Chapitre 1057 – La Chute de Falcon Scott (75)

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Il trouva ses soldats en train de se préparer calmement à la bataille qui approchait — et qui serait très probablement la dernière. Sunny avait choisi les membres de sa cohorte en fonction de leur résistance mentale, mais même ainsi, il était surpris et légèrement perturbé par la nonchalance dont ils faisaient preuve tous les trois.

Samara avait perdu son fusil, mais était maintenant en possession de la carabine de Kim. Elle était assise sur une caisse d’alliage, chargeant silencieusement une balle après l’autre avec de l’essence. Belle aiguisait son épée avec un vague sourire — les Mémoires n’avaient pas besoin d’être aiguisés, mais l’épéiste avait l’habitude de le faire de toute façon.

Dorn avait été blessé par le Charognard. La profonde coupure sur son torse avait déjà été soignée par un guérisseur Éveillé, mais il n’était pas encore complètement remis. Le géant effectuait une série d’étirements à son épaule, grimaçant de temps à autre. Sa masse se trouvait à proximité, le manche appuyé contre le mur.

Lorsque Sunny entra, les trois Éveillés lui jetèrent un coup d’œil et le saluèrent.

« Quelles sont les nouvelles, monsieur ? »

Il secoua la tête.

« Pas de nouvelles pour l’instant. Si nous avons de la chance, ce salaud se montrera demain. Sinon, il sera là aujourd’hui. »

Sunny resta silencieux quelques instants, puis ajouta :

« Dans tous les cas, nous devrons d’abord nous occuper du blizzard. Gardez les charmes que je vous ai donnés invoqués. La protection contre le froid jouera un grand rôle lorsque la Bête Hivernale arrivera. »

Sunny possédait la Mémoire de Glace, mais il avait également créé des versions plus légères du charme Ascendant pour chacun de ses soldats — ces Mémoires n’étaient pas aussi puissantes, mais nécessitaient également beaucoup moins d’essence pour maintenir l’enchantement.

Ils acquiescèrent et invoquèrent les charmes artificiels.

En regardant ses soldats, Sunny ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de peur. Il ne connaissait ces gens que depuis quelques mois… mais ils avaient traversé toute une vie de luttes ensemble. Même s’il n’était pas responsable de leur vie, il aurait toujours été farouchement réticent à les voir mourir.

Belle, Dorn, Samara… chacun d’eux était un guerrier admirable. Plus important encore, ils étaient ses soldats.

Sunny soupira.

« …Il fallait que vous y alliez et que vous restiez, hein ? »

Il était tout à fait prêt à demander à Naeve de faire embarquer toute la cohorte sur le navire, mais les trois Éveillés avaient silencieusement refusé. Rester à Falcon Scott était leur choix.

Belle le regarda et sourit.

« Bien sûr, monsieur. C’est notre travail. »

Samara hocha simplement la tête, choisissant de ne rien dire à sa manière habituelle. Dorn gloussa.

« En effet. Mais vous êtes là aussi, Major ? »

Sunny grimaça. Bien sûr, ce n’était pas la même chose… il était un Ascendant, et un Ascendant extrêmement difficile à tuer de surcroît. Ses soldats, eux, n’étaient que des Éveillés. Ils étaient loin d’être aussi résistants.

« Oui… je le suis. »

Belle rangea son épée, le sourire disparaissant lentement de son visage. L’épéiste resta silencieux quelques instants, le regardant avec une expression sérieuse inhabituelle.

Une atmosphère pesante s’installa dans la salle de la caserne.

Il finit par dire :

« Il y a quelque chose que je voulais vous demander. Monsieur. Vous n’êtes pas obligé de répondre, bien sûr… »

Sunny fronça les sourcils.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Belle hésita un peu, puis demanda d’un air pensif :

« Il y a des rumeurs qui circulent… comme quoi vous sortiriez avec Mongrel. Mais Mongrel, c’est votre Écho. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »

Sunny le fixa, sans voix.

« Qu’est-ce que tu racontes ?! Je ne sors avec personne ! »

L’épéiste rejeta soudain la tête en arrière et explosa de rire.

« Je vois, je vois… »

Dorn lui jeta un regard désapprobateur et poussa un soupir exaspéré.

« Ce type… »

Sunny secoua la tête et eut soudain envie de rire à son tour.

Il est plus fou que moi. Mon Dieu !

« Si tu as fini, Belle… discutons de la stratégie. »

***

Un peu plus tard, Sunny sortit prendre l’air. L’air était bien plus pur en Antarctique, après tout… ce serait un gâchis de rester à l’intérieur tout le temps, même malgré le froid.

Alors que Sunny regardait le ciel au loin, il remarqua soudain un oiseau noir qui le regardait depuis un toit voisin.

Il entendit alors des bruits de pas qui s’approchaient.

