Shadow Slave - Chapitre 1918
Chapitre 1918 – Accroître sa Force
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Les éclats d’âme faisaient partie de ceux que les ingénieurs avaient eu le temps de récupérer sur les cadavres des Créatures du Cauchemar lors de la dernière bataille. Cette tâche était suffisamment importante pour être accomplie même au milieu des affrontements les plus terribles… après tout, chaque soldat qui parvenait à saturer complètement son noyau d’âme augmentait la puissance de l’Armée du Chant.
Tamar avait depuis longtemps saturé le sien, aussi la part de leur cohorte était-elle divisée en trois entre Rain, Fleur et Ray.
Aujourd’hui, cela signifiait que Rain recevait une douzaine d’éclats. Les récompenses étaient distribuées en fonction de la contribution d’une cohorte, et la leur avait toujours été exemplaire… certes, dans une situation chaotique comme celle-ci, personne ne comptait les points — d’habitude, les centurions faisaient des rapports au commandement de la légion après la bataille, et l’attribution du butin était décidée plus tard. Mais leur centurion était mort, et la bataille n’était même pas encore terminée. Rain s’estimait donc chanceuse d’avoir reçu quoi que ce soit.
De plus, tous ces éclats étaient d’un Rang supérieur à celui de Rain. C’était une aubaine non négligeable.
Oubliant ses soucis pour quelques minutes, elle se concentra sur l’éclatement des cristaux scintillants dans son poing.
Quel résultat ! Elle n’avait même pas besoin d’utiliser le pommeau de son couteau pour les briser. Sa seule force Éveillée suffisait.
Je ne m’y habituerai jamais…
Un sourire égaré se fraya un chemin sur le visage de Rain.
Elle n’était pas une Éveillée depuis longtemps, et la nouveauté de posséder une force surhumaine n’avait pas encore perdu de son éclat. Elle aimait le sentiment d’être forte, d’être puissante… à vrai dire, c’était le sentiment d’impuissance qui lui avait donné le désir de s’engager sur le chemin de l’Ascension, il y a tant d’années, pour commencer.
Rain se souvenait encore parfaitement du jour où une Porte du Cauchemar s’était ouverte près de son école. La panique, les visages hébétés des élèves, les professeurs qui essayaient de paraître calmes devant les enfants, mais qui n’arrivaient pas à cacher leur peur.
Elle était censée mourir ce jour-là, très probablement. Mais par un coup du sort, elle avait survécu. Une guerrière Éveillée était apparue de nulle part au dernier moment, protégeant Rain de l’abomination qui s’élançait et la tuant d’un seul coup d’épée.
Les souvenirs de Rain concernant cette Éveillée étaient étrangement flous… enfin, ce n’était pas si surprenant, vu l’état de son esprit à ce moment-là. Elle se souvenait vaguement d’une gracieuse armure noire, d’une silhouette féminine, et d’une froide indifférence avec laquelle l’inconnue abattait les Créatures du Cauchemar les unes après les autres, sans en laisser passer une seule.
Au final, aucun élève n’était mort. Les professeurs avaient également survécu. Et Rain… Rain avait compris qu’elle ne voulait plus jamais se sentir aussi faible.
Pour ses parents, pour ses frères et sœurs, et pour elle-même.
Son chemin vers l’Éveil avait été long et brutal. Elle s’était souvent plainte et avait réprimandé son professeur pour ses caprices et ses exigences déraisonnables, se demandant pourquoi elle s’infligeait tout ce mal… mais elle n’avait jamais regretté sa décision de rechercher la force, et n’avait jamais regretté d’avoir accepté l’offre de son professeur.
Même si Rain mourait dans cette terre perdue, elle mourrait probablement en se félicitant d’avoir choisi la force plutôt que la faiblesse. La force… était un peu enivrante, comme une drogue douce.
Et avec chaque éclat d’âme qu’elle absorbait, Rain devenait plus forte.
L’amélioration était petite et progressive, mais perceptible… surtout maintenant qu’elle en avait déjà absorbé près de deux cents. Comme la plupart des Créatures du Cauchemar de Godgrave, si ce n’est toutes, étaient d’un Rang supérieur à celui de Rain, son noyau était censé être proche de la saturation. Il en allait probablement de même pour la plupart des guerriers Éveillés de l’Armée du Chant.
…Elle ne savait toujours pas comment faire l’Ascension sans l’aide du Sortilège, mais ce gain de puissance était le bienvenu.
« Pourquoi ce sourire stupide, Rani ? »
Écrasant le dernier éclat d’âme, Rain jeta un coup d’œil à Ray et lui fit un clin d’œil.
« Ça ? Oh, je suis juste contente d’être une archère. Comment le travail en première ligne te traite-t-il, garçon furtif ? »
Il serra les dents et siffla d’indignation :
« Hé ! C’est un coup bas ! »
Elle se contenta de rire.
Malheureusement, Rain n’avait pas ri longtemps lorsqu’un nouvel ordre arriva, mettant tout le camp en émoi.
« Rassemblement ! En formation ! Vite, vite, vite ! Dépêchez-vous ! »
Tamar soupira et se leva d’un bond, s’attelant à ramener leur centurie à l’ordre. Les soldats semblaient un peu désorientés, mais pas très surpris par cet ordre soudain — personne ne s’attendait à se reposer dans les Creux.
Mais pourquoi les ordres semblaient-ils si urgents ?
Ils ne tardèrent pas à le découvrir.
« Par les dieux morts… »
Au-dessus d’eux, des silhouettes de fourmis apparurent sur les grands ponts de lianes qui s’étendaient jusqu’à la surface, parcourant leur largeur tortueuse comme une marée. Les ingénieurs, qui avaient désespérément tenté de détruire leurs racines, poussèrent un juron et prirent leurs jambes à leur cou, laissant tomber leurs outils.
C’était une bonne décision — quelques secondes plus tard, la première Créature du Cauchemar tombait des hauteurs, son corps heurtant l’os ancien dans un claquement dégoûtant.
L’énorme bête poussa un cri d’agonie, puis se débattit faiblement, essayant de se relever. Bien que son corps soit terriblement endommagé, elle était encore en vie.
Une fraction de seconde plus tard, il y eut un autre claquement, puis un autre.
…Rendue folle par l’odeur des âmes humaines, la horde de Créatures du Cauchemar avait suivi le corps d’expédition dans les Creux.
Rain dérogea à sa règle et fixa le flot de silhouettes fourmillantes qui couvraient la surface des ponts de lianes, loin au-dessus.
Ses mains tremblèrent un peu.
Eh… merde.
En y réfléchissant bien, elle aurait peut-être dû choisir la faiblesse plutôt que la force !
C’est alors que le cri impérieux d’une des Sœurs de Sang la ramena à la réalité.
« Bougez-vous ! »
À peine reposée, l’Armée du Chant abandonna la sécurité relative de la zone éclairée et s’engagea dans l’obscurité des Creux.
Ils suivaient la trace de sang laissée par leur commandante, la Princesse Seishan.
Derrière eux, de plus en plus de Créatures du Cauchemar tombaient des hauteurs. Les plus rapides de ces abominations qui avaient réussi à rester sur les piliers de lianes étaient déjà à mi-chemin.
L’avenir s’annonçait sombre, à l’image de l’étendue peu lumineuse du grand Creux qui s’étendait devant eux.