Chapitre 639 – Cauchemar Sans Fin

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny se réveilla d’un cauchemar où il était une ombre qui avait perdu le goût de vivre, qui se réveillait d’un cauchemar où il était un prince noyé dans un tombeau d’acier en fusion, qui se réveillait d’un cauchemar où il était un vieil homme mourant alors qu’il tenait le corps de sa mère assassinée, qui se réveillait d’un cauchemar où il était un mortel regardant son monde être détruit par un dieu.

Très vite, Sunny se retrouva attaché à un pieu, le feu se propageant dans le tas d’amadou sous ses pieds nus, sous le regard d’une foule de gens qu’il considérait comme des amis et des voisins, avec une jubilation démente. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était lutter désespérément contre ses liens et prier pour que la fumée l’étouffe avant que les flammes n’atteignent sa chair…

Mais ses prières ne furent pas exaucées.

Hurlant à l’intérieur du feu, il mourut.

…Il était temps d’affronter un nouveau jour.

Sunny se battit désespérément tandis que des crocs acérés déchiraient sa chair, comme s’il était dévoré vivant. Mais il avait beau se débattre, cela ne servait à rien. Le monstre était tout simplement trop fort, trop fou et trop cruel.

Et puis, il mourut.

Il était temps d’affronter un nouveau jour.

Sunny se noya, une lourde chaîne attachée autour de ses jambes.

Sunny se vida de son sang sur un champ de bataille, souffrant d’une soif terrible et trop faible pour bouger, des corbeaux affamés lui déchirant le visage de leurs becs acérés.

Sunny assista à l’exécution de toute sa famille avant d’être pendu aux murs d’une sombre forteresse.

Jeté dans les ténèbres infinies du Ciel Inférieur par sa mère sans cœur, Sunny mourut de faim, de soif et de peur, trop fatigué pour crier ou pleurer.

Sunny fut tué et transformé en poupée de bois par un sorcier vengeur, puis tué à nouveau après une éternité de servitude silencieuse, la poupée se réduisant en cendres en tombant dans un océan de flammes blanches.

Son cœur fut transpercé par un couteau d’obsidienne sur un autel fait de ténèbres pures.

Son corps fut découpé par la lame d’un guerrier géant vêtu d’une robe rouge en lambeaux, tandis que la foule en liesse applaudissait depuis les sièges en pierre d’un théâtre antique.

…Il était temps d’affronter un nouveau jour.

Les cauchemars n’en finissaient pas de se succéder. À chaque fois, Sunny se réveillait avec la certitude que l’agonie qu’il avait vécue n’était qu’un rêve déchirant. Mais très vite, sa propre vie se transforme en horreur pure.

Et puis, il mourrait.

Et alors, il serait temps d’affronter un nouveau jour.

Sunny rêvait d’être puissant et faible, jeune et vieux, homme et femme, humain et bête. Leur fin était toujours la même. Partout où il allait, partout où il fuyait, peu importe qui il était, il n’y avait que la douleur et la mort.

Et la folie. C’était comme si tous ceux qu’il rencontrait étaient infectés par une terrible et inexplicable folie.

Le monde entier était fou…

Et lui aussi devenait lentement fou.

Au bout d’un certain temps, il s’aperçut que le réveil était de plus en plus difficile. Parfois, il ne parvenait pas à différencier ses vies réelles de celles qu’il avait rêvées. Même si les horreurs qu’il avait vécues ne semblaient être qu’un cauchemar, leur poids s’accumulait, brisant peu à peu son esprit. Ses visages changeaient, ses souvenirs changeaient, mais une chose restait toujours la même.

La terreur.

La terreur omniprésente et glaçante de se réveiller d’un cauchemar pour se retrouver dans un cauchemar bien pire.

…Et deux autres choses restaient les mêmes. La douleur dans la poitrine et les sphères de lumière qu’il voyait de temps en temps brûler dans l’âme de quelqu’un.

Sunny était un soldat dans une guerre entre la Cité d’Ivoire et le Colisée Rouge. Consumé par la terreur, il regardait un colosse brillant fait d’acier lustré s’avancer, faisant trembler toute l’île. Une main métallique géante s’avança lentement, attrapant un vaisseau volant rapide et l’écrasant dans son énorme poing.

Puis, le géant de fer fit un autre pas…

Soudain, le ciel disparut, remplacé par une vaste étendue de métal poli. Le colosse abattit son pied, réduisant Sunny et tous ses camarades en une pâte sanglante.

Sunny mourut…

Puis il se réveilla en hurlant.

Il était temps d’affronter un nouveau jour.

C’était… c’était trop.

Il frissonna, se rappelant la vision terrifiante du géant d’acier avançant vers la rangée de soldats tremblants. Qui serait assez fou pour défier l’indestructible Prince du Soleil ?

