Chapitre 1278 – Destruction Mutuelle

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Le Grand Fleuve écumait et bouillonnait, des vagues gargantuesques s’élevant de son étendue doucement rougeoyante pour s’écraser sur les pentes abîmées de l’île en ruine. Deux silhouettes sombres — l’une colossale, l’autre simplement géante — se déplaçaient dans l’eau en furie, entrelacées dans une bataille meurtrière.

Sunny avait été rendu fou par la douleur et la soif de sang. Il ne comptait plus le nombre de coups que son corps d’obsidienne et serpentin avait enduré. Il ne savait pas non plus combien de fois il avait riposté, mordant la chair et brisant les écailles du Serpent Azur.

Son Manteau était en ruine, la [Pierre Vivante] ne parvenant pas à faire face aux attaques dévastatrices qu’il devait endurer. La redoutable armure d’onyx était fissurée et brisée, révélant les écailles noires et brillantes qui la recouvraient. Plusieurs de ses parties étaient entièrement détruites.

La Carapace de l’Ombre qu’elle contenait avait, elle aussi, été déchiquetée et ravagée. Des plaies géantes s’y ouvraient, saignant des ombres. Il avait pu réparer une partie des dégâts au début, mais avoir les moyens de faire une chose pareille… cela semblait si lointain maintenant…

Il y avait cependant une chose qui remplissait Sunny d’une joie sombre.

Le Serpent Azur n’avait pas l’air mieux que lui.

Le corps de la Bête Supérieure avait déjà été grotesquement mutilé avant leur combat, et maintenant, il était dans un état encore pire.

Les blessures qui s’étaient refermées étaient rouvertes. Les plaies qui s’étaient ouvertes étaient désormais plus larges et plus douloureuses, et du sang cramoisi s’écoulait d’elles dans l’eau radieuse. Des dizaines de flèches sortaient de la chair écarlate de l’abomination. Certaines d’entre elles l’alourdissaient, d’autres faisaient circuler une toxine mortelle dans son sang.

Mais les yeux du Serpent Azur brûlaient toujours de la même folie.

Bien… ah… parfait… ne m’abandonne pas, vieux serpent !

Sunny voulait tuer la bête haineuse, mais il ne voulait pas que cette mort soit rapide. Non, il voulait que l’agonie de son ennemi dure éternellement. Il voulait déchirer sa chair avec ses crocs pour toujours, sentir les frissons de douleur pulser à travers son corps pour toujours, entendre ses cris de douleur pour toujours…

Contrôle-toi !

Sortant de sa folie dévorante, il se rappela son objectif. Il devait tuer le Serpent Azur aussi vite que possible — non seulement parce que son essence n’était pas illimitée, mais aussi parce que les chances qu’il soit tué par la Bête Supérieure étaient bien plus élevées que l’inverse.

S’il y avait la moindre chance, il devait la saisir.

C’est juste que… il n’y avait aucune chance. Il n’y en avait toujours pas.

La bête enragée avait toujours le contrôle total d’elle-même et du champ de bataille. L’eau coulait et se tordait pour l’aider et contraindre Sunny, comme s’il suivait docilement les ordres de l’ancien serpent. Même si son corps ressemblait à celui d’un cadavre meurtri et que son esprit était inondé de douleur, le Serpent Azur restait fixé sur son objectif unique de détruire son adversaire avec un niveau de concentration vraiment insensé.

Mais Sunny…

Sunny sentait son esprit s’embrouiller et sa raison vaciller.

Oh… Je ne peux pas continuer plus longtemps…

Pour la première fois depuis qu’il avait pris la forme du serpent d’onyx, il se rendit compte que la défaite était possible. Cette pensée était tellement incongrue avec l’essence de sa forme monstrueuse que la Carapace de l’Ombre faillit se défaire.

Il s’accrocha à sa fureur démesurée et repoussa l’idée de la défaite.

La défaite n’était pas possible. Une telle chose n’existait pas.

Il ne perdrait jamais… il ne perdrait plus jamais !

…Cette dernière pensée était légèrement étrange, comme si elle n’était pas la sienne.

