Chapitre 2034 – Les Amis Servent à Ça

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny fixa Cassie en silence.

Que voulait-elle dire, quelque chose d’étrange ?

Soudain, de nombreuses possibilités inquiétantes firent surface dans son esprit. Il y avait toutes sortes d’Attributs dans le monde, après tout… la malédiction mentale du Dévoreur d’Âmes avait également été assimilée à un Attribut, par exemple.

Rain n’était pas censée posséder trois Attributs, de prime abord. La [Marque des Ombres] venait de lui… le troisième Attribut était-il lui aussi extérieur à elle ?

Finalement, il haussa les épaules.

« Étrange ? Je veux dire, ce n’est pas pour rien qu’on la surnomme la folle de Ravenheart. Mais non, pas vraiment. Rain est… étonnamment normale. C’est plus ou moins la seule personne normale que je connaisse. »

Il fronça les sourcils.

« Qu’entendez-vous exactement par étrange ? »

Cassie réfléchit à sa réponse pendant un certain temps avant de prendre la parole.

« Je ne suis pas sûre moi-même… avez-vous vu des choses inexplicables se produire autour d’elle, ou des schémas d’événements étranges ? Comme des changements soudains de temps, des plantes qui se fanent ou fleurissent de façon inattendue, ou peut-être des Créatures du Cauchemar qui réagissent plus fortement que prévu à sa présence ? »

Sunny se gratta l’arrière de la tête.

Non, vraiment, de quoi parlait-elle ?

Il finit par répondre avec hésitation :

« Eh bien… en y pensant… une énorme tempête est apparue de nulle part quand elle s’est Éveillée. Pourquoi ? »

Cassie resta silencieuse un moment.

« Le troisième Attribut dont j’ai parlé est tout à fait inhabituel. Il me faudra plus de temps pour le comprendre réellement, mais ce que je sais, c’est que son âme est connectée au monde bien plus profondément que ne devrait l’être celle d’un simple Éveillé… ou peut-être est-ce l’inverse ? Ainsi, cette tempête n’est certainement pas le fruit d’une coïncidence ou d’une réaction à son Éveil inhabituel. C’était peut-être une façon pour le monde de réagir à l’intensité de ses émotions. »

Sunny cligna des yeux plusieurs fois.

« Cela ressemble un peu à… une présence ? »

Le monde avait une façon de répondre aux Saints.

Or, Rain n’était en aucun cas une Sainte.

Cassie acquiesça.

« En effet. Je soupçonne même que Rain a déjà une présence, comme le ferait un Transcendant — c’est juste que son âme est tellement plus faible que celle d’un Saint que nous n’avons pas encore senti sa présence. De même… je suspecte également qu’elle possède déjà un élément source. »

Elle resta silencieuse quelques instants, comme si elle doutait d’elle-même, puis ajouta d’un ton hésitant :

« Pour être honnête, j’ai l’impression que… tous les éléments sont son élément source ? Ou peut-être est-ce l’inverse. Une âme humaine peut-elle être un élément source ? Par tous les dieux… désolée, mais je suis vraiment confuse. Tout ce que je peux dire pour l’instant, c’est que son âme est très unique, profondément connectée au monde, et qu’elle présente inexplicablement des traits similaires à ceux d’un Transcendant bien qu’elle soit faible et entièrement contenue dans son corps, comme toute âme éveillée devrait l’être. »

Sunny la fixa en silence.

Et continua de la fixer davantage.

« …Peu importe à quel point vous êtes confuse, je le suis encore plus. »

Cassie gloussa, puis soupira.

« Ne vous inquiétez pas. Je trouverai bientôt la réponse… bien sûr, cela semble étrange, mais considérez d’autres Attributs innés. Je suis sûre qu’ils nous auraient semblé bizarres si nous les avions aperçus pour la première fois sans que le Sortilège ne nous fournisse une explication complète, pratique et concise. »

Sunny y réfléchit.

Eh bien, oui… s’il voyait les choses sous cet angle, les Attributs innés des personnes ayant des Aspects de Rangs supérieurs sembleraient assez bizarres de l’extérieur. Comme son propre [Destin] ou [Être Onirique] de Nephis.

En comparaison, l’étrangeté de l’âme de Rain semblait presque insignifiante.

Quoi qu’il en soit, pour l’instant, la seule chose qu’il pouvait faire était d’attendre que Cassie déchiffre la signification complète… et de s’inquiéter.

Une fois l’interprétation terminée, il pourrait enfin achever la Mémoire bracelet qu’il avait tissé pour Rain.