Eh bien… il le savait. Les Bellicistes étaient tous fous, chacun d’entre eux. Certains disaient qu’ils avaient été différents et appelés par un autre nom autrefois, qu’ils avaient été vaillants et courageux. Des champions qui avaient protégé le Royaume de Hope des bêtes de la Corruption…

Mais il n’y croyait pas vraiment.

Tant que Sunny était en vie, tant que son père était en vie, et tant que son grand-père était en vie, les Bellicistes étaient les mêmes. Des monstres assoiffés de sang, vêtus de peaux humaines…

Heureusement, la guerre faisait rage loin d’ici. Au nord du Royaume de Hope, les gens n’avaient pas à s’inquiéter de la folie des adeptes de la Guerre, ni de la droiture malavisée des adeptes du Soleil.

…Il est vrai qu’ils avaient leurs propres soucis.

Frissonnant et toujours sous l’emprise du cauchemar, Sunny massa sa poitrine douloureuse et se leva. Aujourd’hui, sa dame allait rencontrer les émissaires du Temple de la Nuit. C’était un grand honneur, mais ce n’était pas sans risque. En tant que chevalier chargé de la protéger, Sunny devait être prêt à tout.

Pourquoi… pourquoi mon cœur me fait-il si mal aujourd’hui ?

En frissonnant, il attrapa ses vêtements.

***

“Non !”

Sunny et une jeune fille vêtue d’une magnifique robe en soie qui lui avait été transmise par sa mère, et pour cette raison un peu trop longue pour la silhouette maladroite de la jeune fille, n’avaient nulle part où s’enfuir.

Les poursuivants, qui avaient déjà massacré le reste de leur groupe, les avaient poursuivis jusqu’aux confins de l’île. Devant eux, il n’y avait plus que les ténèbres du Ciel Inférieur.

…Et derrière eux, des sabots d’acier résonnaient déjà sur les pierres, se rapprochant de plus en plus.

L’adolescente regarda l’abîme sans fond, puis se tourna vers lui. Ses lèvres tremblaient.

“Monsieur… que… que devons-nous faire ?”

Son visage était doux et pâle, pas encore touché par l’acuité de la maturité. Ses yeux, habituellement si doux et brillants, étaient maintenant ternes et pleins de peur.

Sunny hésita, puis dégaina son épée et tourna le dos à l’abîme.

“…N’ayez pas peur, ma dame. Je suis avec vous.”

Il prononça ces mots vides de sens, sachant pertinemment qu’il s’agissait d’un mensonge. Il n’était qu’un homme… il n’était même pas un Éveillé. Que pouvait faire un simple épéiste comme lui face à cet ennemi ?

La jeune fille, aussi jeune soit-elle, savait qu’il mentait aussi.

Quelques instants avant que le premier de ses poursuivants ne surgisse des ténèbres, elle lui saisit l’avant-bras et le regarda avec une détermination désespérée.

“Vous… ne les laissez pas… ne les laissez pas me prendre vivante, monsieur. S’il vous plaît…”

Sunny serra les dents, resta silencieux pendant une seconde, puis acquiesça lentement.

Son cœur lui faisait mal… il lui faisait si mal. La douleur était presque aveuglante.

Une seconde plus tard, un puissant étalon noir apparut devant eux, portant sur son dos un cavalier en armure.

Le cavalier sauta à terre, se déplaçant à une vitesse qu’aucun humain ne pourrait espérer égaler. Il dégaina son épée et jeta un coup d’œil à Sunny, les yeux cachés derrière la visière d’un casque noir menaçant.

Sa voix ressemblait à celle d’un ancien monstre :

“…Écarte-toi, guerrier. Nous n’avons besoin que de la jeune fille. Tu peux encore t’en sortir vivant.”

Sunny rit.

Ah, pourquoi son cœur lui faisait-il si mal… mourir était déjà assez douloureux.

Il regarda le chasseur Éveillé devant lui, puis la jeune fille qu’il avait juré de protéger…

Pourquoi ce cauchemar ne s’arrête-t-il jamais ?

…Puis il abaissa son épée et s’écarta.

Tous deux le regardèrent, le poursuivant avec un sombre amusement, sa dame avec stupeur et incrédulité. Sa voix tremblait :

“Monsieur, que… que faites-vous ?”

Sunny resta silencieux quelques instants, puis soupira.

Pourquoi ce monde est-il si fou ?

“Je suis vraiment désolé, ma dame. Je vous en prie, ne me gardez pas rancune. Mais, voyez-vous… comment dire…”

Il la regarda, puis regarda en direction du chasseur Éveillé. Puis, il secoua la tête et dit :

“Je suis presque sûr que vous n’êtes pas réelle…”