Shadow Slave - Chapitre 1825
Chapitre 1825 – Au Bord de l’Abîme
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
L’orage enveloppait tout d’une obscurité impénétrable. Les coups de tonnerre rugissants résonnaient dans la plaine, et un déluge d’eau tombait du ciel, comme si les vannes célestes s’étaient brisées sous l’immense pression, condamnant le monde à la noyade.
De fréquents éclairs déchiraient les ténèbres, les remplaçant par une lumière aveuglante. Quelque part en contrebas, le bourdonnement de la chute d’eau colossale se mêlait au chant déchaîné de la tempête furieuse.
Rain se tenait au bord de l’abîme, regardant le ciel noir avec une expression de ressentiment.
Derrière elle, Tamar regardait la forme hideuse du Tyran qui les poursuivait.
Elles ne pouvaient fuir nulle part.
« Rani ! Le Tyran… »
Rain contempla le ciel, avant de prendre une profonde inspiration.
Puis, entourée par la tempête, elle s’assit sur le sol au bord de l’abîme. Croisant les jambes, elle posa les mains sur ses genoux et ferma les yeux.
Dans un éclair, sa silhouette tranquille paraissait incroyablement décalée.
Elle expira lentement.
Concentre-toi.
Rain se focalisa sur son âme. Une rivière radieuse coulait en elle, formant un tourbillon furieux. En son cœur, de magnifiques cristaux d’essence étaient tempérés par la pression écrasante.
Le chant mélodieux de son âme était plus fort que la tempête, et bien plus convaincant.
Elle n’entendait plus Tamar.
Forme. Choc. Éveil.
Rien d’autre ne comptait.
Derrière elle, Tamar regardait sa comparse mondaine avec désespoir. Constatant que Rani était assise au bord de l’abîme, immobile, elle resta un instant stupéfaite. Puis, une expression de culpabilité et de honte déforma son beau visage.
Elle supposa que son aînée avait complètement épuisé ses forces, tant physiques que mentales. C’était déjà un exploit incroyablement valeureux que d’avoir tenu aussi longtemps sans s’effondrer. Rani possédait assez de volonté et de conviction — ou peut-être d’entêtement — pour faire honte à la plupart des Éveillés.
Mais tout le monde avait ses limites.
« Rani… »
Tamar serra les dents.
Malgré le terrible déluge qui se déversait du ciel brisé, le Tyran ne semblait pas perdre leur odeur. Il se déplaçait lentement, la tête au ras du sol. D’innombrables mains soutenaient son poids, s’enfonçant profondément dans la boue.
Rain était entièrement concentrée sur son âme. Maintenant qu’elle n’avait plus à marcher ou à tirer la lourde civière, le contrôle qu’elle pouvait exercer sur son essence s’était accru. Le tourbillon radieux tournait encore plus vite, et la pression en son cœur avait davantage augmenté.
D’innombrables cristaux d’essence solide s’y trouvaient maintenant, chacun n’étant pas plus gros qu’un grain de sable. Ils se heurtaient les uns aux autres de façon chaotique, faisant ainsi trembler son âme. Ce tremblement n’arrivait que rarement, mais à présent, rien ne l’arrêtait. C’était comme si l’âme de Rain était au milieu d’un tremblement de terre.
Mais ce n’était pas suffisant. Pourtant, ce n’était pas…
Fusionnez !
Rain ne savait pas si son cri mental était un ordre, une demande ou une prière désespérée. C’était simplement sa volonté, exprimée dans un seul mot.
Et juste à ce moment, par coïncidence ou en réponse à son cri…
Deux des pierres précieuses rayonnantes entrèrent en collision. Mais cette fois, elles ne furent pas repoussées l’une par l’autre. Au contraire, elles se fissurèrent, puis…
Fusionnèrent.
Un sentiment de jubilation indescriptible envahit son cœur.
Enfin…
Après la première paire, c’était comme si un catalyseur invisible avait été ajouté à son âme, déclenchant une réaction en chaîne. De plus en plus de minuscules cristaux d’essence furent recouverts de fines fissures, avant de se fusionner entre eux. Les plus grosses pierres précieuses engloutirent les plus petites, ou se mêlèrent à celles de même taille.
Le processus était incroyablement violent, ressemblant à l’allumage catastrophique d’une bombe thermonucléaire. L’unification des cristaux d’essence rappelait à Rain la fusion nucléaire… le merveilleux processus qui permettait aux étoiles lointaines de brûler dans le ciel froid et vide.
Et c’était en effet comme si une étoile était en train de naître au centre de son âme.
La fusion des pierres précieuses produisait une lumière aveuglante. De la chaleur s’en dégageait également. Le cœur même de son âme s’était transformé en une mer lumineuse incandescente, si bien qu’elle ne sentait plus les cristaux isolés.
Le tourbillon d’essence était lentement absorbé par cette mer radieuse.
…Le noyau d’âme se forme.
En effet, caché dans la mer de lumière, un noyau d’âme était en train de se former dans son âme. Et ce noyau naissant… était comme un pont entre son âme et sa chair.
Rain avait l’impression qu’une étoile miniature brûlait au centre de sa poitrine — des vagues de chaleur en émanaient, atteignant progressivement son estomac vide et ses épaules lacérées, ainsi que ses bras et ses jambes torturés, puis ses mains et ses pieds endoloris.
Sous cette chaleur, ses os, ses muscles, ses organes et ses vaisseaux sanguins se reconstruisaient et se revitalisaient. Elle renaissait. Elle devenait plus forte, plus rapide, plus vigoureuse…
C’était euphorique.
À chaque seconde, sa transformation devenait plus profonde.
Au bout d’un certain temps, l’étoile qui brûlait dans sa poitrine finit par se refroidir. La mer lumineuse s’estompa, et d’elle…
Une sphère rayonnante apparut, brillant magnifiquement dans l’âme de Rain.
La chaleur fut remplacée par une froideur apaisante. Ce froid enveloppa son corps, éliminant toutes les douleurs et les malaises qui s’y étaient accumulés au cours des six derniers jours. Il remonta ensuite jusqu’à son esprit et l’apaisa.
Elle ouvrit lentement les yeux.
Est-ce que c’est cela… l’Éveil ?
Rain se sentait… puissante. Son corps était imprégné d’une force inouïe, d’une endurance étonnante et d’une vitalité sans limites. Ses sens étaient plus aiguisés. Même son esprit semblait être devenu plus vif, d’une manière ou d’une autre.
L’essence d’âme circulait librement dans son corps, s’infiltrant dans ses os et ses muscles. Elle semblait plus riche et plus sensible… presque palpable.
Le noyau d’âme était au cœur de tout cela, servant de pont entre le tangible et l’intangible.
Un sourire fatigué apparut sur le visage de Rain.
J’ai réussi !
Perdue dans les profondeurs d’une tempête furieuse, assise au bord d’un abîme sans fond, entourée de ténèbres et poursuivie par une abomination effroyable…
Le premier humain du monde réel venait de s’Éveiller sans endosser la malédiction du Sortilège du Cauchemar.