Chapitre 891 – Fatigue

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Six personnes avaient disparu. Il n’y avait toujours pas de traces. Le tueur — quel qu’il soit — ne semblait pas se soucier de savoir si la personne était seule ou si elle faisait partie d’un groupe. Le système de responsabilité mutuelle ne fonctionnait pas. Tout le monde avait peur.

Le lendemain, sept personnes disparurent. Quatre d’entre elles étaient des Éveillés expérimentés, parmi les meilleurs soldats de Verne. Les trois autres étaient des scientifiques. Le même jour, deux autres mondains succombèrent au Sortilège. L’un d’eux mourut et fut éliminé, l’autre luttait encore quelque part, dans le Premier Cauchemar. Peut-être deviendrait-il bientôt un Dormeur.

Un jour plus tard, douze personnes disparurent. Aucun indice ne fut trouvé, et la peur continua à se répandre dans l’établissement comme une épidémie. Elle ne s’était pas encore transformée en panique, mais les résidents de LO49 commençaient à s’impatienter, pris au piège dans l’atmosphère étouffante de la peur, de l’épuisement et du doute.

Sunny avait vraiment envie de dormir.

Le jour où l’Ariadne aurait pu arriver arriva. L’excitation des gens était à son comble, mais Sunny ne partageait pas leur enthousiasme. Il s’attendait à ce que le sauvetage leur parvienne dans une semaine au plus tôt. Beaucoup de choses pouvaient se produire en une semaine.

…L’Ariadne n’arriva pas, mais une horde de Créatures du Cauchemar apparut, descendant des montagnes. Les choses ne semblaient pas aller pour le mieux dans le nord, étant donné qu’un tel essaim d’abominations avait été autorisé à se rassembler et à se déplacer librement. Que faisait donc l’armée ?

Isolée au bout du monde, personne ne pouvait le savoir.

La bataille fut longue et acharnée, mais se termina par une victoire décisive. Les soldats fatigués se replièrent dans la forteresse sans même prendre la peine de brûler les cadavres. De toute façon, ils seraient bientôt recouverts par la neige.

Tout le monde ressentait une fatigue progressive.

La personne ordinaire qui s’était frayé un chemin dans le Premier Cauchemar se réveilla en tant que Dormeur.

…Le lendemain, ce Dormeur disparut, ainsi que quatorze autres personnes.

La Porte des Charognards libéra une nouvelle vague d’abominations. Comme ils n’étaient qu’une poignée, Sunny massacra personnellement les Créatures du Cauchemar avant que quiconque n’ait le temps d’arriver.

Sur le chemin du retour, il remarqua qu’il manquait de gros morceaux de chair à de nombreuses carcasses qui gisaient sous un fin voile de neige fraîche.

Sunny était trop fatigué pour s’en préoccuper.

Je devrais dormir. Rien ne m’empêche de dormir. En fait, il est néfaste de rester éveillé. Je réfléchirai mieux si je me repose.

Mais ce n’était pas vrai. Malgré son épuisement, l’esprit de Sunny semblait devenir plus vif. Il avait perdu un peu de son sens de la situation et de sa vitesse de réaction, mais il était maintenant capable d’entrer dans un état de concentration maximale sur quelque chose en échange. Il était également extrêmement calme, presque comme s’il n’avait pas l’énergie nécessaire pour se sentir anxieux ou agité.

Son esprit était… clair.

Ce soir-là, Sunny se tenait sur le mur sud de la forteresse, regardant l’océan noir onduler. Les vagues froides bruissaient en s’échouant sur l’étendue de pierre de la plage, charriant des morceaux de glace. Le vent hurlait et la pleine lune brillait dans le ciel sombre, entourée d’une aurore éthérée et écarlate.

L’Ariadne était quelque part, éclairée par la même lune.

Au bout d’un certain temps, une silhouette trapue escalada le mur et s’approcha de lui. Dorn avait l’air aussi fatigué que les autres. Pourtant, le géant semblait tenir le coup en comparaison.

Sunny se tourna vers lui et le regarda.

“Capitaine… J’ai une idée. Puis-je la partager ?”

