourtant, le spectre se contentait d’observer la ville fantôme d’en haut au lieu de tourmenter Sunny avec des remarques désobligeantes… son comportement était de plus en plus étrange depuis le début du Cauchemar.

Bon, ce n’est rien. Reste à l’écart aussi longtemps que tu le souhaites, tu ne me manqueras pas.

Prêtant attention à l’apparition à travers l’une des ombres, Sunny suivit Ananke sur l’un des ponts suspendus. À mesure qu’ils se rapprochaient du temple sinistre, Sunny et Nephis ressentaient un fort sentiment de malaise… cependant, la jeune prêtresse semblait imperturbable. Au contraire, son expression se fit plus calme.

« C’est le dernier endroit que nous visiterons de Weave. »

Même sa voix semblait plus légère.

Sunny hésita quelques instants, puis demanda d’un ton un peu étouffé :

« Est-ce que c’est… le temple de Weaver ? »

Ananke secoua la tête avec un léger sourire.

« Non, mon Seigneur. Weaver était insaisissable et n’avait aucun désir d’être vénéré. De toute façon, il est inutile de vénérer le Démon du Destin… aussi vertueux que vous soyez et aussi nombreuses que soient les offrandes que vous fassiez, le destin restera toujours insensible, inchangé et inévitable. »

Elle désigna ce temple sombre.

« Non, ceci… est le temple du Sortilège du Cauchemar. Du cadeau que Weaver nous a donné et sur lequel nous pouvons compter à la place des dieux, des daemons, et du destin lui-même. »

Du destin lui-même…

Sunny était une fois de plus confrontée au fait que le Démon du Destin semblait avoir créé le Sortilège pour résister à la chose même qui était censée être la source de son propre pouvoir.

Peut-être que Weaver était lié par les chaînes du destin, tout comme je le suis.

Cette pensée soudaine était à la fois inquiétante et glaçante. Si même le Démon du Destin n’avait pas pu échapper à ses griffes, alors comment Sunny pouvait-il espérer réussir là où Weaver avait échoué ?

Pourtant… malgré tout ce qui s’était passé, il voulait toujours être libre. Ce désir primitif était ancré au plus profond de son être, couvant, bien trop vaste et brûlant pour être éteint par des choses superficielles comme la connaissance ou la sagesse.

Même si Sunny avait appris que la vraie liberté n’existait pas — du moins pas sans sacrifier tout ce qui nous était cher — il s’accrochait encore obstinément au désir désespéré de se libérer de ses liens. Les péripéties tumultueuses de sa drôle de vie avaient un peu refroidi cet ardent espoir.

Il soupira, puis jeta un coup d’œil à Nephis, l’air circonspect.

…Elle n’allait pas faire quelque chose d’extrême comme brûler le temple du Sortilège, pas vrai ?

Ananke leur était peut-être sincèrement dévouée, mais Sunny doutait que la jeune prêtresse se contenterait d’assister en silence à la destruction de sa maison. Et même s’il était parfois facile de l’oublier à cause de son tempérament doux, elle était toujours une véritable Sainte.

Même si elle ne l’était pas, Sunny ne voulait tout simplement pas se battre contre Ananke.

Heureusement, Nephis semblait retenir sa haine pour le bien de leur gentille guide. Elle avait été élevée par sa grand-mère, après tout. Même si Nephis ne l’avait pas montré, la rencontre avec Ananke avait dû tirer les ficelles de son cœur… qui existait toujours, bien que maltraité, négligé et ravagé par les tourments.

« Dépêchons-nous d’entrer. »

Ignorant le conflit caché entre sa foi et ceux qu’elle considérait comme ses apôtres, la jeune prêtresse se dirigea vers les portes du sinistre temple, un sourire aux lèvres.

Sunny et Nephis la suivirent, sans rien dire.

Ils franchirent rapidement l’entrée obscure et se retrouvèrent dans une immense salle. L’intérieur était plongé dans l’obscurité, créant une atmosphère solennelle et mystérieuse — pour tout le monde, sauf pour Sunny, bien sûr, qui voyait très bien tout ce qui se passait. D’étroits rayons de soleil tombaient des puits de lumière sculptés dans le plafond, s’entrelaçant dans un motif compliqué…

Le Temple du Sortilège du Cauchemar avait l’air effrayant et sinistre à l’extérieur, mais son intérieur était d’une beauté discrète. La tapisserie complexe de la lumière tombante ressemblait à la structure époustouflante des rouages du Sortilège, tandis que l’obscurité de l’immense salle était comme le vide sans lumière entre le rêve et la réalité où il se cachait.

C’était… étrangement paisible ici.

Ce qui attira l’attention de Sunny, cependant, ce furent les tapisseries blanches d’énormes toiles d’araignées qui poussaient librement entre les colonnes et les poutres de soutien de la salle.

Il se déplaça mal à l’aise et les pointa du doigt, se préparant mentalement au combat :

« Je… pense qu’une abomination a fait son nid dans les ruines. »

Ananke le regarda un instant, confuse, puis s’esclaffa. Son rire mélodieux résonna sous le toit de la salle obscure.

« Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, mon Seigneur. La soie d’araignée a toujours été là. Personne ne sait à quoi ressemble le Démon du Destin, voyez-vous… c’est pourquoi on le représente souvent sous la forme d’une araignée. Pour cette raison, les araignées étaient considérées comme des animaux sacrés par les adeptes de Weaver. Il était interdit de faire du mal à une araignée ou à sa toile, et nous vivions paisiblement aux côtés de beaucoup d’entre elles. »

Elle balaya du regard l’intérieur du temple, ses yeux se faisant nostalgiques.

« J’ai passé ma jeunesse dans ce temple, apprenant les devoirs d’une prêtresse auprès de ma mère. Les araignées qui vivaient ici étaient mes amies. Elles ont toutes disparu, bien sûr… le destin n’a pas été clément avec elles non plus. Mais leur soie est restée. »

Sunny jeta un regard étrange à la jeune femme.

Ainsi, la petite Ananke était amie avec les araignées…

Elle… devait être une fille sacrément effrayante.

Mais encore une fois, qui était-il pour juger ? Sunny lui-même ne fut jamais un enfant bien équilibré.

Au moins, je n’ai pas eu à m’occuper de toute cette toile collante. Mon Dieu, vivre dans ce temple devait être ennuyeux !

Alors qu’il pensait cela, son regard se posa finalement sur une masse de pierre grossièrement taillée qui trônait au centre de la salle. Elle ressemblait à un large pilier brisé par un coup dévastateur, puis endommagé par une chaleur insupportable, sa partie supérieure étant déformée comme une bougie fondue. Le plus large rayon de soleil tombait verticalement sur le pilier de pierre, le baignant d’un éclat blanc aveuglant.

En s’approchant, Sunny remarqua que toute la masse de pierre était recouverte de gravures. De nombreuses scènes y avaient été représentées autrefois, semblait-il, mais il n’en restait plus qu’une seule.

Il frissonna.

Taillée dans la pierre ancienne, une énorme porte était représentée, sa surface titanesque étant entourée de chaînes incassables. Devant elle, une grande silhouette se tenait debout, la forme de son corps étant cachée par un manteau sombre. Seul le visage était visible… ou plutôt le masque. Le masque d’un redoutable démon aux crocs féroces couronné de trois cornes torsadées.

Attiré par l’image de pierre, Sunny sentit son sang s’agiter. Bien sûr, il savait à qui appartenait la silhouette gravée sur le pilier brisé.

…C’était Weaver.