Chapitre 486 – Appel d’un Cauchemar

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

La route devant Sunny était presque vide. Seules quelques personnes pouvaient encore être aperçues, fuyant la ligne verticale où l’air ondulait étrangement, à une centaine de mètres dans leur dos. Lorsqu’ils ont vu sa silhouette menaçante, les retardataires ont reculé. Quelqu’un a poussé un glapissement effrayé.

Sans leur prêter attention, Sunny s’avança calmement.

Le Serpent Noir reposait sur son épaule.

C’est étrange… Je n’ai jamais vu une Porte ouverte de si près auparavant.

La rue déserte devant lui avait, en effet, l’air très étrange. Non seulement parce qu’elle était presque entièrement vide, à la fois de piétons et de VTP se déplaçant à toute allure, mais aussi parce que la lumière et les ombres se comportaient très bizarrement, la teinte de la lumière légèrement fausse, le mouvement des ombres légèrement erratique.

Le son était également étrange. C’était mortellement calme, mais en même temps, Sunny ne pouvait pas se débarrasser de l’impression qu’il y avait des bruits à peine audibles venant de toutes les directions, agressant ses oreilles comme une cacophonie inaudible de cris étouffés, distants et déments.

Une étrange pression s’élevait dans l’air, de plus en plus forte à mesure qu’il se rapprochait de la Porte du Cauchemar naissante.

La Porte elle-même était facile à reconnaître. Elle ressemblait à une grande dépression verticale dans le tissu du monde, un endroit où la lumière se réfractait de façon anormale et où les cris inaudibles étaient les plus forts… pas encore une faille dans la réalité, mais un soupçon.

Devant la Porte, une demi-douzaine de personnes se tenaient debout, la fixant dans un silence tendu. Les Éveillés qui, tout comme Sunny, décidèrent de répondre à l’appel.

Seulement six d’entre eux…

Bien que ce fait ne lui promette rien de bon, il fallait s’y attendre. Deux cents secondes n’étaient pas suffisantes pour que de nombreux défenseurs arrivent. Même ceux qui étaient prêts à risquer leur vie pour tenter de protéger les civils avaient besoin de temps pour se rendre à la Porte, après tout… ce groupe était composé de ceux qui se trouvaient déjà dans la zone d’impact immédiat lorsque l’alerte a été envoyée à leurs communicateurs, tout comme Sunny.

Peut-être avaient-ils une confiance excessive en leurs capacités, ou peut-être, tout comme lui, avaient-ils des personnes auxquelles ils tenaient dans les environs, peut-être même dans la même école où se trouvait Rain, à quelques centaines de mètres dans leur dos.

Dans tous les cas, il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir un peu de respect envers ces personnes. Venir à une Porte demandait déjà beaucoup de courage… rester même après qu’il soit devenu évident qu’il y aurait moins de dix Éveillés combattant côte à côte pour stopper la marée de monstres était au-delà de ça.

Ces gens étaient prêts à mourir pour accomplir leur devoir.

…Des fous. Des fous courageux, très courageux.

Et Sunny lui-même, alors ?

Je suis un fou, moi aussi. Mais un lâche.

Sunny n’avait pas l’intention de mourir aujourd’hui. Il savait ce qu’il faisait, et avait des moyens de s’échapper si les choses devenaient trop difficiles.

Sans ralentir le moins du monde, il passa calmement devant les six Éveillés et s’arrêta dos à eux, plus près de la Porte que quiconque.

Sans le vouloir, Sunny se retrouva à la tête du petit groupe de défenseurs.

Contrairement à eux, il ne montrait aucun signe de peur. Les autres fixaient la Porte avec des visages pâles, leurs corps tendus, leurs yeux emplis de malaise et de sombre remords. La pose de Sunny, par contre, était confiante, indifférente… presque détendue.

Et dans les yeux du masque redoutable, il n’y avait que des ténèbres.

Les autres réagirent à son arrivée avec excitation. Un Éveillé de plus pour combattre avec eux était déjà une bonne chose, mais celui-ci, en particulier, semblait particulièrement imposant. Son armure d’onyx et sa redoutable lame dépassaient de loin les Mémoires qu’ils avaient eux-mêmes en leur possession, et son comportement calme laissait penser qu’il s’agissait d’un combattant expérimenté… ou d’un fou.

