Chapitre 879 – Signes Annonciateurs

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny observa le vieux scientifique avec intérêt.

“La causalité ? Vous voulez dire sa raison ?”

Le professeur Obel sourit.

“Non, rien de si philosophique ! Ce que je veux dire, c’est que nous explorons les causes et les effets de divers phénomènes liés au Sortilège, ainsi que les corrélations entre eux. Bien sûr, notre étude se porte principalement sur les Portes du Cauchemar, mais comme rien n’existe isolément, nous devons considérer le système dans sa globalité.”

Sunny considéra ses paroles pendant un moment.

“C’est ainsi que vous faites fonctionner l’Échelle d’Obel ?”

Le vieil homme secoua la tête d’un air amusé.

“Ce truc ? Non, pas tout à fait. Ce qu’on appelle “l’Échelle d’Obel” est un dispositif primitif que j’ai créé avec plusieurs de mes collègues talentueux aux débuts du Sortilège. Elle est relativement efficace pour ce qu’elle est censée faire, mais la solution est purement pratique. Cela permet de suivre et de prédire les manifestations, mais ne permet pas de comprendre comment et pourquoi elles se produisent. À l’époque, nous n’avions pas le temps de réfléchir à ces questions. Nous devions trouver une mesure immédiate et efficace, aussi limitée soit-elle.”

Il soupira, puis reprit d’un ton nostalgique :

“Voyez-vous… un homme des cavernes peut observer la foudre et savoir qu’il est dangereux d’être frappé par celle-ci. Il peut donc apprendre à reconnaître les signes d’un orage qui approche et se mettre à l’abri. Cependant, s’il ne comprend pas les principes qui expliquent pourquoi et comment la foudre apparaît, l’homme des cavernes ne peut pas inventer un paratonnerre, construire une cage de Faraday ou maîtriser la puissance de l’électricité. C’est en cela que notre travail diffère de “l’Échelle d’Obel”. Cette vieille méthode n’est qu’un outil permettant de reconnaître les signes d’un orage et d’attribuer une valeur numérique à la probabilité qu’un éclair frappe à un endroit précis, tandis que nous essayons d’en comprendre les principes.”

Sunny écouta attentivement le vieux scientifique. Quand aurait-il l’occasion de converser avec quelqu’un d’aussi érudit et compétent ? Heureusement, le Professeur Obel semblait soit aimer éduquer les jeunes générations, soit être tout simplement d’humeur bavarde.

Décidant de profiter de cette occasion pour apprendre quelque chose de nouveau, Sunny demanda :

“Comment fonctionne l’Échelle d’Obel ?”

Le vieil homme gloussa.

“Ah, ce n’est pas trop compliqué. Vous connaissez la pulsation que produit la manifestation d’une Porte du Cauchemar, n’est-ce pas ? Selon la Catégorie de la Porte, elle diffère en puissance et en caractéristiques, se propage dans un certain rayon et affecte un certain volume. Plus la Porte est puissante, plus l’impact est important.”

Sunny hocha timidement la tête, ce qui incita le professeur Obel à lui adresser un petit sourire.

“Eh bien, en vérité, cette impulsion est un peu plus compliquée que cela, car elle se propage non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. Donc, si nous savons quoi chercher, nous pouvons détecter de faibles répliques d’une impulsion de la Porte avant qu’elle n’apparaisse réellement. Bien sûr, cela nécessite un vaste et coûteux réseau de capteurs et de satellites de surveillance pour contrôler l’ensemble du globe, ou du moins les zones que nous jugeons importantes.”

Sunny cligna des yeux.

“Euh… que voulez-vous dire exactement lorsque vous affirmez que l’impulsion se propage à travers le temps, Professeur ?”

Le vieil homme le regarda et resta silencieux quelques instants.

