Shadow Slave - Chapitre 2094
Chapitre 2094 – Fragments de la Guerre (31)
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Les Créatures du Cauchemar immobiles qui les entouraient n’étaient pas mortes…
Mais elles n’étaient pas vraiment vivantes non plus.
Aucune obscurité infâme n’imprégnait dorénavant leurs âmes, car les morts n’avaient pas d’âme. Mais quelque chose était là.
Une impression étrange, presque imperceptible, d’essence inconnue cachée au plus profond des carcasses imposantes, les liant comme les ficelles d’un marionnettiste.
Sunny sentit un frisson froid lui parcourir l’échine.
Ce sont… des pèlerins de la Reine.
Le siège du Grand Croisement fut une entreprise sanglante et ardue pour de nombreuses raisons, et les redoutables fortifications construites par l’Armée du Chant de l’autre côté du gouffre n’en étaient qu’une parmi d’autres.
Le terrain en était une autre, mais la question des frontières des Domaines était tout aussi importante.
Le Domaine de l’Épée et le Domaine du Chant s’affrontaient au-dessus du sombre gouffre, tout comme les deux grandes armées. Anvil contrôlait un côté du passage, tandis que Ki Song contrôlait l’autre. Par conséquent, les soldats attaquants devaient abandonner le soutien de leur Roi et entrer dans le Domaine hostile lorsqu’ils prenaient d’assaut la forteresse du Chant.
Les défenseurs, quant à eux, ne pouvaient pas librement contre-attaquer le camp de l’Armée de l’Épée, car ils devaient quitter le Domaine du Chant pour le faire.
C’était la raison pour laquelle les soldats de l’Armée de l’Épée pouvaient donner à leurs camarades tombés au combat un enterrement en bonne et due forme ici, dans le camp, au lieu de devoir détruire les corps immédiatement, ce qui expliquait pourquoi il n’y avait pas tant de gardes que cela pour surveiller l’hôpital de campagne.
La Reine ne pouvait pas ressusciter les morts en dehors de son Domaine. Elle ne pouvait même pas envoyer ses pèlerins à travers le gouffre…
Seulement, voilà, elle le pouvait.
Sunny regarda les carcasses de la Créature du Cauchemar en cachant son appréhension.
Comment diable…
Certaines de ces abominations avaient été tuées dans les Creux, tandis que la plupart étaient soit des esclaves de Maîtresse des Bêtes, soit des habitants des cendres.
C’est du moins ce que tout le monde pensait.
Mais il était clair pour Sunny que tout cela n’était qu’un stratagème. Toutes les Créatures du Cauchemar qui l’entouraient, à l’exception de celles des Creux, n’avaient pas été tuées par les soldats de l’Armée de l’Épée.
Au contraire, elles avaient été tuées par l’ennemi, transformées en marionnettes, envoyées au-delà du gouffre, puis sommées de faire mine d’être mortes après avoir subi suffisamment de dégâts pour que leur mort paraisse crédible.
Et maintenant, elles étaient toutes ici, au cœur du camp de l’Armée de l’Épée, à attendre… quelque chose. Sans que personne ne s’en rende compte.
Ces salauds ?!
Pendant un instant, Sunny ressentit une colère brûlante. Bien entendu… la différence entre un pèlerin et un cadavre était difficile à faire. Ils étaient vraiment morts, après tout. Mais quelqu’un, à tout le moins, avait dû remarquer que le Sortilège n’annonçait pas la mort après avoir porté un coup soi-disant fatal à ces créatures.
Certes, le champ de bataille était un endroit terrible et agité, de sorte que la plupart des soldats ne prêtaient pas beaucoup d’attention aux chuchotements du Sortilège pendant les terribles affrontements avec l’ennemi.
Et maintenant, que faire ?
S’efforçant de rester poli, Sunny se crispa intérieurement.
Il se sentait plus agacé que troublé, mais c’était tout de même un problème.
Maître Sunless était censé être faible et inoffensif, il pouvait donc au mieux tirer la sonnette d’alarme et révéler l’infiltration insidieuse… mais il devrait alors expliquer comment il avait réussi à détecter quelque chose que tant d’autres personnes n’avaient pas vu.
Et Sunny ne souhaitait vraiment pas partager le fait que ses yeux avaient hérité des merveilleuses capacités de Weaver, le Démon du Destin.
Ce n’est même pas le vrai problème.
Le vrai problème était l’intention de la Reine.
