Chapitre 640 – Un Monde Devenu Fou

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny regarda la jeune fille terrifiée, puis… se mit à rire.

…Son rire semblait plus que désordonné.

Sa dame frémit :

“Monsieur, vous… vous…”

Sunny agita une main en l’air.

“Non, non. Pas besoin… Je comprends. J’ai l’air fou.”

Le ciel nocturne au-dessus d’eux était recouvert d’un voile de nuages imprenable, et celui en dessous d’eux était vide et sombre. Les vieilles pierres sur lesquelles ils se tenaient étaient recouvertes d’eau, et il faisait trop sombre pour voir quoi que ce soit d’autre que de simples silhouettes.

La silhouette du chasseur Éveillé était imposante, menaçante, et incarnait le concept même de la terreur.

Mais Sunny ne s’en souciait guère.

Se massant la poitrine, il sourit de travers et dit, la voix rauque et éraillée :

“…Mais encore une fois, ce monde est fou. Quelqu’un m’a dit un jour… ah, je ne sais plus qui… que nous ne pouvons refléter que ce qui se trouve devant nous. Est-ce ma faute s’il n’y a rien d’autre devant moi que la folie ?”

Il baissa les yeux, son sourire se transformant en un rictus malicieux.

“Et quelqu’un d’autre m’a dit un jour qu’il voulait détruire le monde. À l’époque, je les ai pris pour des fous… je crois… mais maintenant, je me pose des questions…”

Le chasseur Éveillé fit un pas en avant, sa voix monstrueuse imprégnant les ténèbres comme un murmure insidieux :

“Faible… si faible… son esprit est brisé…”

Sunny se remit à rire.

“Ah, oui… Je suis très, très faible. Mais je ne suis pas assez faible, je dirais ? J’ai l’impression que je n’étais pas censé tenir aussi longtemps. Qui serait capable d’endurer autant de douleur, autant d’horreur et autant de souffrance sans perdre complètement la tête ?”

Il jeta un coup d’œil à son épée, puis à l’ennemi qui s’approchait.

“Et pourtant, c’est ce que j’ai fait. En fait, même si certains de ces cauchemars… mon Dieu, comme ils étaient cruels… ont touché un point sensible, dans l’ensemble… je suis surpris d’admettre que… ils n’étaient pas si terribles que ça.”

Sunny fixa le chasseur Éveillé d’un air soucieux, puis se gratta l’arrière de la tête.

“C’est fou, hein ? C’est un peu comme si, après avoir été éviscéré une fois, rien d’autre ne pouvait vous impressionner à ce point. Ou si tu as déjà vu ta mère mourir une fois, la deuxième fois ne sera pas aussi… eh bien… peut-être que si ? Je ne sais pas… Je ne sais plus très bien ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Peut-être que je ne suis pas moi-même réel. Mais il y a une chose dont je suis sûr…”

La jeune fille s’éloigna lentement de lui, le visage peint de peur. Le tueur Éveillé pencha un peu la tête, puis demanda avec curiosité :

“Quoi ?”

Sunny haussa les épaules.

“Eh bien, c’est que, réelle ou non, je suis vraiment… vraiment, vraiment difficile à briser. Il semblerait. Du moins, pas au point de m’empêcher de penser. Et de remarquer des choses. Oh, et j’ai remarqué certaines choses…”

Il leva lentement son épée et la pointa vers le chasseur qui s’approchait.

“J’ai remarqué que j’avais toujours mal au cœur, que ce soit dans un cauchemar ou dans la vie réelle. Alors, une question s’impose… si le mal de cœur est le même, alors peut-être que la nature du rêve et de la réalité est la même aussi ?”

Il fit un pas en avant, une expression confuse sur le visage.