Il acquiesça en silence. Dorn hésita quelques instants, puis dit :

“Il s’agit des corps. À l’heure actuelle, nous avons exploré chaque millimètre de cette infrastructure. Nous avons également fouillé la plaine côtière de fond en comble. Vous avez probablement tout balayé un nombre incalculable de fois. Et pourtant, nous n’avons pas trouvé la moindre goutte de sang.”

“Il semble que nous ayons cherché partout, mais en fait, il y a un endroit où nous n’avons pas cherché. Puisque les corps ne sont nulle part ailleurs, ils doivent être à cet endroit… dans l’eau. C’est la seule conclusion logique.”

Le grand homme se pencha sur le rebord du mur.

Les vagues noires continuaient d’osciller, indifférentes à ses paroles. L’océan insondable restait inchangé.

Sunny resta silencieux un moment, puis acquiesça.

“…Oui. C’est aussi ce que je pense. Je vais donc surveiller la plage de près.”

Quelque part dans la base, l’une de ses ombres effectuait sa patrouille habituelle. En passant devant un salon du personnel, elle remarqua Luster, qui était assis sur un canapé, le regard vitreux. Le jeune homme semblait sur le point de s’assoupir.

L’ombre devint momentanément tangible et le regarda avec un reproche dédaigneux. Puis elle le gifla et disparut.

Luster se leva d’un bond et regarda autour de lui en état de choc.

“Quoi ? Qui ? Quoi… aïe, ça fait mal !”

De retour sur le mur, un pâle sourire apparut sur le visage de Sunny.

“Dorn… ce protocole de responsabilité mutuelle. Vous aussi, commencez à le suivre. Faites des paires et surveillez-vous.”

Dorn acquiesça, s’attarda quelques instants, puis partit.

Sunny continua à regarder l’océan.

Ça n’a pas de sens. Même si le tueur se débarrasse des corps en les jetant à l’eau, quelqu’un aurait remarqué quelque chose. Des dizaines de personnes ont déjà disparu. Tout cela est très étrange…

Alors qu’il réfléchissait, deux autres personnes montèrent sur le mur. L’un d’eux était un soldat Éveillé, et l’autre un scientifique.

Sunny se retourna et les regarda d’un air confus. Comme il se tenait près de l’échelle, les nouveaux arrivants n’eurent d’autre choix que de le heurter. Sunny resta immobile quelques secondes, puis recula d’un pas pour faire de la place.

L’Éveillé et le scientifique s’approchèrent calmement du rebord du mur, l’escaladèrent et sautèrent en bas. L’un d’eux atterrit bien, mais l’autre heurta les rochers et tomba bêtement. Un bruit inquiétant d’os brisés se fit entendre, porté par le vent.

Sunny se frotta le visage et continua à étudier l’océan.

L’Éveillé marchait vers les vagues, tandis que le scientifique rampait. De ce fait, l’eau glacée lui arrivait aux genoux, puis à la taille. Puis, sa poitrine.

Enfin, l’Éveillé disparut sous la surface noire et ondulante, et se noya.

À ce moment-là, le scientifique avait réussi à ramper suffisamment pour atteindre le bord de l’eau. Sa silhouette disparut silencieusement dans les vagues froides.

Il ne restait plus rien d’eux.

Debout sur le mur. Sunny regarda calmement l’océan.

…Huh ? À quoi je pensais ? Ah, oui… c’est étrange que personne n’ait rien vu. Comment les corps peuvent-ils être jetés dans l’océan sans que personne ne s’en aperçoive ?

Il ne le savait pas. Peut-être que sa théorie était fausse et que le tueur n’avait pas utilisé l’eau pour cacher les corps.

L’eau… avait sûrement l’air invitante. Soudain, Sunny ressentit une étrange envie de se baigner.

Quelques instants plus tard, il frissonna.

Une baignade ?? Je suis fou ou quoi ? Qui se baigne dans l’eau glacée, en hiver, en plein Antarctique ?

Secouant la tête, Sunny continua à monter la garde au-dessus de la plage. Il n’avait encore rien vu de suspect… mais s’il restait vigilant, il ne tarderait pas à découvrir quelque chose…