Chapitre 813 – Première Armée d’Évacuation

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Maître Jet le conduisit jusqu’à un VTP militaire blindé qui se tenait à quelques mètres du quai bondé. L’accès des véhicules à cette partie de la station semblait fortement limité, mais elle n’y prêta pas attention. Apparemment, son rang et son statut lui permettaient de déroger à certaines règles.

Le VTP lui-même était très différent des modèles civils auxquels Sunny était habitué, ainsi que de la voiture de police plus lourde qu’il avait parfois conduite par le passé. Il était beaucoup plus robuste et anguleux, lesté de plusieurs couches d’armure composite, et entièrement au sol. Même si le véhicule ne possédait qu’une capacité de lévitation limitée, il était parfaitement capable de traverser un terrain naturel par ses propres moyens.

À l’entrée de la cabine, d’imposants robots chargeurs humanoïdes vinrent débarquer la cargaison du train, pilotés par des militaires que l’on pouvait apercevoir dans les cockpits ouverts. Les plates-formes exosquelettes rudimentaires étaient dépourvues de blindage et n’atteignaient pas la fluidité de mouvement, l’échelle et la sophistication de leurs frères et sœurs militaires, mais elles étaient plus que suffisantes pour effectuer diverses tâches utilitaires à forte intensité.

Le VTP se mit à rugir, surprenant Sunny. Les différences avec les modèles civils semblaient encore plus prononcées sous la surface. Les systèmes qui propulsaient le véhicule vers l’avant étaient entièrement différents, produisant beaucoup plus de bruit et de vibrations, mais aussi de la puissance brute. Le VTP avança, évitant de justesse plusieurs barrières avant d’atteindre la route cimentée primitive qui menait au port.

Alors qu’ils se rapprochaient de plus en plus de la forteresse navale, Sunny put étudier le fourmillement d’activités qui bouillonnait tout autour d’elle.

Actuellement, le port était devenu le lieu de rassemblement d’une force bien plus importante que celle qu’il était censé accueillir. Des milliers et des milliers de fonctionnaires et de soldats s’affairaient à préparer frénétiquement le déploiement qui approchait.

De nombreux bâtiments récemment assemblés se dressaient en carrés bien ordonnés, certains destinés à fournir au personnel de la Première Armée d’Évacuation un lieu de vie temporaire, d’autres servants de dépôts de stockage, de centres de production, d’installations d’entraînement, d’hôpitaux militaires, et ainsi de suite.

De nombreuses machines lourdes se déplaçaient constamment entre ces carrés, soit pour transporter des marchandises, soit pour participer au démontage de diverses structures. Malgré l’ampleur impressionnante du camp militaire, sa nature improvisée et éphémère était évidente à l’œil nu. L’armée était déjà occupée à démanteler de nombreux bâtiments afin d’en acheminer les composants vers les cales des quarante cuirassés.

Des milliers d’humains envahissaient le camp comme des fourmis. Sunny vit de nombreux militaires non-combattants se dépêcher d’accomplir leurs tâches, ainsi que de nombreux soldats occupés à des exercices d’entraînement et de formation. Certains d’entre eux étaient des Éveillés, mais la plupart étaient des humains ordinaires.

Il y avait toutes sortes d’unités spécialisées en vue — des corps d’ingénieurs, de l’infanterie mécanisée qui se déplaçait dans de redoutables armures exosquelettes, des opérateurs de véhicules d’artillerie, et bien d’autres que Sunny ne pouvait pas nommer. Il vit même plusieurs plateformes de guerre mobiles qui ressemblaient à des cyclopes géants forgés dans le métal, mesurant de six à dix mètres de haut. Ces robots humanoïdes et leurs pilotes lui firent une impression particulièrement forte.

Ils n’avaient rien à voir avec les engins primitifs qu’il avait vus il y a quelques minutes. Même si Sunny savait que ces machines étaient construites et opérées par des humains, il ne pouvait se défaire de l’impression qu’il avait devant lui de gigantesques Créatures de Cauchemar.

Peu à peu, il prit conscience de l’ampleur et de la portée de l’opération à venir. Bien sûr, il connaissait les chiffres approximatifs depuis longtemps… mais savoir et voir étaient deux choses différentes.

Sunny s’attarda quelques instants, puis demanda d’une voix légèrement rauque :

« …Tu as dit qu’il y aurait plusieurs convois de ce type ? »

Maître Jet acquiesça tout en contrôlant facilement le VTP :

« Oui. Quatre, pour l’instant. Deux partiront du Quadrant Nord, tandis qu’un autre partira à la fois de l’Est et de l’Ouest. Chacun transportera environ cent mille soldats vers l’Antarctique dans le mois à venir. Cela comprendra également une vingtaine de milliers d’Éveillés, et une cinquantaine de Maîtres. »

Elle marqua une pause, puis ajouta :

« Si la mobilisation se passe bien, nous aurons au moins soixante mille Éveillés et entre cent et trois cents Maîtres qui participeront aux efforts d’évacuation. »

Sunny prit une profonde inspiration.

Ces chiffres… alors que la quantité d’humains ordinaires envoyés en Antarctique était bien plus importante, c’étaient les deux derniers qui lui donnaient à réfléchir. Soixante mille ne semblaient peut-être pas beaucoup, mais cela signifiait qu’un quart de tous les Éveillés du monde allait être concentré sur un seul continent… et c’était sans compter ceux qui avaient déjà été établis dans le Quadrant Sud.

Le nombre de Maîtres était encore plus incroyable. Trois cents, c’était plus de la moitié de tous les Ascendants en vie aujourd’hui ! Le gouvernement mettait vraiment le paquet.

Une telle puissance.

…Mais cela allait-il suffire ?

Envoyer autant d’Éveillés à la guerre laisserait inévitablement les trois autres Quadrants avec moins de protection, et leurs habitants plus exposés aux caprices du Sortilège du Cauchemar. La pression sur les infrastructures existantes ne pouvait qu’augmenter de façon dramatique une fois que le flot de réfugiés aurait atteint les bastions de l’humanité.

C’est… un vrai gâchis.

En regardant les milliers de personnes qui se déplaçaient dans le camp temporaire, Sunny ne pouvait s’empêcher de se demander combien d’entre elles reviendraient.

…Il n’avait d’autre choix que de se demander s’il survivrait lui aussi.

Même si les membres de la Première Armée d’Évacuation semblaient entraînés et disciplinés, il pouvait voir des signes de peur et d’incertitude cachés au fond de leurs yeux. Ces gens étaient peut-être des soldats dévoués et professionnels, mais aucun d’entre eux n’avait jamais été confronté au genre de menace qu’ils allaient devoir affronter sous peu.

Curieusement, Sunny — malgré son jeune âge et l’absence d’états de service — avait été bien plus proche de ce genre de guerre et était bien mieux préparé à en supporter les horreurs que la plupart des membres de cette armée rassemblée à la hâte.

Enfin, il ressentit quelque chose qu’il n’avait pas éprouvé une seule fois depuis qu’il avait appris l’imminence de la catastrophe.

Le poids de la responsabilité s’installa lentement sur ses épaules.

Sunny soupira, puis se secoua mentalement.

Qu’est-ce que c’est que cette absurdité ?

Il regarda Maître Jet, s’attarda un moment, puis demanda :

« Alors… quand est-ce que j’obtiendrai un uniforme élégant ? »