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Chapitre 1260 – Croisière de Loisirs

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Le temps filait paresseusement.

…Au sens propre comme au sens figuré.

Le courant du Grand Fleuve entraînait le cadavre de la Tortue Noire dans le passé, et plusieurs jours passèrent dans une étrange mais agréable oisiveté. Les sept soleils se levaient et se couchaient, noyés dans les eaux miroitantes. Le ciel était comme un tableau onirique de lilas, d’azur, de cramoisi et de noir de jais.

L’ancien serpent continuait de tourner autour de l’île sombre, consommant lentement la viande saignante du Monstre Supérieur qu’il avait tué, tout en regardant Sunny et Nephis profiter de leur répit inattendu.

Tous deux passaient leur séjour en toute tranquillité. Ressentant le besoin de se reposer et de récupérer après le cauchemardesque désert blanc, ils n’étaient guère pressés de s’épuiser.

Ils dormaient paisiblement la nuit, se levaient lorsque la lumière chaude du soleil pénétrait dans l’étroite fissure, et passaient la plupart de leurs journées ensemble. Parfois, ils s’allongeaient côte à côte sur la mousse douce et regardaient le ciel dans un silence confortable. Parfois, ils s’entraînaient, s’affrontant jusqu’à ce que la sueur recouvre leurs corps.

Parfois, ils discutaient de leurs expériences de l’année écoulée et des connaissances qu’ils avaient acquises en cours de route.

Ils passaient aussi du temps à l’écart. Nephis s’entraînait à l’épée et demandait souvent à Sainte de l’aider en tant que partenaire d’entraînement. Après avoir envoyé son ombre et elle hors de sa vue, Sunny s’occupait de ses propres projets.

Il passait beaucoup de temps à étudier l’étrange et obsédante structure complexe de la Clé de l’Estuaire. Cette Mémoire était un grand mystère qu’il fallait résoudre… même après l’avoir montrée à Nephis, Sunny n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle était censée faire, ni d’où elle venait.

Il se contenta donc d’examiner méticuleusement chaque fil de sa sombre tapisserie. Selon la chance, cette tâche pouvait lui prendre plusieurs mois, mais il n’y avait pas de mal à commencer tôt.

Lorsqu’il commençait à avoir mal à la tête à force d’étudier la trame noire, Sunny s’asseyait silencieusement près des pentes de l’île et regardait le Serpent Azur rôder. Il fermait les yeux et sentait l’ombre de la Bête Supérieure. Il essayait de mémoriser chacune de ses écailles, de ses cicatrices et de ses mouvements.

Même si leur situation était paisible en ce moment, il savait que cette paix ne durerait pas indéfiniment. Il y avait de fortes chances qu’ils aient à combattre l’abomination un jour ou l’autre. Sunny voulait donc glaner son essence et la garder en mémoire.

S’entraîner à l’épée avec Nephis, étudier la Clé de l’Estuaire, observer le Serpent Azur, se reposer… telles étaient les choses qui occupaient ses journées.

Bien sûr, il se passait aussi d’autres choses sur l’île sombre.

Diablotin était toujours occupé à dévorer les bandes d’argent terni qui entouraient le corps de la Tortue Noire. Sa progression était lente, mais le gobelin glouton semblait se délecter. On voyait souvent sa maigre silhouette s’étaler sur les rochers noirs, totalement gavé.

Le Péché de Réconfort était toujours là, suivant Sunny comme un spectre blasé. Sa litanie de commentaires sarcastiques et de remarques méprisantes ne diminuait jamais, le rendant lentement fou. Sunny endura du mieux qu’il put, et heureusement, l’esprit de l’épée maudite n’était plus aussi bavard qu’auparavant. Néanmoins, l’apparition le mit dans de nombreuses situations délicates avec Nephis.

Cauchemar subjuguait lentement de nouveaux rêves dans son armée invisible. Presque chaque nuit, le compteur du Rêve Maléfique augmentait d’au moins un ou deux. La source de ces cauchemars vaincus était, bien sûr, Sunny et Nephis… apparemment, leurs esprits étaient encore hantés par les événements du passé.

Ou peut-être était-ce simplement la nature du Tombeau d’Ariel. Malgré sa façade époustouflante, c’était une terre digne de son architecte… une terre d’effroi.

Elle était aussi désolée et vide qu’elle était belle. Chaque jour, Sunny et Nephis étudiaient l’horizon septentrional, dans l’espoir d’apercevoir des signes de terre — ou quoi que ce soit — au loin. Mais à chaque fois, ils n’apercevaient qu’une étendue infinie d’eau qui s’écoulait.

Leur faim grandit lentement. Bien que les Maîtres soient beaucoup plus résistants que les humains ordinaires, ils étaient toujours les mêmes… ils avaient besoin de nourriture pour survivre, comme n’importe quel humain.

Leurs corps étaient encore en forme, mais ils commenceraient à s’étioler d’ici peu. Avant que cela n’arrive, Sunny et Nephis allaient devoir trouver un moyen de récolter un peu de viande de la Tortue Noire.

Le Serpent Azur sortait la tête de l’eau à chaque fois qu’il en dévorait davantage, comme pour se moquer d’eux.

Ah… J’ai faim.

Sunny était assis sur une luxueuse chaise en bois, placée près des pentes de la carapace de la Tortue Noire, face au nord. Ses ombres l’entouraient, paresseusement étendues sur les rochers noirs et profitant de la vue onirique du Grand Fleuve — seule la malicieuse s’était éloignée pour admirer la vue offerte par l’entraînement de Nephis.

Rejetant la Clé de l’Estuaire, Sunny se frotta les tempes et s’étira les jambes.

Je ne comprends pas… Je ne comprends tout simplement pas. Je ne reconnais aucun de ces éléments dans la trame. Pas même leur vague raison d’être. Plus je l’observe, plus je suis sûr qu’elle n’a pas été… qu’elle ne sera pas… créée par moi.

Celui qui avait créé la Clé de l’Estuaire était un sorcier bien plus talentueux que ne l’était Sunny, ou qu’il ne pourrait jamais rêver de l’être. Du moins, c’est ce qu’il semblait.

Très bien… c’est tout pour aujourd’hui. Le vieux serpent ne devrait plus tarder à montrer sa sale gueule. J’espère vraiment qu’il est aussi fatigué de me regarder que je suis fatigué de le regarder…

Sunny jeta un coup d’œil à la large étendue d’eau ensanglantée entourant la carapace de la Tortue Noire, s’attarda quelques instants, puis fronça les sourcils.

Quelque chose… quelque chose n’allait pas dans cette image.

Il fixa l’eau pendant un moment, son air renfrogné s’accentuant.

Puis, Sunny leva lentement les yeux et regarda le ciel.

Ses pupilles s’élargirent légèrement.

Là-bas, dans l’étendue bleue illimitée, très loin…

Un point noir était apparu à un moment donné.

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