Chapitre 1098 – Malédiction Apparente

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Je savais bien que Neph venait en Antarctique, mais pourquoi Vestige du Fléau l’appelle-t-elle l’un des che… hein ? Quoi ? Dans quelques minutes ?!

Sunny fixa le Saint chevronné, abasourdi. Cela faisait longtemps qu’il avait hâte de retrouver Neph, mais maintenant qu’il ne restait plus que quelques minutes, ses pensées étaient en plein désarroi.

A-t-elle vérifié mes runes récemment ? Sait-elle aussi que je suis un Tyran à présent ? Attends, non… pourquoi me soucier de savoir si elle le sait ou non ? Je ne devrais pas !

Jet semblait, elle aussi, un peu surprise.

“Ils n’étaient pas censés arriver dans quelques jours ?”

Saint Cor haussa les épaules.

“C’est vrai. Mais comme Tyris a eu du temps libre parce que nous avons tous les trois été battus à plates coutures lors de la dernière bataille, le calendrier a été avancé. L’Ascendant Sunless et toi êtes arrivés juste à temps.”

Sunny essaya de digérer l’information. Il savait que les troupes Héritières arriveraient en deux vagues. La seconde était composée du gros de leurs forces, voyageant par la mer, tandis que la première était censée être l’avant-garde et ne comprenait que quelques personnes. Ils allaient se rendre en Antarctique en passant par le Royaume des Rêves.

Le processus était à la fois simple et compliqué. Il fallait un Saint qui avait déjà établi une attache dans le Quadrant Sud… en l’occurrence, Sainte Tyris. Les membres de l’avant-garde devaient soit être déjà ancrés dans la même Citadelle qu’elle, soit y être amenés par un autre Transcendant.

Ensuite, Marée Céleste pourrait les emmener avec elle dans le monde réel, transportant ainsi les personnes nécessaires vers l’Antarctique.

L’avant-garde devait être petite car les Saints étaient limités dans le nombre de créatures vivantes qu’ils pouvaient transporter avec eux entre les deux mondes — tout comme les Maîtres étaient limités dans le poids inanimé qu’ils pouvaient apporter. En général, un Saint ne pouvait transporter qu’une ou deux personnes à la fois, ce qui consommait une bonne quantité d’essence.

Prenant soudain conscience de la situation, Sunny regarda autour de lui. Il commençait à comprendre pourquoi un endroit aussi somptueux avait été choisi pour leur rencontre impromptue.

L’opulence de la grande salle n’était pas destinée à deux Ascendants… Vestige du Fléau déroulait le tapis rouge pour les représentants des grands clans.

Il regarda le vieil homme en réfléchissant. Saint Cor sourit.

“Je commence à soupçonner que vous n’avez pas une très bonne opinion des Grands Clans d’Héritier, jeune homme.”

Sunny serra les dents, essayant de cacher le mépris et la colère qui s’infiltraient dans son regard.

“C’est… un euphémisme. Monsieur.”

Le vieil homme l’étudia avec un peu de curiosité.

“Pourquoi ?”

Sunny rassembla ses pensées, essayant de trouver une réponse convenable. Finalement, il reprit d’un ton égal :

“Je suppose que cela se résume au fait que ce sont des traîtres.”

Vestige du Fléau haussa un sourcil.

“Des traîtres… intéressant. Comment cela ?”

Sunny soupira.

“Les Éveillés sont censés être l’épée de l’humanité contre le Sortilège, n’est-ce pas ? Les Héritiers sont les plus illustres des Éveillés, et pourtant, ils ont apparemment renoncé à défier le Sortilège. Pire, ils ont refusé de sortir du fourreau quand nous avions besoin d’eux. Tout ce désastre aurait pu être évité s’ils avaient fait leur devoir.”

Il n’avait pas mentionné les millions de personnes qui avaient péri dans le Centre de l’Antarctique, ni les dizaines de milliers de soldats qui avaient péri avec eux. Il doutait que de tels chiffres puissent toucher le cœur de Saint Cor… le vieil homme était l’un des chefs du gouvernement, après tout. Les gens comme lui voyaient le monde en termes de milliards de vies, réparties sur plusieurs décennies.

