Chapitre 37 – L’Assassin pratique la chirurgie

Nous avons passé un examen écrit en classe aujourd’hui. Une fois que j’ai terminé tous les problèmes, je suis tombé dans mes pensées.

Cela faisait quelques jours que j’avais assassiné l’assassin.

…Je n’ai pas obtenu beaucoup d’informations de lui. Sous la torture, j’ai appris que le cerveau était un membre de la faction noble. J’ai rapporté cette découverte à mon père et au directeur.

C’était un énorme soulagement que ce ne soit pas un membre de la famille royale qui ait mis un contrat sur le héros. La Maison Tuatha Dé faisait partie de la faction royale, et nous ne pouvions pas nous permettre de conflits internes. Si vous regardez la situation dans son ensemble, l’existence même de telles cellules est le signe de luttes intestines.

J’avais aussi appris pourquoi ils s’en prenaient à Epona. Dans un sens, c’était une raison très respectable.

Bref, c’est enfin l’heure.

Je devais pratiquer l’opération de Tarte ce soir. J’avais eu assez d’entraînement, et comme par hasard, nous avions quelques jours de vacances à partir du lendemain.

Tarte allait devoir porter des cache-œil pendant quelques jours. L’intervention a donc eu lieu la veille d’une période de vacances, au meilleur moment.

« Votre temps est écoulé. Je vais maintenant récupérer vos copies. »

Le professeur Dune a récupéré nos examens. Peu après, la cloche a sonné, annonçant la fin de la leçon.

Dia et Tarte se sont précipitées vers moi, suivies par une autre personne qui avait pris l’habitude de nous suivre ces derniers temps.

« Lugh, j’ai vraiment bien réussi le test cette fois-ci. C’est grâce à notre groupe d’étude, » dit Epona.

Elle était entrée dans la classe avec un retard considérable sur les autres élèves du point de vue de l’apprentissage, et j’avais donc eu de nombreuses occasions de lui apprendre à étudier. Nous nous réunissions fréquemment pour des sessions d’étude, mais comme essayer d’établir notre emploi du temps à chaque fois que nous nous rencontrions prenait beaucoup de temps, nous avions décidé d’établir un moment régulier pour nous réunir en groupe.

Même Naoise et Finn avaient rejoint nos réunions.

« Tu as les bases. Si tu continues à ce rythme, dans six mois, tu n’auras plus besoin de notre aide », ai-je félicité.

« Je vais continuer à travailler dur. Je ne peux pas me laisser distancer », a déclaré Epona.

« C’est l’esprit », ai-je dit.

Ça devient effrayant. A quelle vitesse va-t-elle se développer ?

Epona a fait une grimace comme si elle voulait dire quelque chose, alors je l’ai incitée à cracher le morceau.

« Pourquoi allez-vous si loin pour moi ? », a-t-elle demandé. « C’est parce que je suis le héros ? »Son regard a été dirigé vers le sol.

Epona était pauvre en relations interpersonnelles. Même si elle dépendait de moi, son manque de confiance la faisait se sentir indigne. En retour, cela l’a poussée à se méfier.

« Si je disais que ça n’a rien à voir avec ça, je mentirais. Mais je te jure que ce n’est pas la seule raison. J’aide parce que j’aime passer du temps avec toi. Je suis un mauvais menteur. Je suis de très mauvaise humeur quand je suis avec des gens que je n’aime pas. »

« Ok, c’est bon à entendre. J’avais peur que tu n’aimes pas faire des choses avec moi… Un jour, je te rendrai la pareille pour tout ce que tu as fait pour moi ! ». Epona a promis.

J’avais déjà raconté des mensonges similaires de nombreuses fois, mais une telle tromperie était nécessaire. Tout ce que j’ai fait était de trouver les points faibles d’Epona. Je devais travailler pour un futur où je n’aurais pas à mettre fin à sa vie.

« Nous devons aller à la bibliothèque, ou ils vont annuler nos places réservées », dit Tarte, impatient de voir l’heure arriver.

« Ah, vous avez raison. La bibliothécaire est très impitoyable. Si vous êtes en retard, même d’une seconde, on donne votre chaise à quelqu’un d’autre », affirma Dia.