« Sunny. Te voilà. »

Maître Jet apparut derrière un coin et se dirigea vers lui, puis s’arrêta, ses yeux bleus glacés emplis d’une froideur encore plus glaciale que la nuit polaire

Il la regarda, puis sourit.

« Me voici. »

Elle soupira.

« J’ai envoyé toutes les informations dont nous disposons sur la Bête Hivernale sur ton communicateur. Tu l’as lu ? »

Il acquiesça. Malheureusement, on ne savait pas grand-chose sur le titan et ses capacités — même si Sainte Tyris avait passé des mois à réprimer la créature, la plupart de leurs longues batailles n’avaient pas été directes. La Bête Hivernale avait montré une étrange capacité à contrôler le froid, la neige et le vent. Comme Marée Céleste contrôlait également les vents, leur champ de bataille avait été le ciel au-dessus du Centre antarctique.

C’est précisément parce que le pouvoir le plus redoutable du titan avait été continuellement contré par Sainte Tyris que personne ne connaissait sa véritable étendue. En tout cas, son ampleur devait être considérable, puisque la simple présence de la créature perturbait les communications dans toute la région.

Tout ce que Sunny et Jet pouvaient faire, c’était d’émettre des hypothèses.

Elle hésita.

« …Bien, alors. »

Après cela, les deux se turent.

Sunny regarda la Faucheuse d’Âmes, se remémorant le passé. Elle était la première personne qu’il avait rencontrée après avoir survécu au Premier Cauchemar… à l’époque, Jet lui semblait être une déesse inaccessible. En voyant sa beauté froide, il avait été stupéfait… heureusement, elle l’avait rapidement ramené à la raison. Par la suite, Maître Jet a toujours été en retrait de sa vie, la sauvant même plus d’une fois grâce à ses conseils et à sa sagesse un peu blasée.

Et maintenant, ils étaient égaux.

C’était amusant… ils ne s’étaient rencontrés qu’il y a quelques années, mais Sunny avait l’impression de la connaître depuis toujours. Peut-être parce que ces années ressemblaient à plusieurs vies…

Il soupira, puis demanda soudain :

« Maître Jet… j’ai toujours voulu te demander. Pourquoi as-tu vraiment rejoint le gouvernement ? Compte tenu de tes capacités et de ton caractère, les clans d’Héritiers t’ont probablement fait des offres — et des offres incroyables, en plus. Eh bien, tu as dû recevoir une désignation d’Atout Stratégique Spécial, aussi. »

Ils en avaient brièvement parlé par le passé, mais Sunny avait toujours eu l’impression de ne pas connaître toute la vérité.

La Faucheuse d’Âmes le regarda d’un air surpris.

« Quoi ? D’où ça sort ? »

Il gloussa.

« Je suis juste… curieux, c’est tout.  »

Jet resta silencieuse pendant un moment, puis se moqua.

« Bon, d’accord. Mais tu me surestimes vraiment. Un Atout Stratégique Spécial ? Je n’ai même pas été désignée comme un simple Atout Stratégique. Bien sûr, mon Aspect était dangereux et unique, mais à part ça, je n’étais pas du tout remarquable. J’étais stupide, timide et peu sûr de moi. Ce n’est que plus tard… bien plus tard… après avoir été battu par la vie encore et encore que je me suis débarrassée d’une partie de ma bêtise et que je suis devenue cette figure impressionnante et incomparablement majestueuse que tu vois devant toi aujourd’hui. Satisfait ? »

Sunny sourit.

« Je suppose. »

Après quelques instants de silence, il demanda :

« Est-ce que tu le regrettes, quand même ? Le chemin que tu as pris ? »

Elle détourna le regard, une expression pensive apparaissant sur son visage. Maître Jet réfléchit un instant à sa question, puis haussa les épaules.

Sa voix était calme :

« Notre vie est amère, Sunny. Des faubourgs de CSQN jusqu’ici, elle a souvent été amère, et rarement douce. Une vie comme celle-là… ce serait du gâchis que de la rendre encore plus amère avec des regrets. Alors, non. Je peux être insatisfaite de beaucoup de choses, mais je ne perdrai jamais mon temps avec des regrets. »

Jet le regarda et haussa les sourcils.

« Pourquoi ? Tu regrettes quelque chose ? »

Sunny rit.

« Honnêtement ? En ce moment, je regrette à peu près toutes les décisions que j’ai prises dans ma vie. »

Elle le regarda fixement, puis roula des yeux.

« Eh bien, oublie ça. Nous avons un titan à combattre. »

Et c’est ce qu’ils firent.

La température continua de chuter et les vents devinrent de plus en plus frénétiques, hurlant dans les rues de la capitale du siège comme des loups affamés.

Plus vite que tout le monde ne l’espérait, en quelques heures seulement…

La Bête Hivernale avait atteint Falcon Scott.