Et puis, quelqu’un le reconnut.

“Attendez… ce n’est pas M-mongrel ?!”

Les autres regardèrent la fille qui parlait avec confusion.

“Qui ?”

Elle les fixa avec de grands yeux.

“C’est… c’est le Seigneur Mongrel ! Vous n’avez jamais entendu parler de lui ?”

Un soupçon de reconnaissance apparut dans les yeux des Éveillés rassemblés devant la Porte qui s’ouvrait. L’un d’entre eux jeta un coup d’œil à Sunny, s’attarda un moment, et demanda :

“Je suis désolé, mon ami. Cette jeune femme semble avoir entendu parler de toi. Si je peux me permettre, es-tu un Éveillé de quelque renommée ?”

Sunny ne bougea pas un muscle, et mentit presque en pilote automatique :

“…Je ne suis pas un Éveillé. Je n’ai pas de renommée.”

L’homme leva un sourcil.

“Comment ça, pas un Éveillé ? Alors qui es-tu ?”

Sunny se maudit intérieurement.

Ma satanée langue…

Il serra les dents, resta silencieux une seconde, puis répondit d’un ton calme :

“Je suis juste un humain.”

Puis, il soupira et tourna légèrement la tête, fixant les six Éveillés.

D’après l’aspect de leurs Mémoires et la façon dont ils se tenaient, ils n’étaient pas des élites. Plusieurs semblaient savoir comment tenir une épée, mais c’était tout. Ils allaient être dévorés vivants une fois la Porte ouverte.

Découragé, il demanda :

“Aspects de Combat ?”

Les défenseurs se regardèrent les uns les autres, puis la fille qui l’avait reconnu répondit :

“J’ai un Aspect Éveillé qui améliore mon agilité et me permet de frapper avec une précision mortelle. Deux gars ont des Aspects Dormants centrés sur l’endurance et la force, et les deux autres peuvent effectuer des attaques élémentaires à distance.”

Donc, trois Aspects de Combat faibles, deux combattants de soutien, et personne capable d’apporter un soutien ou des soins appropriés.

Il baissa la tête un instant.

Il ne restait que trente secondes avant l’ouverture de la Porte. De légères secousses parcouraient le sol sous ses pieds, et des morceaux de poussière et de petits graviers s’élevaient lentement dans les airs, lévitant sur les courants d’énergie invisibles qui parcouraient l’air.

Comment je vais faire ça ?

Sunny serra plus fort la poignée du Serpent Noir, puis dit d’une voix rauque :

“Restez en arrière, tuez tout ce qui passe derrière moi.”

Il fit une pause pendant un moment, puis ajouta :

“…Faites-les saigner.”

La fille le fixa avec de grands yeux.

“Rester… rester en arrière ? Mais, monsieur, vous ne pouvez pas le faire seul ! Il y aura une horde d’entre eux ! Même si vous étiez une centaine, cela ne suffirait pas à les tuer tous !”

Sunny se détourna et regarda la faille qui s’ouvrait lentement devant lui.

Comment pouvait-il faire en sorte que ces gens restent hors de son chemin ? Le meilleur endroit pour eux était à l’arrière, pour achever tout ce que Sunny n’avait pas réussi à tuer et empêcher les Créatures du Cauchemar de s’échapper dans la ville… et de se diriger vers l’école de Rain.

N’arrivant pas à trouver un meilleur mensonge, il ouvrit la bouche et dit froidement :

“Un seul d’entre moi suffit pour tous les tuer.”

Sur ce, Sunny laissa la fille debout, la bouche bée, et s’avança.

C’est quoi le problème, de toute façon ? C’est… c’est juste une Porte du Cauchemar…

Ses jambes, toutefois, tremblaient un peu.

Juste à ce moment-là, une secousse particulièrement forte parcourut le sol.

Les ombres explosèrent dans une danse folle, la lumière du soleil devenant faible et fantomatique.

Le vent hurlait dans la rue vide, comme si l’air était aspiré par la faille qui s’élargissait.

Et puis, une onde de choc invisible s’en échappa, faisant voler en éclats les fenêtres du bâtiment environnant.

Sunny résista à la poussée et sentit soudain un sentiment familier envahir son âme.

…L’appel d’un Cauchemar.

La Porte était ouverte.