“La deuxième chose que j’ai remarquée, c’est que beaucoup de mes pensées, actions et réactions n’ont pas vraiment de sens. Parfois, mes mains essaient de faire quelque chose d’elles-mêmes, et parfois des fragments de sentiments, d’idées et de jugements que je dois faire naître apparaissent d’eux-mêmes. Facile à expliquer dans un rêve… pas tellement dans le monde réel. Et je suis éveillé, n’est-ce pas ? Le suis-je ? Ou ne le suis-je pas ? Parfois, c’est difficile à dire…”

Il rit à nouveau et se mit en position défensive, attendant l’attaque du terrifiant chasseur éveillé.

“Et la dernière chose que j’ai remarquée, ce sont les sphères de lumière rayonnantes que je semble pouvoir voir dans les âmes des êtres vivants… ou d’ignobles orbes de ténèbres dans celles des Corrompus. Il m’a fallu quelques cauchemars pour comprendre qu’il s’agissait de noyaux d’âme. Étrangement, une fois de plus, cette capacité m’a permis de passer des cauchemars à la réalité, en faisant en sorte que les deux se ressemblent beaucoup. Alors… tout ceci étant dit… je ne suis curieux que d’une seule chose.”

Sunny sourit, prêt à affronter sa mort… une fois de plus.

“Vous voyez… dans mes cauchemars, j’ai rencontré toutes sortes de créatures. Des guerriers Éveillés, des monstres Corrompus… et même des Transcendants immortels. Certains d’entre eux n’avaient qu’un noyau d’âme, d’autres deux ou trois…”

Il s’attarda un instant, puis regarda au-delà de son ennemi, vers le puissant destrier noir qui se tenait immobile derrière lui, à peine visible dans les ombres.

“Alors, ma question est… pourquoi ce maudit cheval en a-t-il toujours six ?”

…Sur ces mots, il s’élança dans la direction opposée à l’épée du chasseur, abandonnant sans hésiter la jeune fille qu’il avait juré de protéger.

Glissant sur les pierres mouillées, Sunny plongea sous la lame volante et sauta sur ses pieds, mettant tout son poids dans sa propre attaque.

Cependant, son coup n’était pas dirigé vers le tueur menaçant… mais vers le cheval ténébreux.

Sans obstacle, la pointe de l’épée toucha le manteau d’onyx de la puissante bête… et se brisa, comme si elle avait frappé une pierre adamantine au lieu d’un être vivant.

L’instant d’après, la lame du chasseur Éveillé le transperça par-derrière, sortant de la poitrine de Sunny dans une fontaine de sang.

Ignorant la terrible douleur et le sang qui coulait de sa bouche, Sunny grimaça et regarda le cheval immobile.

L’étalon le regarda en retour, ses yeux sombres et emplis d’une malveillance illimitée et terrifiante.

Un rire gargantuesque s’échappa des lèvres de Sunny.

“Ça n’a pas d’importance… ça n’a pas d’importance. Tue-moi encore, salaud… tue-moi autant de fois que tu veux. Dans ce cauchemar, je ne suis qu’un simple épéiste… mais dans le prochain, ou celui d’après, ou encore celui d’après… je serai quelqu’un d’assez puissant pour te déchiqueter. Et je te tuerai encore, et encore… et encore. Voyons lequel de nous deux va craquer le premier, misérable poney !”

Le cheval noir regarda Sunny, ses yeux s’enflammant de flammes cramoisies fantomatiques.

Il renifla doucement, puis ouvrit la bouche, pleine de dents acérées qui ressemblaient plus à celles d’un loup qu’à celles d’un cheval.

Le Cauchemar mordit alors la tête de l’humain tremblant, l’écrasant facilement entre ses puissantes mâchoires.

Sunny mourut.

Et se réveilla en poussant un cri de torture.

Il était temps d’affronter un nouveau jour…

Il sortit de la tente miteuse où il avait dormi et grimaça, des étincelles folles s’allumant dans ses yeux sombres.

Le temps était venu pour lui de chasser un cheval maléfique…