Chapitre 602 – La Nuée d’Ombres

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Moins vite, madame…

Sunny tenta de reculer d’un pas, mais finit par tituber et faillit tomber. Il parvint à garder l’équilibre, s’accroupit et ses serres s’enfoncèrent dans le sol. Ses quatre bras se dressèrent, griffes acérées dirigées vers Solvane.

Toutes ces histoires de gloire et de mort le rendaient très, très tendu.

Solvane… attends. Solvane ?

Un faible grognement s’échappa de la bouche de Sunny lorsqu’il réalisa qui se tenait devant lui. Alors cette belle et gracieuse femme… c’était l’horrible cadavre vivant qu’il avait détruit dans la soute du navire qui s’était écrasé ? Ou plutôt… allait l’être ?

Il avait voyagé dans le passé des Îles Enchaînées, après tout, ou du moins dans une reconstitution illusoire de celui-ci. Il était logique que Solvane n’ait pas succombé à son destin déchirant.

…Pourtant.

Sunny frissonna, se souvenant de la supplication silencieuse et du tourment sans limite dans les yeux vides de l’hôte de la Vigne Parasite. Comment ces yeux horribles pouvaient-ils être les mêmes que ceux, radieux, qui le regardaient en ce moment même ?

Soudain, il fut submergé par la pitié, la compassion et le chagrin.

Et de peur.

Car s’il avait raison et qu’il s’agissait bien de la Solvane, alors cette éblouissante inconnue qui venait de lui promettre une mort glorieuse… était une Sainte.

Et une Sainte qui lui promettait de le tuer, ce n’était pas quelque chose que Sunny avait envie d’entendre.

Il jeta un coup d’œil sous la surface de la belle silhouette de Solvane, et vit une seule sphère de lumière brûler brillamment dans sa poitrine, si radieuse qu’elle en était presque aveuglante. Le noyau de son âme… le noyau d’un Transcendant.

Ses pupilles verticales se rétrécirent, une seule pensée résonnant dans son esprit :

Cours !

Sunny sentait que son corps était bien plus puissant que le sien, inhumainement même, mais sans savoir comment le contrôler correctement, il était hors de question de distancer un Saint. Si tant est que cela ait jamais été le cas. Son seul espoir était donc le Pas de l’Ombre…

Il commençait déjà à tomber dans l’ombre lorsqu’une belle silhouette apparut soudain à proximité, une main gracieuse tombant d’en haut pour saisir l’un de ses bras dans une poigne de fer. Sans le Tissu Osseux, son poignet se serait brisé comme du verre.

L’emprise de la Sainte était aussi inévitable et inéluctable que la mort.

Sunny ne pouvait plus s’enfuir dans les ombres, et l’invocation d’une Mémoire aurait pris trop de temps pour être d’une quelconque utilité…

Toute sauf une.

Un stiletto fantomatique apparut soudain dans sa main piégée et s’élança maladroitement vers le haut, laissant une fine égratignure sur la peau parfaitement lisse et soyeuse de Solvane.

Elle jeta un coup d’œil à l’égratignure, qui se gorgeait lentement de sang, une seule goutte cramoisie tombant sur l’herbe verdoyante. Ses yeux lumineux brillèrent.

“C’est le destin, alors ? Un sacrifice sanglant a été fait, sur l’autel de la Guerre. Petite créature de l’ombre, comme tu es spéciale ! Ah, qu’il en soit ainsi…”

Sur ce, elle sourit radieusement.

L’instant d’après, son autre main s’avança, et avant même que Sunny ne ressente la peur…

Le monde explosa de douleur, puis devint totalement sombre.

***

Ombres… ombres…

Sunny était entouré d’ombres.

Certaines étaient proches de lui, d’autres éloignées. Certaines étaient petites, d’autres grandes. Certaines bougeaient, d’autres restaient immobiles.

Lui aussi faisait partie des ombres.

Non… pas une seule. Un essaim d’ombres. Une légion d’ombres, toutes cachées dans une âme vaste et sans lumière. Silencieuse et tranquille, libre de tout fardeau. Libre de tout désir, libre de raison et de volonté.

Pour l’instant…

Ugh… j’ai mal à la tête…

Lentement, Sunny reprit ses esprits. La première chose qu’il ressentit fut la douleur, puis le battement régulier de ses cœurs. Ses cœurs ? Oui… apparemment, il en avait deux maintenant. Ainsi que quatre poumons.

Son corps était lourd et inconnu, trop grand, trop encombrant et trop étrange. Quelque chose de dur et de froid était pressé contre lui, lui faisant ressentir une douleur sourde dans ses membres. Sa tête lui faisait mal aussi, comme si on l’avait frappé assez fort pour briser un crâne plus faible.

Eh bien… c’était le cas. N’est-ce pas ?

La beauté à couper le souffle, Solvane, l’avait frappé. Elle le tua.

Merde… pourquoi ai-je encore mal alors que je suis mort ? Qu’est-ce que c’est que cette absurdité ?

Outré, Sunny tenta de chasser la douleur. Mais elle demeura. Pourquoi ne disparaissait-elle pas ? Elle n’était pas censée le tourmenter encore.

Sauf si… il n’était pas mort.

Et que la Sainte ne l’ait pas tué d’un seul coup.

Sunny siffla et ouvrit les yeux.

Ce qu’il vit le fixa quelques instants, puis il se mit à rire. Ou plutôt, il voulut rire, mais ce qui sortit de sa bouche fut un gémissement glacial, profondément dérangeant et inégal.

Oh, mon Dieu… c’est un peu trop direct, vraiment ! Allez !

Sunny était si amusé parce que les choses dures et froides pressées douloureusement contre son corps… étaient les solides barreaux d’une cage en fer.

Il était à nouveau dans une cage, et un collier d’acier était enroulé autour de son cou.

Sunny était, une fois de plus, transformé en esclave.

Hé, Sortilège ! Tu trouves ça drôle ? Es-tu content de toi, misérable ?!

Sa nouvelle cage était bien plus petite que celle du Temple de la Nuit. En fait, elle était à peine assez grande pour contenir son corps longiligne avec tous ses membres, ses griffes et ses cornes. La cage était suspendue au plafond par une chaîne rouillée, et chacun de ses mouvements la faisait osciller légèrement, les barreaux s’enfonçant douloureusement dans sa chair.

Sunny poussa un grognement de colère et regarda autour de lui, essayant de donner un sens à ses sensations précédentes. Quelles étaient toutes les autres ombres qu’il avait senties près de lui…

…Merde.

Tout autour de lui se trouvaient des rangées de cages suspendues de différentes tailles, et chacune d’entre elles emprisonnait une créature quelconque. Il y avait des loups monstrueux, des gargouilles de pierre, des vers rampants géants, des monticules de chair béants aux gueules circulaires, et toutes sortes d’abominations, dont certaines qu’il avait déjà vues et combattues, et d’autres dont il n’avait même jamais entendu parler.

Il y avait des boîtes métalliques fermées qui produisaient le son de centaines de petits pieds bruissant contre leur surface, et des cages assez grandes pour contenir un Lombric de Fers. En fait, un Lombric de Fers était piégé dans l’une d’entre elles, pas très loin de Sunny. Il y avait même des cages contenant des humains.

Sunny regarda ce donjon des horreurs pendant un moment, et frissonna.

Qu’est-ce que c’est que cet endroit…