« C’est vrai », ai-je répondu. « Mais si la bibliothèque ne fonctionne pas, nous pouvons toujours aller dans notre appartement. Nous avons beaucoup d’espace là-dedans. »

«  »NON. » »

Tarte et Dia ont rejeté ma suggestion à l’unisson.

Qu’y a-t-il de mal à utiliser notre appartement ? Tarte gardait l’endroit très propre. Il n’y avait rien de compromettant qu’Epona pouvait trouver, non plus. La nature de mon travail faisait que je possédais des choses que le héros ne devait pas voir, mais elles étaient toutes bien cachées.

« Ha-ha-ha, tu es complètement sous leurs ordres, Lugh. Mais vivre sous la poigne de fer de Dia et Tarte semble plutôt agréable. Que dirais-tu de m’en prêter une ? » Naoise a plaisanté.

« Dans tes rêves. Ce sont deux partenaires importantes pour moi », ai-je répondu.

Après cette déclaration, les visages de Dia et Tarte ont rougi, et Epona a marmonné, « C’est si gentil », avec le regard d’un enfant qui convoite un jouet.

« Quoi qu’il en soit, allons-y. Nous allons vraiment être en retard si nous ne partons pas maintenant », ai-je insisté. Rassemblant mes affaires, je me suis levé pour partir.

C’était maintenant le soir de notre premier jour de vacances. Je faisais face à Tarte, qui avait un pansement sur l’un de ses yeux.

La nuit dernière, j’avais terminé l’implantation en toute sécurité d’un Œil Mystique. Dans quelques instants, nous connaîtrons le résultat de mes efforts.

« Je suis nerveuse. J’espère que Tarte est encore capable de voir de cet œil », a admis Dia.

« Elle a assez bien réagi à l’opération, mais il y a toujours un risque minime qu’elle ait échoué. Je suis anxieux, moi aussi », ai-je répondu.

Cet autre assassin avait été un bon entraînement. Je n’avais accepté de travailler sur Tarte que parce que j’étais sûr de moi.

« Ah, Seigneur Lugh, Dame Dia, c’est presque l’heure. » Tarte a pressé sa main contre le patch sur son œil droit.

« Je vais enlever le bandage, mais je veux d’abord dire quelque chose. Ne t’inquiète pas de mes sentiments. Je sais que tu seras tenté de mentir et de dire que tu peux voir même si ce n’est pas le cas », ai-je dit.

« …Vous avez raison… », a concédé Tarte.

C’est exactement le genre de personne que Tarte était.

« Promets-moi au moins que tu ne le feras pas. Si quelque chose te semble anormal, je pourrai y remédier si tu me le dis dès le début. Plus tu me le cacheras, plus il sera difficile de corriger les erreurs. Ne t’inquiète pas si cela te semble anodin. Si quelque chose te semble étrange, dis-le-moi, d’accord ? »

« Ok, je le jure », a répondu Tarte.

L’œil gauche découvert de Tarte brillait pour moi. Je pouvais y voir mon reflet. Doucement, j’ai enlevé les bandages autour de son œil droit.

L’opération avait laissé son iris légèrement plus sombre. Lorsque les Tuatha Dé subissaient la procédure, leurs yeux devenaient gris. Dans le cas de Tarte, cependant, la pigmentation a simplement diminué un peu.

Son œil droit était flou parce qu’il avait été couvert pendant si longtemps.

« Tout semble si flou, monseigneur. »

« C’est parce que ton œil a été bandé pendant une journée entière. Regarde ça. »

En utilisant le mana, j’ai fait apparaître une petite lumière. Alors que Tarte la fixait, ses yeux ont commencé à se concentrer.

« Je peux voir correctement maintenant », a-t-elle dit après une minute ou deux.

« Ok, on avance. Viens par ici. »

J’ai pris Tarte par la main et l’ai conduite à la fenêtre. Après l’avoir ouverte, j’ai montré du doigt une montagne lointaine.

« D’abord, regarde cette montagne avec ton œil gauche », ai-je dit.

« Je peux la voir clairement », a répondu Tarte.

