Chapitre 490 – Point de Rupture

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Six minutes.

C’est le temps que Sunny avait réussi à tenir jusqu’à ce que les choses aillent vraiment de mal en pis.

À ce moment-là, le sol devant la Porte était jonché de piles de cadavres, leur sang coulant sur la chaussée comme un ruisseau écarlate. Il avait perdu le compte du nombre d’abominations dormantes qu’il avait tuées, du nombre de chasseurs anciens qu’il avait découpés en morceaux. Malgré la force et la peur des spectres primitifs, leur assaut s’était brisé contre la barrière impénétrable de sa lame, de son Aspect et de sa volonté.

Sunny paya un prix, bien entendu.

Actuellement, ses muscles brûlaient, et il devait forcer l’air à entrer et sortir de ses poumons qui se débattaient. Le Manteau du Monde Souterrain tenait bon, mais son corps, sous le métal noir ressemblant à de la pierre, était battu et malmené. L’armure elle-même était couverte de sang et légèrement cabossée à plusieurs endroits.

Ces bosses ne venaient pas des chasseurs, ceci dit.

Au cours de la troisième vague, de nouvelles Créatures du Cauchemar émergèrent des ténèbres de la Porte… parmi elles, des bêtes plus grandes, plus terrifiantes que les chiens que Sunny avait massacrés.

Et leurs maîtres.

Les démons du mystérieux Brouillard étaient semblables aux chasseurs desséchés, mais beaucoup plus grands, plus forts et mieux équipés. Ils brandissaient des armes de silex magistralement fabriquées et des armures faites de cuir et d’os pourris, leurs yeux vides brûlant de flammes rouges affamées.

Pire encore, ils savaient vraiment comment utiliser leurs lances et épées de pierre.

Face au style de combat étrange, féroce et sournoisement mortel des démons primitifs, Sunny eut un choc. Cela ne ressemblait à rien de ce qu’il avait connu auparavant. Ils se battaient avec la détermination directe, mais insidieuse, de prédateurs de premier ordre rusés, avec la volonté diabolique de tuer par tous les moyens nécessaires, en suivant toujours la voie la plus efficace et la plus barbare pour dominer.

Cela n’aurait pas dû marcher, mais cela a été le cas.

Les bosses sur l’armure de Sunny pouvaient en témoigner.

Eh bien… il n’aurait pas dû être surpris. Si ces anciens spectres venaient de peuples similaires aux humains préhistoriques de son propre monde, alors ils étaient les plus dévastateurs des prédateurs, des tueurs impitoyables à l’échelle planétaire.

D’après le peu que Sunny connaissait de l’histoire, les anciens humains s’étaient répandus sur toute la planète comme une peste, éviscérant des types entiers de créatures vivantes — y compris toutes les autres branches naissantes de l’espèce humaine — en une seule avalanche. Avec leurs armes en silex et leur connaissance du feu, ils étaient devenus rien de moins que la cause et les auteurs de la sixième extinction de masse, à l’égal d’astéroïdes massifs et de changements climatiques, malgré leur taille et leur durée de vie chétives.

…La légion à carapace commençait à lui manquer.

Quoi qu’il en soit, Sunny avait réussi à tuer ces terrifiants combattants — du moins quelques-uns d’entre eux. Plus encore, il avait réussi à atteindre l’essence même de la Danse de l’Ombre et à absorber avidement chaque nuance de leur style de combat primitif et féroce, avant de la renvoyer sur les vagues de Créatures du Cauchemar, portant sa danse macabre déjà terrifiante à un niveau de brutalité vraiment glaçant.

Le Bouquet Sanguinaire avait depuis longtemps atteint ses limites.

Les minutes passèrent, et malgré le fait que Sunny était malmené et dangereusement fatigué, ses réserves d’essence d’ombre diminuant rapidement, pendant quelques instants, il eut l’impression de contrôler la situation.

Que peut-être… juste peut-être… il allait pouvoir tenir bon pendant les treize minutes.

Et puis, il réalisa qu’il ne le ferait pas.

Alors que la sixième minute touchait à sa fin, un mugissement furieux secoua le monde, et quelque chose d’énorme se jeta sur lui depuis les ténèbres de la Porte. La barrière de cadavres qu’il avait érigée devant lui explosa, et une bête géante — deux fois plus grande que Sunny et pesant au moins vingt fois plus — en sortit dans une nuée de sang et de fragments d’os, deux orbites vides remplies de flammes rouges fantomatiques.

Sunny le fixa avec de grands yeux.

La créature ressemblait à un bison géant, sa fourrure noir tachetée et pourrie, une crête de longues pointes d’os écarlates perçant la peau le long de sa colonne vertébrale. La tête de la monstruosité était couronnée de deux cornes dentelées, rouge sang.

Un Déchu… cette chose est un Déchu !

Le bison était également différent des chiens et des plus grandes bêtes contre lesquels il s’était battu, car il était lui-même un spectre, tout comme les anciens chasseurs. Un cadavre réanimé par l’esprit malveillant de la flamme rouge.

Merde !

Sunny se dépêcha d’ordonner à la [Plume de Vérité] de rendre son armure aussi lourde que possible et baissa sa position, sachant pertinemment qu’il ne pouvait pas laisser cette chose le dépasser.

L’instant d’après, deux mille kilos de chair pourrie et de cornes acérées s’écrasèrent sur lui à toute vitesse.

Me…

Pendant une fraction de seconde, tout devint sombre.

…Puis, Sunny se retrouva à rebondir sur l’asphalte et à rouler dessus à une vitesse terrible, jusqu’au moment où le mur d’un immeuble l’arrêta et explosa, des morceaux de ciment volant dans les airs.

Pas… bon…

Désorienté, il secoua la tête, sentant des gouttes de sang suinter sous le Masque de Weaver, puis utilisa le Serpent de l’Ombre pour s’aider à se relever. Puis, il regarda vers la Porte à travers la brume rouge qui lui brouillait la vue.

L’énorme spectre s’approchait des six Éveillés terrifiés. Sa vitesse, par contre, était lente, et ses pas chancelants.

Il y avait un grand trou dans son front où les os épais et adamantins du crâne étaient brisés et fissurés, des morceaux de pulpe sanguinolente s’en échappant et tombant sur le sol.

Juste avant l’impact, Sunny avait abattu son poing blindé sur lui, invoquant l’Éclat de Lune au dernier moment.

Son plan était de percer le cerveau du gros bâtard, mais à cause de la force violente et de l’élan de leur collision, il finit par le faire, puis par faire un trou dans le front de la créature avec son gantelet à pointes.

Les pensées de Sunny étaient lentes et égarées, mais il commençait déjà à reprendre ses esprits.

J’ai une commotion cérébrale, je crois…

Ne parvenant pas à franchir les derniers mètres qui le séparaient des six Éveillés, le bison s’arrêta et vacilla. Ses jambes cédèrent soudainement, et il bascula, envoyant un tremblement à travers le sol.

…Un flot d’abominations se précipitait déjà dans la brèche qu’il avait créée.

Dans l’espace vide où Sunny se trouvait.

Toujours désorienté, Sunny tituba, puis leva faiblement le Serpent Noir.

Mauvais. C’est vraiment, vraiment mauvais…