Bien sûr, une bande de puissants pèlerins pourrait faire quelques dégâts s’ils se déchaînaient dans les profondeurs du camp ennemi. Mais dans le grand ordre des choses, ces dégâts seraient insignifiants.
Alors pourquoi s’était-elle donnée tant de mal pour livrer ses marionnettes à l’entrepôt de matériaux de l’Armée de l’Épée ?
La réponse se trouvait juste devant Sunny.
C’était Sainte Tyris.
Elle avait dit qu’elle venait régulièrement ici à la recherche de matériaux appropriés pour armer les Échos volants. Sa présence ici était donc prévisible et pouvait être exploitée.
Les pèlerins n’avaient pas été envoyés ici pour saboter le camp de l’Armée de l’Épée.
Ils avaient été envoyés ici pour tuer Marée Céleste.
…Sunny venait de tomber dans un complot d’assassinat.
C’est pourquoi il devait la faire sortir immédiatement — tout en préservant sa façade de Maître inoffensif et sans prétention.
Merveilleux.
Remarquant un soupçon d’hésitation dans les yeux de Marée Céleste, Sunny afficha son sourire le plus charmant et dit agréablement :
« Je serai ravi de vous faire visiter ma collection, Dame Tyris. Je suis sûr que nous pourrons découvrir ensemble quelque chose… d’intéressant. »
Il ne savait pas quand les pèlerins allaient attaquer, aussi n’y avait-il pas de temps à perdre. Sainte Tyris avait déjà dit que ses recherches dans l’entrepôt de matériaux avaient été infructueuses — alors, avec un peu de chance, elle accepterait son offre.
…Cependant, à l’étonnement de Sunny, la réaction à sa suggestion très pragmatique ne fut pas du tout celle à laquelle il s’attendait.
L’un des Chevaliers de Valor qui se tenait derrière Sainte Tyris le regarda avec dédain, puis prononça à voix basse en serrant les dents :
« Méprisable… »
Un autre secoua la tête.
« Foutu coureur de jupons. »
En entendant ces mots, les guerriers du clan de la Plume Blanche le transpercèrent d’un regard furieux et chuchotèrent entre eux :
« Il veut donc offrir une visite privée à notre dame, hein ? »
« Les rumeurs sont donc vraies… Il est vraiment ce genre d’ordure. »
« Je vous ai dit que je l’avais vu embêter Dame Cassia en l’absence d’Étoile Changeante. Ah, j’ai vraiment envie d’effacer ce sourire sordide de son visage… »
Les yeux de Sunny s’écarquillèrent.
Le regard de Marée Céleste, quant à lui, devint encore plus froid qu’à l’accoutumée.
Il frémit.
« N-non… Je ne voulais pas… »
Sunny n’eut cependant pas l’occasion de terminer sa phrase.
Car à ce moment-là, les pèlerins se mirent en mouvement.
Tout ce qu’il put faire fut d’envoyer un cri mental à Cassie :
[Cassie ! Envoyez Nephis à l’entrepôt de matériaux du camp nord, tout de suite !]
L’instant d’après, Sainte Tyris déplaça son regard au-delà de lui, ses étranges pupilles verticales se transformant en deux étroites lentilles immobiles.
Puis, tendant la main vers l’avant, elle attrapa Sunny par l’épaule et le tira en arrière.
Quelque chose s’écrasa sur le plancher derrière lui, envoyant des éclats dans toutes les directions.
Marée Céleste protégea Sunny de l’ennemi et aboya :
« Ascendant Sunless, fuyez immédiatement ! Les autres, préparez-vous au combat ! »
Sa suite mit du temps à réagir, ne comprenant toujours pas ce qui se passait.
Mais les carcasses des puissantes Créatures de Cauchemar qui les entouraient étaient déjà en mouvement, se redressant pour lancer une attaque.
Les yeux de Sunny s’écarquillèrent, son visage devint aussi pâle que celui d’un fantôme.
Les pèlerins se jetaient sur Marée Céleste et ses gardes du corps de tous les côtés…
Il tâtonna un instant, puis se mit à courir.
Malheureusement, dans sa panique, Sunny se trompa de direction.
Pire que cela, il réussit même à trébucher sur ses propres pieds…
Il entra en collision avec Sainte Tyris, les envoyant tous deux au sol.
Alors qu’ils atterrissaient sur le plancher, Sunny se retrouvant allongé sur la Sainte hébétée, quelque chose de sombre et d’incroyablement pointu siffla au-dessus de sa tête.
