Chapitre 901 – Degrés de Danger

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

En fait, il faisait noir. Plongé dans l’obscurité de la longue nuit, Sunny chevauchait vers le nord à travers l’ouragan de neige qui se déchaînait. Pour ses yeux, qui pouvaient voir à travers n’importe quelle ombre, la neige apparaissait comme gris clair, à la limite du blanc.

Le chemin du retour n’était pas assez long pour faire face aux pensées et aux émotions qui faisaient rage dans son cœur, mais heureusement, Sunny était trop préoccupé par l’avenir pour se noyer dans les regrets du passé.

…Ça n’a pas d’importance, de toute façon.

Verne était mort, et tous les autres aussi. Aucune des personnes que Sunny avait appris à connaître au cours des dernières semaines n’avait survécu. Maintenant, tout ce qu’il pouvait faire était de s’assurer que ses soldats, le Professeur Obel et Beth ne partageraient pas le même sort.

Cela n’allait pas être une tâche facile.

Très vite, l’épave de l’ancienne machine de guerre apparut dans le paysage. Sunny congédia Cauchemar, entra dans la carcasse de métal rouillé et s’attarda quelques instants devant le Rhino.

Il ouvrit aussitôt l’écoutille et grimpa à l’intérieur.

Quentin, Samara et Belle montaient la garde, tous tendus et prêts au combat. En l’apercevant, les Irréguliers poussèrent un soupir de soulagement.

“Capitaine. Vous êtes de retour.”

Sunny acquiesça.

“Il s’est passé quelque chose pendant mon absence ?”

Quentin secoua la tête.

“Il n’y a pas encore eu de Créatures du Cauchemar. Le Professeur Obel et Mlle Beth étaient tous les deux épuisés, alors ils dorment. Nous avons installé le Professeur dans vos quartiers. J’espère que cela ne vous dérange pas.”

Il resta silencieux un moment, puis ajouta avec une pointe de mélancolie dans la voix :

“…Bien sûr, nous garderons un œil sur eux. Au cas où l’un d’entre eux, ou les deux, seraient devenus porteurs du Sortilège.”

Sunny ne se souciait pas particulièrement des aménagements à ce moment-là, aussi acquiesça-t-il simplement. Le premier point du bref rapport de Quentin était le plus important.

Pas encore de Créatures du Cauchemar…

Cela pouvait changer à tout moment.

En fait, il avait pris un risque en laissant ses soldats dormir et en quittant le Rhino, même si l’une de ses ombres était restée en arrière pour observer les environs et constituer un point de passage potentiel pour le Pas de l’Ombre.

Ici, dans les étendues sauvages du Centre de l’Antarctique, c’était le pays des Créatures du Cauchemar. Des hordes de celles-ci se déplaçaient dans les montagnes, et nombre d’entre elles se déversaient sur la plaine côtière.

Un essaim de passage aurait pu tomber sur le camp de la cohorte à tout moment, il n’était donc pas en sécurité.

Mais la sécurité n’était plus qu’un mauvais souvenir.

Avant, il avait des choix sûrs et des choix dangereux. Mais après avoir quitté la protection de LO49 et ses murs épais, il pouvait seulement choisir entre différents degrés de danger. Il s’agissait de calculer le risque probable.

…Même avec son Attribut [Destin], de tels calculs étaient plus ou moins inutiles.

Grimaçant, Sunny se couvrit le visage d’une main et le frotta. Il était trop fatigué et engourdi pour s’en soucier. Il avait aussi besoin de repos.

“Bon, je vais faire une sieste. Réveillez-moi s’il y a du mouvement dehors.”

Comme son lit confortable était actuellement occupé par le Professeur Obel, Sunny grimpa dans l’un des niches libres et ferma les yeux.

Quel risque y avait-il à s’endormir maintenant ?

Avant de laisser sa conscience plonger dans l’étreinte confortable de l’obscurité, il convoqua Sainte et lui ordonna de garder le Rhino depuis l’ombre.

C’était tout ce que Sunny pouvait faire…

***

La nuit ne se termina jamais et le matin ne vint jamais. Lorsque Sunny se réveilla, le monde était exactement le même qu’avant. Le blizzard déchaîné enveloppait le monde, obscurcissant le ciel froid et sombre. Il avait été tiré de son sommeil sans rêve par le bruit d’une capsule de sommeil qui s’ouvrait à proximité.

En face de lui, un panneau de la paroi du Rhino coulissa, révélant une alcôve cachée derrière lui. La silhouette massive de Dorn était visible à l’intérieur. Le géant avait tiré à la courte paille lors de l’attribution du Rhino, les nacelles standard étant un peu trop petites pour son corps prodigieux. Le voir sortir de l’une d’entre elles était à chaque fois légèrement comique.

Sunny ne souriait pas, cependant.

S’assurant que ses ombres et Sainte ne percevaient aucune menace, il quitta à son tour son endroit. Peu après, Luster et Kim se réveillèrent à leur tour.

“Quentin, Belle, Samara, à votre tour.”

Les trois Irréguliers étaient impatients de se reposer. Leur épuisement et leur envie de dormir étaient tels qu’ils ne s’attardèrent même pas à écouter le rapport que leurs collègues avaient apporté du Royaume des Rêves. Une minute plus tard, ils étaient tous les trois partis dans les cabines de sommeil.

Sunny étudia Kim, Luster et Dorn. Ils avaient l’air beaucoup plus en forme qu’hier. Même si une nuit de repos n’était pas suffisante pour éliminer toute la fatigue accumulée, les Éveillés étaient des créatures résistantes.

Sunny, qui n’avait dormi que quelques heures, se sentait complètement brisé au lieu d’être reposé. Malgré tout, ce sentiment disparaîtrait bientôt.

“Alors ?”

Ses soldats se regardèrent mutuellement. Après quelques instants, Dorn fut le premier à parler.

“Ce n’est pas bon, Capitaine.”

…Cette fois, Sunny sourit.

“Wow. Qui l’aurait cru.”

Le géant hocha maladroitement la tête, puis commença son rapport.

“D’après ce que nous avons pu découvrir, l’Est de l’Antarctique est toujours sous contrôle humain, mais pour le Centre de l’Antarctique… c’est le chaos.”

Son visage s’assombrit.

“Les Saints ont réussi à tuer l’un des Titans, mais il en reste deux. Une partie de la chaîne montagneuse a également été détruite lors de la bataille. Mais ce n’est pas le pire…”

Sunny poussa un soupir de frustration.

“Il faut dire les choses franchement.”

Dorn baissa les yeux.

“La capitale de siège que notre division était censée établir… a disparu. Totalement rayée de la carte. Les survivants, quels qu’ils soient — soldats et civils — sont en train d’essayer de se replier vers d’autres places fortes. La Première Armée n’a plus aucune force structurée d’ici au Mont Erebus, monsieur.”

Sunny resta silencieux un long moment, une expression de ressentiment apparaissant sur son visage.

Alors, c’est comme ça.

Leur voyage de quatre cents kilomètres… semblait s’être transformé en un voyage de mille kilomètres.