Chapitre 382 – L’Écrasement

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Allongé sur l’herbe douce, Sunny sentit son corps devenir plus lourd, et même davantage. L’île continuait à s’élever dans le ciel ensoleillé, et à chaque minute, la pression écrasante devenait légèrement plus insupportable.

L’ancienne forêt qui recouvrait sa surface se courba, une pluie de feuilles tombant sur le sol. Les arbres puissants abaissèrent leurs branches, comme s’ils voulaient toucher le sol. Dans un craquement sonore, quelques arbres plus faibles se brisèrent et plongèrent vers le bas, inondant tout ce qui se trouvait autour d’échardes tranchantes.

Sunny grimaça, sentant son corps entier lutter sous la tension. Il pouvait encore bouger et respirer sans trop de problèmes, du moins… pour l’instant. Bientôt, l’île s’élèverait suffisamment pour rendre toute forme de mouvement presque impossible.

…Et s’il était particulièrement malchanceux, elle continuerait à s’élever, jusqu’à rendre l’inspiration difficile. Avec un peu de chance, les chaînes seraient tendues bien avant cela.

Les cieux au-dessus des Îles Enchaînées étaient magnifiques, mais aussi prohibés. Rien ne pouvait survivre à leur étreinte écrasante — ni les humains, ni les Créatures du Cauchemar. Ni rien d’autre…

Enfin, à l’exception d’une chose.

En déplaçant son regard, Sunny leva les yeux et découvrit la forme de la Tour d’Ivoire flottant au-dessus du monde, enveloppée dans un voile de nuages.

La Tour d’Ivoire était la seule chose qui semblait capable de résister à la pression mortelle du ciel prohibé. C’était une grande et magnifique pagode construite dans un matériau d’un blanc immaculé qui n’était ni de la pierre ni du bois. L’île sur laquelle elle se trouvait était très petite, à peine plus large que la base de la tour elle-même, et entourée de dalles de marbre brisé à la dérive.

Sept chaînes brisées pendaient du sol de l’île, se balançant au gré des mouvements.

La Tour d’Ivoire était visible dans le ciel aussi bien le jour, baignée par la lumière du soleil, que la nuit, brillant de mille feux grâce à l’éclat de la lune. Personne ne savait ce qu’était cette structure mystérieuse et pourquoi elle n’avait pas été touchée par la force d’anéantissement qui détruisait tout ce qui osait s’élever au-dessus des Îles Enchaînées, car personne n’avait jamais réussi à résister à l’Écrasement sans cesse grandissant pour s’en approcher.

Beaucoup crurent même qu’il s’agissait d’un mirage.

Merde…

L’île sur laquelle Sunny avait eu le malheur de se retrouver coincée avait enfin atteint le point culminant de son ascension et tremblait violemment tandis que les chaînes qui la reliaient aux autres îles se tendaient. La pression à cette hauteur était torturante… mais pas mortelle.

Ses os ne se brisaient pas sous l’assaut de l’Écrasement, et il pouvait encore respirer, même si c’était au prix d’un grand effort.

Il aurait été préférable que Sunny puisse enrouler la seconde ombre autour de son corps, mais il ne voulait pas paraître trop fort devant Maître Roan.

En parlant du loup…

Le puissant cavalier choisit ce moment précis pour parler. Sa voix semblait un peu tendue :

“Hé, Sunless. Tu peux respirer correctement ?”

Sunny serra les dents et lutta pour parler. Finalement, tout ce qu’il réussit à faire, c’est un grognement affirmatif.

“Bien, bien. En fait, ce n’est pas si dur que ça, pour ce qui est de l’Écrasement. Si nous nous élevons d’une centaine de mètres supplémentaires, même moi, je passerais un mauvais moment.”

…Bon à savoir.

À ce stade, Sunny regrettait de ne pas avoir grimpé sur le griffon et plongé dans le Ciel Inférieur.

Les Îles Enchaînées étaient un endroit dangereux, et les Créatures du Cauchemar qui y vivaient étaient effrayantes et puissantes au-delà de toute croyance.

Néanmoins, les créatures vivant sous les îles étaient bien pires. Sunny les avait vues de loin à quelques reprises, et le simple souvenir de ces horreurs suffisait à lui donner des frissons dans tout le corps.

Pourtant, ils auraient pu se frayer un chemin à travers… probablement…

Cela aurait été mieux que cette torture diabolique, c’est certain.

Argh…

Mais il ne pouvait rien faire d’autre que serrer les dents et endurer. Minute après minute, heure après heure. Sunny ne pouvait même pas penser correctement à cause de la pression terrible du ciel sans limites. Tout ce qu’il pouvait faire était de souffrir en silence et de fixer la Tour d’Ivoire.

Son ombre, par contre, s’amusait beaucoup. Elle ne bougeait pas, réticente à l’idée d’être remarquée par Maître Roan, mais il pouvait sentir qu’elle le fixait avec jubilation.

Espèce de fumier… je vais t’enrouler autour de la Roche Ordinaire et le faire hurler sans relâche pendant vingt-quatre heures d’affilée… on verra qui jubilera à ce moment-là…

L’ombre hésita un peu, puis fit maladroitement semblant de s’intéresser à autre chose et détourna le regard.

Ouais, c’est ça…

Quelque part dans la forêt, un autre arbre explosa en faisant un bruit sourd. Sunny essaya de tourner la tête pour regarder dans cette direction, mais cela lui demanda trop d’efforts. De toute façon, il n’avait pas à s’inquiéter d’être attaqué par les Créatures du Cauchemar dans cet état d’impuissance. Elles étaient actuellement cachées dans leurs repaires, endurant l’Écrasement de la même manière que lui.

Qui pourrait se battre sous cette pression infernale ?

Sunny avait l’impression qu’il y avait une montagne sur sa poitrine. Chaque respiration lui demandait le plus grand effort. Tout son être lui faisait mal, et sa vision était devenue floue. Épuisé, il ferma les yeux et fit circuler l’essence d’ombre à travers les enroulements du Serpent Noir pour maintenir en vie son corps qui se brisait lentement.

Merde… Je vais être en retard pour me réveiller, pas vrai ? Quand allaient-ils appeler… le matin ? Un appel si important, et je suis sur le point de le manquer…

Il commençait à se sentir vraiment mal quand le son béni du cliquetis des chaînes parvint enfin à ses oreilles une fois de plus.

Oh, merci mon Dieu…

Après environ quatre heures, l’île avait enfin recommencé à bouger, entrant dans sa phase descendante. Petit à petit, la pression écrasante commença à s’affaiblir.

Maître Roan soupira de soulagement à ses côtés.

“Le pire est passé. Attends encore un peu, petit. Tu y es presque.”

Sunny jeta un coup d’œil à l’homme plus âgé et soupira. Avant, il détestait qu’on l’appelle petit, mais plus maintenant, du moins pas autant. Il se sentait juste un peu nostalgique.

Il ne se sentait pas comme un enfant. Pas depuis longtemps maintenant… pas depuis son retour du Rivage Oublié.

Une douzaine de longues et torturantes minutes plus tard, l’île descendit suffisamment pour qu’ils puissent bouger, puis se relever lentement.

L’Écrasement était terminé.