« Bien. Maintenant, examine le grand arbre au sommet. Combien de branches partent du tronc ? Peux-tu me dire quelles sortes d’animaux se trouvent sur ces branches ? »

« Je ne peux pas voir ça. Je ne peux même pas voir l’arbre. »

Il aurait fallu des jumelles pour repérer quelque chose d’aussi loin.

« Ok. Essaie de faire la même chose avec ton œil droit. »

« Wow, c’est vraiment un grand arbre. Je peux même dire combien de branches il y a. C’est faible, mais je n’arrive pas à croire que je peux voir quelque chose d’aussi loin. Il y a seize branches. Seize ! Mais les petits animaux sur les branches sont flous, et je ne peux pas dire ce qu’ils sont. »

« Essaie de déverser du mana dans tes yeux avec un renforcement physique. Attention de ne pas le faire trop rapidement. Vas-y doucement et lentement. »

« Ah, je peux en voir plus maintenant. Il y a un écureuil, et aussi trois oiseaux que je n’ai jamais vus auparavant, et hmm… il y a aussi un longicorne. »

Tarte pouvait voir un insecte assis sur une branche à des kilomètres de là. Tel était le pouvoir des yeux de Tuatha Dé.

« C’est plus que suffisant. Tu peux voir autre chose ? »J’ai demandé.

« Après avoir renforcé mon œil avec du mana, on dirait maintenant qu’il y a des perles de lumière scintillantes autour de vous, Lady Dia, et autour de moi-même, » répondit Tarte.

« Ce que tu vois est du mana. Essaie de renforcer ton œil un peu plus. Si tu fais cela, tu seras capable de voir le mana qui habite le monde. »

« Ah, c’est magnifique. Cela doit être le mana dans l’atmosphère – le pouvoir du monde. Wooow, c’est si joli. Qui aurait cru que tout était aussi beau ? C’est ainsi que mon seigneur voit les choses ! »

Avec une expression d’extase sur le visage, Tarte a tourné sur elle-même, sa jupe flottant dans l’air.

« Il n’y a aucun problème avec ta vision à longue distance et ta capacité à voir le mana. Maintenant, le vrai test. Je vais tester ta capacité à voir les objets en mouvement. Tarte, rapproche-toi le plus possible du mur », ai-je ordonné.

« Comme ça ? »

« Parfait. Je vais lancer une balle, et je veux que tu l’attrapes. S’il te plaît, verse encore plus de mana dans ton œil. Rends-le plus fort. »

J’ai sorti un de mes outils d’assassinat. Il s’agissait d’une sphère blanche de la taille d’un poing, sans particularité. Après avoir griffonné quelque chose sur la petite sphère, je l’ai tenue en l’air.

Je me suis renforcé avec du mana. Tarte a pu voir cela, alors elle a fait la même chose et a versé encore plus de mana dans son œil.

Après avoir confirmé son renforcement physique, j’ai levé la balle au-dessus de ma tête et l’ai lancée. Comme je m’étais renforcé avec du mana, la balle a jailli de mes doigts à plus de deux cent quarante kilomètres par heure.

Sans surprise, Tarte l’a attrapé.

Attraper un objet qui se déplaçait si rapidement était sans aucun doute un exploit impressionnant, mais Tarte pouvait le faire même avant l’opération. Ce que je voulais confirmer était quelque chose d’autre.

« Wow, on va faire la fête ? ! Je suis si heureuse. »

« Bien, tu as réussi. Tu as maintenant ce que j’ai toujours voulu te donner : un œil qui peut voir à grande vitesse. »

« Hein ? Lugh, Tarte, qu’est-ce que tu veux dire par ‘fêter’ ? Personne n’a parlé de ça ! »dit Dia, ses yeux se baladant entre nous.

« J’ai écrit un message sur la balle », ai-je expliqué.

« Les mots étaient clairs comme le jour pour moi, même s’ils tournaient », a ajouté Tarte.

« Les yeux de Tuatha Dé sont étonnants. Je ne pouvais pas du tout voir ça », a admis Dia.

Il n’est pas surprenant que Dia n’ait pas pu lire la boule. Non seulement elle se déplaçait à plus de deux cent quarante kilomètres à l’heure, mais elle tournait aussi plus de cent fois par seconde. Lire un message sur un objet dans un tel état était impossible pour des yeux normaux.

