Chapitre 320 – Le Siège de la Tour Cramoisie (6)

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

“Tendez ! Visez ! Endurez !”

Au moment même où Night prononçait ces mots, Aiko trébucha et tomba. Le paquet de flèches qu’elle portait dans ses bras s’éparpilla sur le sol.

“Aïe…”

Se relevant du corail, elle ramassa précipitamment les flèches et s’élança vers l’archer le plus proche, puis les plaça près de ses pieds.

Dans cette bataille, le rôle des personnes comme elle, celles qui étaient trop faibles pour se battre et ne possédaient pas d’Aspect utile, était simultanément le plus simple et le plus chaotique. Ils étaient chargés de fournir aux Dormeurs participant à la bataille tout ce dont ils avaient besoin, que ce soit des flèches, des carreaux d’arbalète, des pierres pour leurs frondes, ou quoi que ce soit d’autre.

Il y avait plusieurs équipes de coureurs qui faisaient différentes choses. Initialement, elle était censée aider à transporter les blessés de la première et de la deuxième ligne vers l’hôpital de fortune à l’arrière de la formation. Là, quelques personnes ayant des Capacités d’Aspect en rapport avec la guérison attendaient, prêtes à aider. Son ami Stev était l’un d’entre eux.

…Mais il ne restait plus beaucoup de blessés dans cette bataille. La plupart moururent sur place. Elle n’avait donc rien à faire et se retrouva ici, à aider à approvisionner les archers.

Elle avait juste apporté deux carquois à Night, et était en route…

…Attends, c’est pas fou ça ?

Essayant de reprendre son souffle, Aiko jeta un coup d’œil autour d’elle et frissonna.

C’est fou, c’est fou…

La scène qui se déroulait devant elle était trop bizarre pour être vraie. Plusieurs centaines de Dormeurs étaient assiégées par une horde de Créatures du Cauchemar au sol, tandis qu’une autre leur tombait dessus depuis le ciel. Tout cela devant une affreuse et interminable tour de corail cramoisi. Elle rêvait sûrement…

Bien sûr que tu rêves ! C’est le Royaume des Rêves, idiote !

Et pourtant, la chose la plus étrange de toutes… était qu’elle était coincée dans toute cette folie avec nul autre que Night de Nightingale, l’idole à la beauté époustouflante dont les posters étaient accrochés aux murs de la plupart des filles de son âge chez elle. Malgré le fait que les deux se connaissaient depuis plus d’un an et qu’ils étaient même… euh… en bons termes, ce fait était celui qui poussait le surréalisme de la situation à son comble.

C’était exactement le genre de rêve bizarre que ferait une adolescente comme elle.

Au moment où elle pensait à cela, quelqu’un est tombé sur le sol à quelques mètres d’elle. Tournant la tête au son d’un juron étouffé, Aiko vit Stev et un autre Dormeur portant une civière grossière. Sur celle-ci se trouvait une jeune femme, couverte de sang et pâle comme un fantôme, son armure de cuir déchirée et sur le point de se disloquer.

Un moment auparavant, le partenaire de Stev était tombé. Il semblait qu’il était lui-même blessé, mais pas trop sérieusement. Courant jusqu’à eux, Aiko prit le relais et aida le géant ample à maintenir la civière.

Porter ce poids avec son petit corps n’était pas facile, mais elle serra les dents et persévéra.

Ensemble, ils se précipitèrent vers l’arrière de la formation.

En chemin, ils durent passer devant les archers désespérés et les utilisateurs épuisés des engins de siège, qui étaient lentement mais sûrement à court de lances massives à envoyer sur la horde déchaînée.

De toute évidence, les choses n’allaient pas bien pour l’Armée des Rêveurs.

En bas, la première ligne était en train d’être complètement éviscérée. Trois îlots de résistance persistaient encore dans la mer de monstres, mais Aiko ne savait pas combien de temps encore ces pauvres gens seraient capables de tenir. La deuxième ligne était maintenant empêtrée avec les Créatures du Cauchemar, aussi. Le plan initial avait été que ces deux forces changent de position pour donner aux guerriers épuisés le temps de se reposer, mais maintenant, cela n’allait jamais se produire.

En haut, de plus en plus de cadavres tombaient sur le filet de fer invisible. Malgré cela, le nombre d’abominations volantes ne semblait pas diminuer du tout. Les fils de métal gémissaient, devant supporter de plus en plus de poids.

Est-ce qu’on va tous mourir ?

Sentant une froide frayeur se répandre dans son corps, Aiko trembla et tourna involontairement la tête vers le point le plus haut du camp de l’Armée des Rêveurs. Là, sur un monticule saillant de corail cramoisi, elle vit trois silhouettes.

L’une était Sainte Nephis elle-même. L’autre était son oracle aveugle. Et la troisième…

Attends… qu’est-ce que ce type fait là ?!

La troisième personne n’était autre que Sunny, l’étrange jeune homme qui l’avait mis dans ce pétrin pour commencer.

Après avoir rejoint la faction de l’Étoile Changeante, Aiko avait rapidement appris qui étaient les personnes importantes et quelles positions elles occupaient dans la cohorte de la Dame Radieuse. Le rôle de chacun était clair et facile à comprendre.

…Sauf pour Sunny.

Le rôle de ce jeune homme pâle n’était pas clair du tout. Les gens semblaient le considérer comme un membre de la cohorte de Dame Nephis, mais Sunny lui-même insista toujours sur le fait qu’il ne l’était pas. On le considérait comme un combattant compétent, mais en fait, personne ne l’avait vraiment vu combattre.

La plupart des gens le connaissaient juste pour sa tendance à rester dans son coin, ses vantardises ridicules et son attitude insouciante. Ils le respectaient en même temps pour être l’éclaireur de l’Étoile Changeante et le considéraient comme inoffensif.

Cependant, Aiko ne pensait pas que Sunny était inoffensif. Elle l’avait vu surgir de l’ombre et tuer le garde qui l’étranglait d’un geste détendu, comme s’il se débarrassait d’un insecte.

Dans son esprit, Sunny était très mystérieux. C’était un joker.

En le voyant maintenant avec Dame Nephis, elle ressentit soudainement une petite lueur d’espoir.

Peut-être que l’Étoile Changeante avait un plan.

Peut-être allaient-ils survivre, après tout…

“Aiko ! Bouge tes petites jambes plus vite, tu veux ?”

Fronçant les sourcils à la remarque de Stev, elle regarda le sol et se concentra pour ne pas ralentir son ami géant.

Ils atteignirent bientôt l’hôpital et posèrent le brancard sur la table de fortune. Stev se précipita pour récupérer ses outils…

Mais il était trop tard. La jeune fille sur le brancard était déjà morte.

Aiko resta immobile pendant un moment, fixant le sol. Après un moment, Stev lui toucha prudemment l’épaule.

“Hé… tu vas bien, petite ?”

Elle s’essuya le visage, puis hocha la tête.

“Ouais. Je vais bien. Il faut que j’y aille, malgré tout. Ces… ces flèches ne vont pas se porter toutes seules.”

Stev s’attarda un peu, puis essaya de sourire.

“Très bien. Euh… reste en sécurité.”

Elle sourit et acquiesça à nouveau.

“Ouais. Toi aussi, reste en sécurité.”

Sur ce, Aiko fit demi-tour et sortit de la tente en courant.

Dehors, la bataille ne faisait que devenir plus féroce.