“Comment dire… essayez d’imaginer le temps comme une rivière, jeune homme. Elle coule toujours vers l’avant, du passé vers le futur, et nous avançons avec son courant. Maintenant, imaginez que quelqu’un jette un caillou dans cette rivière. Il y aurait des ondulations à sa surface, n’est-ce pas ? Et ces ondulations, contrairement aux eaux de la rivière, voyageraient à la fois vers l’aval et vers l’amont. C’est pourquoi il peut détecter ces ondulations. Et ce, d’un peu plus loin dans le cours d’eau.”

Sunny ne put s’empêcher de se gratter la tête. Ce que disait le Professeur Obel n’était pas difficile à comprendre… mais c’était un peu plus difficile à accepter.

Peut-être que si j’y pense différemment…

Sunny imagina une corde de harpe. Quelqu’un la pinçait au milieu, envoyant une vibration qui se propageait vers le haut et vers le bas. Vers le bas, c’était l’avenir, et vers le haut, le passé.

Puis il imagina l’inconcevable tapisserie du Destin, et l’étendue sans fin de ses innombrables fils, chacune s’étendant de nulle part vers l’infini. Un certain événement se produisit, faisant trembler de petites sections de plusieurs cordes.

C’est de cela que parlait le vieil homme ?

Un subtil froncement de sourcils apparut sur son visage.

En y réfléchissant… l’affinité avec les révélations fonctionne-t-elle sur le même principe ?

Sunny hésita un peu, puis dit prudemment :

“Je… je crois que je comprends ? Peut-être.”

Le Professeur Obel sourit.

“Tant mieux ! Mais comme je l’ai dit, ce n’est qu’une solution primitive. Elle ne fait qu’observer l’effet sans en comprendre la cause. Et la cause… pourquoi, elle est beaucoup plus difficile à comprendre. À vrai dire, je ne pense pas que les humains comme nous puissent même la concevoir dans sa totalité. En fait, l’école prédominante de la pensée moderne affirme que le Sortilège du Cauchemar est acausal par nature, ce qui signifie qu’il n’adhère même pas au principe de cause et d’effet. C’est de la magie, pour ainsi dire.”

Il grimaça.

“Je ne suis pas d’accord, évidemment. Mais de toute façon, essayer de comprendre ne serait-ce qu’un peu la causalité du Sortilège est une tâche ardue, alors nous limitons le champ de nos recherches à une petite fraction de celui-ci… à savoir, les Portes du Cauchemar.”

Le visage du vieil homme s’assombrit un peu.

“…Je crains que même cela ne s’avère être une tâche insurmontable. Pour l’instant.”

Sunny haussa les sourcils.

“Comment ça ?”

Le Professeur Obel sourit d’un air sombre.

“Oh… eh bien, pour être honnête… cela peut vous sembler drôle… mais nous ne sommes même pas sûrs que les Portes du Cauchemar aient quoi que ce soit à voir avec le Sortilège du Cauchemar…”

Il semblait s’attendre à être réprimandé, mais Sunny ne réagit pas trop à cette déclaration. Au contraire, il réfléchit un peu, puis demanda calmement :

“Vraiment ?”

Le vieil homme le regarda avec un peu de surprise.

“Vous n’êtes pas contre cette idée ?”

Sunny haussa les épaules.

“Pendant mon Second Cauchemar, j’ai été séparé du Sortilège un certain temps. Je n’ai pas pu invoquer mes Mémoires, ni visiter ma Mer de l’Âme, ni même entendre sa voix. Pourtant, mon Aspect et mes pouvoirs étaient toujours avec moi. Je me suis donc dit que les Aspects existaient au moins en dehors du Sortilège. Si les Aspects sont une chose à part entière, pourquoi les Portes du Cauchemar ne le seraient-elles pas ? Oh… cela ne veut pas dire que je suis convaincu. Je suis simplement ouvert à cette possibilité.”

Le Professeur Obel le regarda avec des yeux brillants.

“Séparée du Sortilège ? Fascinant ! Jeune homme… je vous en prie, partagez vos expériences avec moi ultérieurement.”

Sunny sourit.

“Pas de problème. Mais si vous publiez quelque chose… je serai en droit de recevoir quelques points, pas vrai ? Vous savez, en tant que contributeur.”