Grinçant des crocs, Sunny poussa son énorme corps à travers l’eau hostile, visant à percuter le côté du léviathan qui se tordait. Il savait que la bataille avait déjà tourné à l’avantage de son ennemi. Il devait donc faire quelque chose pour rééquilibrer la balance.

Mais que faire ?

Le serpent d’onyx se déchaînait, brûlant du désir fou de détruire son ennemi. Cependant, Sunny était également calme et serein.

Quels avantages avait-il que la Bête Supérieure ne possédait pas ?

Tous deux étaient déjà à moitié morts. Il devait tuer l’ennemi… mais être tué par l’ennemi semblait plutôt inévitable.

Alors…

Les deux issues n’étaient pas nécessairement incompatibles. Le fait d’être tué ne l’empêchait pas directement d’atteindre son objectif. Ce n’était que le moment de sa mort qui posait problème.

Sunny était animé d’une indescriptible et furieuse détermination à tuer le Serpent Azur. Rien ne comptait face à cette haine et à ce besoin dévorant… surtout pas la mort. Cela en vaudrait la peine s’il pouvait sentir la vie quitter le corps sanguinolent de son ennemi.

Destruction mutuelle…

Oui… oui, il aimait ça.

Il aimait beaucoup ça.

C’était l’avantage dont il avait désespérément besoin.

De dangereuses flammes s’allumèrent dans les yeux onyx de Sunny, qui tordit son long cou et fixa le serpent en train de tituber. La Bête Supérieure devait s’affaiblir elle aussi… ses attaques et les flèches de ses compagnons réduisaient lentement son endurance illimitée. L’abomination avait eu une fraction de seconde de retard et n’avait pas réussi à éviter d’être percutée par la tête serpentine de Sunny.

Ce qui lui en donnait enfin l’occasion.

D’abord, l’eau.

L’eau avait contraint Sunny, et il devait d’abord en arracher le contrôle au Serpent Azur. Grâce à sa compréhension de la Bête Supérieure et à l’expérience qu’il avait acquise en regardant Naeve et Flot Sanglant se battre, il pourrait dominer la situation pendant quelques instants, au moins.

Enroulant son corps puissant comme un ressort, Sunny se projeta vers l’avant à une vitesse incroyable. Il le bougea d’une manière spécifique, forçant un puissant courant à se précipiter vers l’extérieur et à entrer en collision avec le courant opposé, qui avait été créé par l’ancien léviathan. Un grand tourbillon apparut à l’endroit où les deux courants s’entrechoquaient, et il le traversa sans rencontrer d’opposition.

Deuxièmement, la cible.

La cible était la colonne vertébrale titanesque du Serpent Azur. Sunny devait la sectionner à tout prix. Normalement, la colonne vertébrale aurait été protégée par des couches de muscles impénétrables, une couche de peau impénétrable et une terrible armure d’écailles indestructibles. Mais la bête folle avait été mutilée par les longues semaines passées à repousser les abominations en maraude et le papillon sinistrement macabre.

De gros morceaux de chair manquaient, laissant apparaître des os. À un endroit précis, juste en dessous de la tête, une longue partie de la colonne vertébrale était également visible. C’était une bonne cible à choisir, d’autant plus que l’abomination ne pourrait pas utiliser ses mâchoires pour se défendre.

Et enfin — l’avantage.

Sunny possédait en effet un avantage dans cette bataille de destruction mutuelle. C’était parce que le Serpent Azur était fait de chair, alors que lui était fait d’ombres. S’il subissait trop de dégâts, la Carapace de l’Ombre allait s’effondrer… mais son incarnation, qui était petite et cachée dans ses profondeurs, pouvait survivre.

Ce n’était qu’une question de chance.

Soit il serait détruit en même temps que la Carapace, soit il aurait de la chance et resterait en vie.

Mais quel que soit le résultat, l’odieux léviathan mourrait.

Ça ne me dérange pas…

Grommelant méchamment, le serpent noir traversa les eaux scintillantes du Grand Fleuve et, abandonnant tout semblant de défense, referma ses mâchoires sur la colonne vertébrale de la Bête Supérieure.