Si Sunny lui avait dit qu’il brûlait de colère envers les grands clans à cause de la mort de seulement trois Éveillés, le vieil homme l’aurait probablement pris pour un fou.

Vestige du Fléau soupira.

“Je vois. En effet, pour peu que l’on connaisse un tant soit peu le monde, il est facile de détester les grands clans. Il est encore plus facile de les détester si l’on en sait beaucoup. Mais pardonnez-moi d’avoir l’air d’un vieux grincheux, Ascendant Sunless… les jeunes gens comme vous manquent vraiment de perspective.”

Sunny le regarda d’un air sombre.

“C’est le cas ?”

Saint Cor acquiesça.

“Ce n’est pas de votre faute, bien sûr. Il faut être là et vivre le pire pour comprendre. Voyez-vous, Ascendant Sunless — et toi aussi, Jet — les gens de votre âge sont nés dans un monde stable. C’est peut-être un monde cruel et dur. Mais c’est un monde stable, malgré tout. Parce qu’il a été construit de cette façon par vos prédécesseurs. Beaucoup ont tendance à regarder les défauts du monde, mais très peu s’arrêtent pour remettre en question ses fondations. Et ces fondations… pourquoi, elles auraient pu être meilleures, mais elles auraient aussi pu être bien pires.”

Il s’adossa à sa chaise, regardant au loin avec une expression neutre.

“Le fait est que les Grands Clans ont émergé au milieu du chaos du passé… mais ils n’étaient pas les seuls à se battre pour le pouvoir et la domination à l’époque. Il y avait d’autres clans, d’autres forces, et des gens qui avaient des idées complètement différentes sur ce que le monde devait devenir. Les choses qu’ils ont faites… ah. C’est une bénédiction, vraiment, que ces vieux monstres aient été enterrés dans le passé, et que les Grands Clans aient fini par être victorieux. Alors… oui. Vous manquez de recul.”

Sunny fronça les sourcils.

“D’autres forces ? D’autres idées ? Sans vouloir vous offenser, monsieur… vous avez du culot de dire de telles choses à deux personnes qui ont grandi dans les faubourgs. D’autres pensent peut-être la même chose aujourd’hui, mais nous avons eu la chance de vivre dans ce monde stable dont vous faites tant l’éloge. J’ai du mal à imaginer quelles idées auraient pu être pires.”

Saint Cor le regarda froidement, puis se mit soudain à rire. Son rire ressemblait aux croassements d’un corbeau affamé.

“Ah, vous êtes une personne directe, Ascendant Sunless. J’aime ça.”

Il regarda Sunny de ses yeux sombres et durs, le soupçon d’hilarité qui y était apparu un instant se dissipant sans laisser de trace. Le vieil homme décharné secoua la tête.

“Mais vous devriez faire un effort pour l’imaginer. Un monde mourant, ravagé par la guerre. Des gens qui ont pratiquement oublié comment être des humains dignes de ce nom. Et puis, un désastre encore plus grand… mais qui offrait une grande opportunité. L’occasion pour certains d’entre eux de devenir incroyablement puissants, indubitablement supérieurs. Ils n’étaient soumis à aucune contrainte et rien ne pouvait les arrêter. Ils étaient libres de faire ce qu’ils voulaient de cette nouvelle ère. La liberté, jeune homme… la liberté peut être la malédiction la plus effroyable au monde, si elle tombe entre de mauvaises mains. C’est une chose terrifiante.”

Vestige du Fléau resta silencieux quelques instants, puis sourit d’un air sarcastique.

“…Je recommence à divaguer. Jet, tu aurais dû m’arrêter. Quoi qu’il en soit, nos invités devraient arriver d’une seconde à l’autre — les émissaires de Valor arriveront les premiers, et les émissaires de Song suivront dans quelques heures. Aidez-moi à les accueillir, vous deux.”

Il marqua une pause, puis regarda Sunny et ajouta d’un ton neutre :

“Pour le meilleur ou pour le pire, les Grands Clans sont tout ce que nous avons maintenant. Nous aurons besoin de leur aide pour mener à bien cette opération, alors… gardez cela à l’esprit, jeune homme.”

Sunny s’attarda un peu, puis acquiesça à contrecœur.

Je peux être gentil… ou du moins faire semblant de l’être. On verra bien comment ça se passe.