« Nous devrions aller dans la capitale royale. Les choses sont chères là-bas, mais ça devrait aller tant qu’on n’y va pas trop souvent », ai-je dit.

La capitale royale était à deux heures de calèche de l’académie. Les prix étaient extrêmement élevés, mais la ville regorgeait de biens de la plus haute qualité que l’on puisse imaginer, et il n’y avait pas de meilleur endroit pour faire l’expérience du luxe.

« Oui, tu as raison. Nous allons en faire une célébration pour l’opération réussie de Tarte. Nous devrions nous amuser ! »s’exclame Dia.

« Je suis impatient d’avoir la chance d’étudier de nombreux aliments différents », a commenté M. Tarte.

J’aurais aimé que Tarte puisse tout oublier et s’amuser simplement pour une fois, mais j’ai aimé son côté sérieux.

« Seigneur Lugh, la réussite de l’intervention sur mon œil droit signifie que vous allez aussi opérer mon œil gauche, n’est-ce pas ? »a demandé Tarte.

« Oui, mais pour être prudents, nous allons attendre quelques jours. On retourne à l’école demain de toute façon. On devrait le faire la nuit avant notre prochaine pause. En attendant, je veux que tu portes ça. »J’ai tendu à Tarte quelque chose que j’avais gardé pour ce moment.

« C’est si petit et si clair. Qu’est-ce que c’est ? », a-t-elle demandé.

« C’est une lentille de contact. Si tu la portes sur ton œil gauche, il aura la même couleur que ton œil droit. Tout le monde serait surpris si l’un de tes yeux changeait soudainement de couleur », ai-je expliqué.

« Oh, c’est vrai. Je m’assurerai de la porter », a convenu Tarte.

« L’entraînement de demain sera probablement difficile, mais fais de ton mieux pour le surmonter. Une fois que tu te seras habitué à tes nouveaux yeux, tu deviendras plus forte que tu n’aurais jamais pu l’être auparavant », ai-je déclaré.

« Alors je pourrai vous soutenir mieux que jamais ! »conclut joyeusement Tarte.

« Tu pourras aussi mieux utiliser la magie du vent que je t’ai fabriquée… Il me faut une sorte d’arme secrète à moi aussi. Vous deux, vous allez me laisser dans la poussière », observe Dia.

Je venais juste d’enlever l’enveloppe de l’œil de Tarte, je devais donc y aller doucement aujourd’hui. Mais dès demain, je prévoyais de la soumettre à un entraînement au combat qui l’obligerait à s’adapter à son œil de Tuatha Dé. Toutes ces informations sensorielles supplémentaires allaient peser sur son cerveau. Il fallait du temps et de la pratique pour qu’elle s’y habitue.

« Ne vous inquiétez pas de ne pas dépenser trop d’argent à la capitale. J’ai préparé un budget spécial pour ce voyage », ai-je dit.

« Ooooh, alors allons chercher de l’alcool très cher », a suggéré Dia avec enthousiasme.

« Je vais commander du bœuf provenant d’une vache élevée spécifiquement pour être mangée. J’ai entendu des rumeurs sur ce type de bétail et j’ai toujours voulu en essayer au moins une fois dans ma vie. J’ai entendu dire que la viande de ces vaches est nettement plus tendre et plus savoureuse que celle des vaches qui travaillent dans les champs », ajoute Tarte.

Elles savaient toutes les deux que se retenir alors que je leur avais demandé de ne pas le faire serait impoli. On dirait qu’on va passer une bonne journée.

Je devais m’assurer que nous n’avions pas été suivis. Un fils de baron de bas étage qui s’adonne à la restauration haut de gamme dans la capitale royale pourrait lancer des rumeurs douteuses. J’ai décidé d’emmener les filles dans un bon restaurant qui offrait des chambres isolées pour protéger l’intimité des clients.

« Changeons-nous tous avant de partir. Nous allons dans un endroit chic, alors nous devons être élégants », ai-je dit.

« Je porterai la robe que vous m’avez achetée à Milteu, mon seigneur », a répondu Tarte.

« Oh oui, j’ai une robe qui va te captiver, Lugh, »répondit Dia.

J’ai hâte de voir leurs robes. Je suppose que je devrais me changer aussi.