« Oh, oh dieux ! D-désolé ! »
Il tenta maladroitement de s’extirper de la matriarche du clan de la Plume Blanche, mais fut projeté au sol lorsque quelque chose s’écrasa dans son dos.
« Aargh ! »
Heureusement, le coup ne semblait pas trop puissant… l’enchanteur maladroit resta en vie, à tout le moins. Un peu de sang s’écoulait de la blessure, mais pas beaucoup.
Sainte Tyris attrapa Sunny avant qu’il ne tombe sur elle… encore une fois… et le jeta sans cérémonie sur le côté, en direction de la boucherie — là où il n’y avait pas de Créatures du Cauchemar en mouvement, et où il avait donc le plus de chances de survivre.
Son épée s’étant enfin manifestée dans la réalité, elle trancha instantanément la griffe géante qui volait vers elle, et la sépara du membre chitineux.
Ses gardes du corps tenaient eux aussi leurs armes, se lançant dans la bataille.
Malheureusement, ils étaient en infériorité numérique et pris par surprise.
De son côté, Sunny venait, lui aussi, de terminer l’invocation d’une Mémoire.
À la surprise de ceux qui pouvaient le voir, il ne s’agissait pas d’une épée, d’une lance ou d’une arme quelconque.
Il s’agissait plutôt d’une magnifique cloche en argent.
Allongé sur le sol, l’enchanteur leva la main et fit sonner la cloche avec une expression horrifiée sur son beau visage.
…L’instant d’après, le toit de l’entrepôt de matériaux explosa, et une silhouette radieuse plongea dans la masse d’abominations comme une étoile, entourée d’un tourbillon de flammes blanches.
Peu après, les Chevaliers de Valor franchirent la porte de l’entrepôt, ayant suivi la mystérieuse et mélodieuse sonnerie.
La bataille fut féroce, mais brève.
En peu de temps, les pèlerins de la Reine qui s’étaient infiltrés dans le camp furent complètement anéantis.
***
À la fin de la journée, une rumeur stupéfiante se répandit dans la grande armée du Domaine de l’Épée.
La Reine des Vers avait envoyé des assassins pour éliminer Marée Céleste de la Plume Blanche… et il s’en était fallu de peu pour qu’ils ne réussissent pas à accomplir leur vilaine tâche.
Heureusement, Étoile Changeante arriva juste à temps pour sauver Sainte Tyris.
Mais ce n’était pas le plus étonnant…
Le plus étonnant, cependant, était que les assassins n’avaient échoué que grâce à un jeune enchanteur qui se trouvait à proximité de Marée Céleste à ce moment-là.
D’après les ouvriers qui avaient assisté à la scène, Maître Sunless — le Pourvoyeur de Mémoires des Gardiens du Feu et un infâme playboy — s’était courageusement jeté entre Sainte Tyris et les Créatures du Cauchemar qui l’attaquaient, la protégeant avec son propre corps d’une pluie de coups mortels.
Sa chair fut transpercée et son sang coula, mais grâce à cela, Marée Céleste resta indemne.
De plus, même en se vidant de son sang, l’enchanteur parvint à donner l’alerte. C’est pourquoi tout le monde dans le camp de siège du nord entendit le son mélodieux d’une cloche et que Dame Nephis parvint à arriver à temps.
Les soldats frémirent à l’idée de ce qui se serait passé si le courageux enchanteur n’avait pas été là.
La perte de Sainte Tyris aurait été un coup dévastateur pour toute l’armée. Après tout, ce n’était que grâce à elle que les soldats pouvaient se battre sans craindre de se transformer en cendres sous la lumière impitoyable du ciel blanc incandescent.
« Bon sang… J’avais tort à propos de ce Seigneur Sunless. »
« Vous savez, il faut être un homme singulier pour protéger un étranger de la mort avec son propre corps. »
« N’importe qui peut mourir inutilement, imbécile… c’est le fait qu’il ait réussi à appeler à l’aide et à sauver tout le monde qui est impressionnant. Voilà ce qu’est un Chevalier Commandant. »
« J’espère que ce bâtard va bien. Bien sûr qu’il va bien — Dame Nephis était là, après tout. »
« Oh, oui. J’ai entendu dire qu’elle l’avait guéri quelques instants avant qu’il ne décède… et aussi que la cloche enchantée était son cadeau, et qu’elle accourait chaque fois qu’il la faisait sonner… sacré veinard ! »
Les rumeurs continuèrent à se répandre, devenant de plus en plus exagérées à chaque fois.
Et c’est ainsi…
Que Sunny devint un héros de l’Armée de l’Épée.