Chapitre 1176 – Sentiment Amer

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

L’emplacement de la Porte du Cauchemar qui menait aux environs du Crâne Noir était d’une importance capitale. Actuellement, personne à l’exception de Mordret n’était ancré à la Passerelle de la Citadelle, et la Porte du Cauchemar restait donc le seul moyen possible de l’atteindre.

Si elle était située dans les terres sauvages de l’Antarctique de l’Est, la bataille entre les deux grands clans se déroulerait loin des capitales de siège et de la population civile.

Mais s’il se trouvait à l’intérieur d’une ville…

Pense rationnellement.

Sunny parcourut les couloirs de la forteresse en analysant la situation.

Si la Porte du Cauchemar se trouvait dans une capitale de siège, il n’y avait pas grand-chose à faire. Les vies d’innombrables civils seraient en danger de mort, ou peut-être même directement anéanties. Le mieux que Sunny pouvait faire était d’essayer d’atténuer les dégâts, d’une manière ou d’une autre.

Cependant, si elle se trouvait quelque part dans la nature… alors il n’avait rien à faire.

Ses problèmes se résoudraient d’eux-mêmes. Valor et Song pouvaient se massacrer autant qu’ils le voulaient.

Faux.

C’était un raisonnement à courte vue. Certes, les Grands Clans étaient une bande d’abrutis haineux, mais ils étaient aussi responsables de la défense d’une grande partie de l’Antarctique de l’Est, même si ce n’était que pour sauver les apparences. Leur pouvoir était particulièrement important lorsqu’il s’agissait de cibles de grande valeur comme les titans, puisque six des sept Saints présents sur le continent appartenaient aux Domaines.

Que se passerait-il s’ils s’entretuaient tous ?

Rien de bon…

D’innombrables réfugiés avaient déjà été évacués, mais il en restait des millions. Si l’Armée d’Évacuation avait eu quelques mois de plus — assez pour que la légion de Dormeurs atteigne l’Éveil — les choses auraient été différentes.

Mais Mordret, ce maudit fou, avait rendu cela impossible. Le pouvoir des grands clans était donc encore trop important.

Sunny avait mal au ventre. Il était profondément malheureux de constater que, si les grands clans étaient odieux, ils étaient aussi nécessaires. Ils étaient comme un mal nécessaire.

Penser de la sorte lui donnait l’impression d’être sale. Il avait l’impression de faire des compromis.

Est-ce ainsi que Vestige du Fléau et le reste du gouvernement se sentaient ?

Oublions ça. Qu’est-ce que je dois faire ?

Il semblait que, grâce à Mordret, une bataille sanglante et destructrice entre les forces de Valor et de Song était à la fois proche et inévitable. Elles pourraient s’anéantir mutuellement, ce qui serait le pire résultat, car il ne resterait plus personne pour continuer à défendre les réfugiés contre les myriades de Créatures du Cauchemar qui rôdaient sur le continent.

Il n’y avait donc qu’un seul moyen pour lui d’obtenir le meilleur résultat.

S’il n’y avait aucun moyen d’empêcher la bataille, il devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour aider l’un des deux camps à remporter la victoire… et pas n’importe laquelle. Une victoire à la Pyrrhus ne serait rien d’autre qu’une destruction mutuelle. Seule une victoire écrasante minimiserait les pertes de l’un des deux camps, laissant ainsi suffisamment de combattants en vie pour faire la différence dans l’effort d’évacuation.

Attends… attends…

Sunny se figea soudainement, devenant encore plus pâle que d’habitude.

Ses yeux s’écarquillèrent.

Ses mains tremblèrent.

…Puis, lentement, un sourire qui semblait plus qu’un peu fou apparut sur son visage.

À travers l’ombre qui se cachait dans la salle stratégique scellée, il regarda quelqu’un qui se tenait là, écoutant silencieusement ce que Morgan disait.

Une jeune femme aux cheveux argentés et aux yeux gris froids, vêtue d’une armure complexe d’acier noir.

Il regarda Nephis.

Sunny expira lentement.

C’est ce que tu voulais dire ?

N’était-ce pas exactement ce qu’elle lui avait dit il y a une éternité, lors du bal opulent du grand clan Valor ?

Qu’il la suivrait non pas parce qu’elle le lui avait ordonné, mais parce qu’il en avait envie… le sourire aux lèvres.

Que leurs destins étaient liés.

Ce jour-là, Sunny avait rejeté Nephis et refusé de la suivre dans l’étreinte du clan Valor. Au lieu de cela, il s’était enrôlé dans la Première Armée d’Évacuation et était parti pour l’Antarctique.

Il s’était passé tant de choses depuis…

Et pourtant, il était là, prévoyant de se battre à ses côtés sous la bannière du grand clan Valor, les aidant dans leur guerre contre le grand clan Song.

Et ce, de son plein gré.

Sunny tendit une main et toucha son cou, comme pour vérifier la présence d’un collier d’esclave.

Quel est ce sentiment amer ?

Un rire creux s’échappa de ses lèvres.

Après quelques instants, Sunny secoua la tête et poursuivit son chemin.

De toute façon, ça n’a pas d’importance.

Bien sûr, il se sentait amèrement réticent à l’idée de donner raison à Neph. Mais ne serait-ce pas faire preuve d’une puérilité pathétique que de piquer une crise et de changer de décision juste parce que sa fierté a été blessée ?

Depuis quand avait-il de l’orgueil, d’ailleurs ?

Qu’il le veuille ou non, faire en sorte qu’un maximum de civils survivent à la Chaîne des Cauchemars était bien ce qu’il souhaitait.

Donc, si Sunny devait aider le Clan Valor à combattre le Clan Song pour atteindre cet objectif, c’est ce qu’il ferait.

Il était également possible d’aider Song à vaincre Valor. En ce qui le concernait, l’un était aussi vil que l’autre, et Sunny ne faisait donc aucune différence quant au camp qu’il finirait par soutenir.

Cependant, il était déjà intégré à la force de Valor dans une certaine mesure, ce qui était pratique. Nephis, Cassie et les Gardiens du Feu étaient également présents, donc passer de l’autre côté signifiait potentiellement causer leur mort.

Directement ou indirectement, ce n’était pas quelque chose que Sunny voulait ou était prêt à faire.

Cela signifiait qu’il était coincé avec Valor.

…Bien sûr, il n’était pas certain que son implication puisse faire la différence. Mais il devait au moins essayer.

Il devait faire de son mieux.

Sunny se déplaça dans la forteresse portuaire, qui se remplissait lentement de bruit. Un sourire étrange se dessina sur son visage.

…C’est drôle, non ?

Il fut soudainement triste que le Péché de Réconfort ne soit pas là pour apprécier la plaisanterie.