Chapitre 683 – Tuer un Dragon

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Kai resta silencieux un moment, puis poussa un lourd soupir. Il détourna le regard, ramassa son masque de bois calciné et le fixa quelques instants, puis prit enfin la parole :

« J’ai été envoyé dans le corps d’un centurion de la Légion du Soleil, l’armée de la Cité d’Ivoire. La cité… vous avez dû la voir lorsque nous sommes entrés dans le Cauchemar, renaissant de ses cendres alors que le temps s’écoulait à l’envers. C’est un endroit merveilleux… beau, paisible et plein de vie, avec des gens chaleureux, gentils et profondément attachés à leurs voisins. Des dizaines d’îles florissantes, toutes reliées entre elles par des ponts aériens et des aqueducs construits en pierre blanche… »

Le jeune homme marqua une pause, grimaça et prit une gorgée de thé au miel pour adoucir ses cordes vocales endolories. Puis il jeta un nouveau coup d’œil au masque, s’attarda un instant et poursuivit :

« C’est du moins ce que je pensais au début. Avec le recul, j’ai été terriblement naïf… mais il était si facile de se laisser abuser par l’apparence de la Cité d’Ivoire et de ses habitants — en particulier par le contraste saisissant entre la splendeur de cette façade enchanteresse et la bassesse de ceux qui voulaient la détruire. Les tueurs fous et sans pitié… les Bellicistes. »

Kai secoua la tête.

« Les habitants de la Cité d’Ivoire sont comme ceux que nous connaissons dans le monde réel. Ils ont les mêmes valeurs, les mêmes idéaux, le même respect de la décence et de la vie humaine… ah, maintenant que je le dis à voix haute, je me rends compte qu’ils font peut-être beaucoup mieux que nous à cet égard. Ce que je veux dire… c’est qu’ils avaient l’air gentils. Leur ville était comme un beau paradis… comme un endroit que toutes les villes humaines devraient s’efforcer d’être. Était-ce si inattendu, alors, que dans ce Cauchemar, il y ait quelqu’un qui veuille la détruire ? »

Ses yeux s’assombrirent.

« Les adeptes du culte de la Gloire, en revanche, étaient exactement ce que l’on imagine être les forces du mal. Des pillards impitoyables et cruels qui vénéraient la guerre, les massacres et les effusions de sang, tuant simplement pour le plaisir de tuer. Leur destin pervers, leur conviction zélée qu’en détruisant la vie d’innocents, ils apportaient le don du salut à leurs victimes… des meurtriers et des fous, tous et chacun d’entre eux. Vous comprendrez donc pourquoi j’ai été aveuglé par la vérité… pendant un certain temps. »

Le jeune homme but une nouvelle gorgée de thé, puis posa le masque et les regarda d’un air sombre.

« Dans ma naïveté, j’en suis venu à me prendre pour le héros d’un sinistre conte de fées. Un noble guerrier chargé de protéger un magnifique paradis de la marée du mal. Je considérais à tort que le sort de la Cité d’Ivoire était le véritable conflit du Cauchemar, et je me suis donc convaincu que c’était pour la protéger que nous avions été envoyés ici. Incapable d’abandonner mon devoir et réticent à devenir un déserteur, je suis resté avec la Légion du Soleil, pensant que, tôt ou tard, vous me rejoindriez. »

Kai baissa les yeux et soupira lourdement.

« …Et c’est ainsi que, très vite, je suis devenu un héros de la Légion. »

Son visage défiguré se contorsionna un instant, puis le jeune homme maîtrisa ses émotions et sourit d’un air sombre.

« Je sais, ce fait peut paraître surprenant. Contrairement à vous tous, je n’ai jamais été un guerrier redoutable. Je n’ai jamais été non plus un meneur d’hommes intrépide. Mon seul véritable acte de bravoure a été d’affronter les Messagers de la Tour dans l’ombre de la Tour Cramoisie, et même là, je n’ai survécu que grâce à Cassie. Alors… j’ai été très surpris de voir que je gagnais en renommée et en célébrité en tant que commandant audacieux. »

Kai les regarda, s’attarda un moment, puis dit avec incertitude :

« La guerre entre la Cité d’Ivoire et le Colisée Rouge dure depuis des siècles. Ses marées sanglantes vont et viennent, comme celles de la mer. Parfois, il n’y a que de petites escarmouches et des raids pendant des décennies, et parfois, il y a de terribles batailles qui se déroulent tous les jours. Parfois, seuls des soldats ordinaires et des officiers Éveillés s’affrontent, et parfois, des champions Ascendant apparaissent pour semer la dévastation sur le champ de bataille. Parfois, même les Seigneurs Transcendant interviennent… »

Il s’arrêta quelques instants, but une gorgée de thé, puis reprit d’un ton neutre :

« À l’époque, je me trouvais au cœur d’une transition soudaine entre une période prolongée de calme relatif et le début d’une offensive massive de la part des Bellicistes. Et très tôt, j’ai découvert une vérité inattendue… »

Il les regarda, réfléchit une seconde, comme s’il choisissait soigneusement ses mots, et dit :

« Voyez-vous, j’ai toujours eu l’impression que les guerriers de cette époque mythique, où les dieux vivaient encore et où la magie imprégnait le monde, étaient infiniment plus savants, puissants et compétents au combat que nous, les humains du monde réel. Mais il s’avère que ce n’est pas le cas. Peut-être qu’il y a longtemps, durant ce qu’ils appellent l’Âge des Héros, ils l’étaient. Mais aujourd’hui, la plupart d’entre eux sont bien moins mortels que nous ne le sommes devenus… du moins ceux d’entre nous qui ont été forgés et trempés par le Rivage Oublié. »

Sunny haussa un sourcil, surpris par cette déclaration. Remarquant son expression, Kai inclina légèrement la tête.

« …Les Créatures du Cauchemar sont loin d’être aussi nombreuses ici que dans le futur. Il n’y a pas de Sortilège, pas de Cauchemars, pas d’épreuve du Royaume des Rêves, pas de Portes… contrairement à eux, chacun d’entre nous a été forcé de vivre une vie de sang et de conflit, jeté contre des horreurs inimaginables sans avoir le choix de battre en retraite ou de se rendre. Le Sortilège est peut-être un maître cruel, mais ses leçons ignobles semblent être d’une efficacité morbide. Devenir plus fort ou mourir, il n’y a pas d’autre solution pour nous. Ainsi, la plupart des Éveillés du monde réel ont connu plus de conflits et de batailles qu’un guerrier Éveillé de cette époque. »

Il soupira, puis ajouta sombrement :

« C’est pourquoi même moi, malgré mon humble Aspect et mon manque de prouesses au combat, j’ai pu me démarquer. J’ai mené mes soldats à la victoire, les maintenant en vie malgré l’attaque soudaine d’une grande force de Bellicistes. Et je les ai maintenus en vie pendant le reste de la campagne, faisant des ravages chez l’ennemi partout où ma centurie apparaissait. »

Kai resta silencieux pendant un long moment, puis ajouta, sa voix affreuse devenant soudain particulièrement rauque et grinçante :

« C’est ainsi que j’ai attiré l’attention du radieux Seigneur de ma ville… de Sevirax, le Dragon d’Ivoire. »