Chapitre 2005 – Force du Nombre

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

« …Qui m’en empêchera ? »

Cette simple phrase que Nephis avait prononcée cachait de nombreuses significations et avait beaucoup de poids.

Bien que très peu de personnes la connaissaient suffisamment pour comprendre la véritable portée de ces mots, ils étaient une proclamation de qui elle était — et de l’inflexibilité de sa volonté, également. C’était le défi qu’elle lançait au monde, l’appelant à venir essayer de l’arrêter… s’il l’osait.

Mais en même temps, il y avait une signification bien plus évidente à ce que Nephis avait dit.

Tout d’abord, elle laissait entendre que Seishan et les Saints du Chant n’avaient d’autre choix que de la combattre — car une fois que Nephis serait entrée dans la bataille et aurait déchaîné ses flammes sur l’Armée du Chant, ils seraient les seuls à pouvoir l’affronter.

Parallèlement, elle disait quelque chose d’autre à Seishan. Personne ne pouvait l’empêcher d’entrer dans la bataille… à l’exception de deux personnes.

Anvil de Valor et Ki Song, les Souverains de l’humanité.

En rejoignant la bataille, Nephis allait directement à l’encontre de leur volonté. Cependant, elle était si puissante que personne, à l’exception du donneur d’ordre ou de son adversaire, ne pouvait la punir de l’avoir enfreint.

Mais il faudrait pour cela que les Souverains interviennent personnellement, ce qui aggraverait considérablement la bataille et aboutirait inévitablement à un affrontement direct entre eux — car si l’un d’eux bougeait, l’autre ne resterait pas immobile.

Les deux Suprêmes, cependant, ne voulaient pas encore se battre l’un contre l’autre.

La raison en était que même si quelqu’un pouvait l’arrêter, personne ne le ferait.

Qu’elle pouvait briser la volonté des Souverains en toute impunité, et que personne ne pouvait rien y faire.

…C’était un message puissant à envoyer.

Mais pas un message malvenu, en ce qui concerne Seishan — pour une raison simple.

Ce que Nephis avait proposé — mettre fin à l’effusion de sang et décider de l’issue de la bataille par un affrontement entre les seuls Saints des deux armées — favorisait grandement le Domaine du Chant.

Le nombre de Saints dans l’Armée du Chant était bien plus élevé, après tout.

Ils avaient déjà un avantage à cet égard au tout début de la guerre, et ce dernier n’avait fait que croître après le départ de Morgan et la bataille du Lac Disparu.

La situation s’était davantage détériorée depuis.

Trois expéditions avaient été envoyées dans les profondeurs de Godgrave pour conquérir les Citadelles restantes. Revel et sa Première Légion Royale s’étaient enfoncées dans les ténèbres de l’Océan de l’Épine Dorsale, accompagnées de Voile-Lunaire… tandis qu’une expédition punitive était partie du camp de l’Armée de l’Épée pour les anéantir.

Compte tenu de la puissance des filles de Ki Song, cette expédition comptait sept Saints.

De plus, Chevalier de l’Été se dirigeait vers le sud avec deux Saints à ses côtés, tandis que la Reine des Vers avait renoncé à conquérir la Citadelle du Fémur, ne dépêchant donc personne.

En fin de compte…

L’Armée du Chant, qui n’avait perdu qu’un seul champion Transcendant depuis le début de la guerre, pouvait rassembler quarante-six Saints dans cette bataille. L’Armée de l’Épée, quant à elle, ne pouvait en rassembler que vingt-quatre… vingt-trois, en réalité, si l’on considère que Sainte Tyris était trop importante pour qu’Anvil prenne le risque de la perdre.

En somme… Seishan avait pas moins de deux fois plus de Saints que Nephis pour l’accompagner dans la bataille.

Quelle raison avait-elle de refuser ?

Ah… la journée va être longue.

Toujours enlacée à Rain comme une ombre, Sunny lui envoya un message mental :

[C’est ton signal pour te tirer de là.]

Sa sœur tressaillit, puis aida Tamar à se lever et s’éloigna précipitamment de l’endroit où Étoile Changeante et la Princesse Perdue du Chant se faisaient face.

Autour d’elle, les guerriers de l’Armée du Chant suivaient le mouvement, se retirant comme une marée. Un vaste espace s’ouvrait entre les deux armées en retraite, peint par le sang et jonché de cadavres mutilés.

Sunny poussa un soupir mental et reporta l’essentiel de son attention sur le Seigneur des Ombres.

Les combats au centre du front avaient peut-être cessé, mais sur les flancs, les Éveillés continuaient de s’affronter et de s’entretuer. Sunny se dirigea vers le flanc gauche, où les deux armées étaient en plein désarroi.

Son entrée fut bien moins spectaculaire que celle de Neph.

Sunny sortit simplement des ombres au milieu du carnage, silencieusement et sans attirer l’attention.

Soudain, une redoutable silhouette en armure d’onyx noire se dressa au milieu des soldats qui se battaient désespérément, les ténèbres se nichant dans l’abîme béant de ses yeux démoniaques.

Ses longs cheveux blancs — une particularité dès qu’il arborait l’un ou l’autre de ses masques — bougeaient légèrement dans le vent.

Quelques soldats le remarquèrent et s’éloignèrent en titubant d’effroi, certains tombant à terre. Mais ce fut tout.

Sunny soupira.

Non, ça ne va pas… ça ne va pas du tout…

Et tandis qu’il ruminait, les ombres du champ de bataille s’agitèrent.

Soudain, le monde trembla, et un imposant mur noir s’éleva du sol vers le ciel, projetant d’innombrables Éveillés dans les airs. Ce mur semblait fait d’obsidienne, sa surface était rugueuse et irrégulière, absorbant presque la lumière.

Le grand mur s’étendait sur plusieurs kilomètres, coupant en deux le flanc gauche du champ de bataille.

L’Armée de l’Épée était restée d’un côté du grand mur d’obsidienne, séparée de l’Armée du Chant par sa largeur ténébreuse.

Bien sûr, il restait des traînards de part et d’autre, mais personne n’était d’humeur à les envahir et à les abattre.

Tout comme au centre, auparavant, la bataille s’arrêta soudainement et brusquement. Tout le monde fixait l’immense étendue d’obsidienne noire, effrayé et choqué.

…Et Sunny aussi.

C’était une façon assez spectaculaire de laisser une forte impression.

Il hocha la tête en signe de satisfaction.

C’est beaucoup mieux.

C’est alors qu’un Maître de l’Armée de l’Épée le reconnut enfin.

Tombant à genoux, le jeune homme leva la tête avec des yeux tremblants d’admiration et de terreur.

« S-seigneur Shadow ! Monsieur ! »

Sunny le fixa en silence pendant quelques instants.

Eh bien… Que je sois damné.

C’était son vieil ami — le jeune Maître Tristan d’Aegis Rose. Le fils de Rivalen.

D’une manière ou d’une autre, cet imbécile était encore en vie.

Sunny sourit faiblement derrière son masque et détourna le regard.

« Retraite. Ordre du Roi. »

Le jeune Maître ouvrit grand les yeux, se courba et s’élança en criant des ordres.

Rapidement, l’Armée de l’Épée commença à reculer.

Sunny laissa le mur d’obsidienne s’effondrer en une marée d’ombres — cette fichue chose consommait trop d’essence — et regarda l’Armée du Chant battre en retraite. Les traînards se hâtaient déjà de rattraper leurs camarades qui battaient en retraite.

La véritable pagaille était sur le point de commencer.