Elle serait alors prête à décider de ce qu’elle fera de son Défaut…

Soudain, Sunny sentit un frisson glacial lui parcourir l’échine.

Ses émotions pourraient affecter le temps, hein ?

C’était… un trait de caractère vraiment terrible à posséder, ici à Godgrave…

***

Rain ne se souvenait plus très bien comment elle avait retrouvé le chemin de sa tente après avoir été ramenée au camp de l’Armée du Chant.

Seulement, sa tente n’était plus là.

Le rite funéraire était terminé depuis longtemps, et l’armée se préparait à marcher. Quelqu’un de la cohorte — Tamar, très probablement — avait déjà démonté la tente de Rain. D’habitude, ils s’occupaient eux-mêmes de leur équipement, mais comme un membre de la cohorte était étrangement absent, elle l’avait fait pour gagner du temps.

En parlant de Tamar, la jeune Héritière se tenait près du feu de camp fumant, donnant les dernières instructions aux chefs des cohortes qui composaient la centurie.

Remarquant Rain, elle fronça les sourcils et les renvoya.

« Où étais-tu ? »

Rain regarda son amie d’un air engourdi, avant d’agiter la main d’un air dédaigneux.

« Je faisais juste un tour. Rien… d’important. »

D’habitude, ses mensonges étaient plus réfléchis et mieux joués, mais cette fois-ci, Tamar perçut facilement la tentative maladroite de tromperie.

Elle fronça les sourcils.

« Rani, qu’y a-t-il ? Tu vas bien ? »

Rain la regarda simplement, se demandant…

Pourrait-elle dire la vérité à Tamar ?

Certainement pas. Un Défaut était quelque chose que la plupart des Éveillés gardaient secret pour tout le monde — surtout un Défaut comme le sien, qui pouvait être fatal s’il tombait entre les mains d’un ennemi.

Mais d’un autre côté, comment pouvait-elle ne pas le dire à Tamar ?

Tamar était son amie, sa camarade et sa capitaine. Elles étaient toutes deux des soldates engagées dans une guerre meurtrière… Rain comptait sur Tamar pour la soutenir, et Tamar faisait de même.

Mais Rain ne pouvait plus protéger les arrières de Tamar. Comment pourrait-elle garder le secret ?

Elle se força à sourire.

« Écoute, Tamar… »

Comment allait-elle l’expliquer ?

Rain se déplaça maladroitement d’un pied à l’autre.

« J’ai réfléchi pendant un moment. Et j’ai décidé… de devenir pacifiste… »

C’était à la fois une bonne et une mauvaise explication.

La jeune Héritière la dévisagea d’un air sombre.

Elle haussa alors légèrement les sourcils.

« Tu as perdu la tête ? »

Merde, merde, merde…

Rain prit une grande inspiration.

Qu’était-elle censée dire d’autre ?

« Ah, et puis merde. En fait, j’ai trouvé mon Défaut. Je ne peux tuer personne, ni rien… pas même les Créatures du Cauchemar. Voilà ! Je l’ai dit ! »

Tamar se renfrogna.

Non, mais pourquoi fronçait-elle les sourcils et se renfrognait-elle autant ? Elle allait avoir des rides ! Gâcher ce visage serait une parodie !

Ne parvenant pas à se distraire avec ces pensées enfantines, Rain rassembla son courage et se prépara à l’inévitable réprimande.

Mais Tamar se contenta d’affirmer calmement :

« Et alors ? »

Rain cligna des yeux.

« Hein ? J’ai dit… »

Mais la jeune Héritière lui coupa l’herbe sous le pied.

« Oui, j’ai entendu ce que tu as dit. Et alors ? Si tu ne peux pas tuer les choses, ne les tue pas. Vise les yeux, les articulations des genoux, les bras armés et tout autre appendice qui ne semble pas vital. Avec tes talents d’archère prodigieuse, ça ne devrait pas être un problème, n’est-ce pas ? »

Rain la fixa silencieusement pendant un moment, puis dit lentement :

« …Oui. »

Tamar acquiesça sèchement.

« Alors fais ça. Je les tuerai pour toi. »

Ce disant, elle se retourna et s’éloigna pour préparer la centurie au départ.

Rain resta seul près du feu de camp, complètement abasourdie.

…Et complètement touchée.

Était-ce si simple ?

Finalement, un pâle sourire illumina son visage.

…Je les tuerai pour toi.

C’était probablement la chose la plus réconfortante qu’on lui ait jamais dite…