Chapitre 1842 – Premier Sang

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Alors que Sunny observait le ciel, il entendit le bruit de pas légers derrière lui. Nephis s’approcha et s’arrêta à ses côtés, vêtue d’une armure en acier brillant.

Elle le regarda et sourit.

Malgré les nuages sinistres au-dessus de lui et l’immense armée qui marchait vers une guerre calamiteuse en dessous, il ne put s’empêcher de sentir son cœur s’emballer à la vue de ce sourire.

Sunny avait lu quelque part que les gens décrivaient souvent ce sentiment comme des « papillons dans le ventre ». L’image d’une nuée de Papillons Sombres déchirant les parois de son ventre lui semblait plus épouvantable que romantique, alors il doutait vraiment du sens littéraire de ces gens… mais, tout de même.

Même si un mois s’était écoulé depuis leur premier baiser, il ressentait encore de l’excitation à chaque fois qu’il la voyait. C’était étrange et déplacé de se sentir ainsi béni à la veille d’une guerre désastreuse. Mais c’était le cas.

La vie est ainsi faite qu’elle est étrange.

Un sourire apparut également sur son visage.

« Avez-vous assez de temps libre pour rendre visite à un humble enchanteur aujourd’hui, Dame Nephis ? »

Elle s’attarda un instant, puis haussa les épaules.

« J’ai peut-être un peu de temps… »

Ce disant, elle tourna la tête et regarda également le ciel.

« Êtes-vous inquiet à propos du soleil ? »

Sunny hocha lentement la tête.

« Je suis en effet un peu nerveux. Pensez-vous que les nuages tiendront jusqu’à l’atterrissage ? »

Nephis inspira profondément.

« Quelqu’un s’en assurera. En fait… elle devrait arriver d’un moment à l’autre. »

Sunny haussa les sourcils.

C’est alors qu’une étincelle subtile s’alluma dans ses yeux.

On entendit un battement d’ailes et une ombre immense s’abattit sur l’herbe émeraude.

Un instant plus tard, une femme se tenait devant eux. Elle était grande et mince, avec de longs cheveux qui tombaient comme une cascade d’or pâle. Sa posture était parfaitement droite et son visage froid était d’une beauté éblouissante.

La femme portait une armure d’acier légère, dont les épaulières et les cnémides étaient ornés de plumes stylisées. Le regard de ses yeux ambrés et sévères était perçant et lourd, et une cape blanche brodée de fils d’argent pendait dans son dos.

Sainte Tyris n’avait pas changé d’un iota.

Sunny était heureux de la voir… bien sûr, il cachait son bonheur derrière un masque de respectueuse méconnaissance.

Marée Céleste s’inclina légèrement.

« Dame Étoile Changeante. »

Nephis acquiesça.

« Sainte Tyris. »

Ces deux-là n’étaient pas très proches l’une de l’autre, mais elles entretenaient de bonnes relations depuis ce qui s’était passé lors de la Bataille du Crâne Noir. En fait, il n’y avait probablement aucun Saint parmi les vassaux du Clan Valor qui soit plus lié à Nephis que Marée Céleste.

Son clan était également différent de ce qu’il était auparavant. Son statut était encore loin d’être favorisé par le roi, mais maintenant que Roan était devenu un Transcendant, il y avait deux Saints parmi les membres du clan. Peu de familles Héritières pouvaient se vanter d’une telle chose, alors rien que pour ça, il était impossible d’ignorer ou d’opprimer la Plume Blanche.

Plus important encore, le statut de Marée Céleste montait en flèche maintenant que la guerre était imminente. Son pouvoir sur le vent et les nuages faisait d’elle l’une des personnes les plus précieuses de Godgrave… c’était une épée à double tranchant.

Elle était indispensable aux dirigeants du Domaine de l’Épée, et ils étaient donc obligés de la traiter avec gentillesse.

D’un autre côté, elle était l’une des principales cibles des forces du Domaine du Chant. Sunny était par conséquent plus qu’inquiet à son sujet.

Nephis, quant à elle, hocha sèchement la tête dans sa direction.

« Voici Maître Sunless. Un enchanteur employé par les Gardiens du Feu. »

Sainte Tyris le regarda sans expression, puis fronça un peu les sourcils.

« Maître Sunless… votre nom me dit quelque chose. Ah. Ma fille vous a-t-elle commandé une Mémoire ? »

Il s’inclina poliment.

« En effet, j’ai eu le privilège de répondre à une demande de l’Éveillée Telle. »

L’expression de Marée Céleste ne changea pas, mais il pouvait jurer que ses yeux étaient devenus un peu plus chauds.

« Je vois. Cette Mémoire sert bien mon mari. Votre compétence est digne d’éloges, Maître Sunless. »

Ce disant, elle sembla oublier son existence et regarda Nephis.

« La frontière du royaume est proche. Combien de temps faudra-t-il à l’Île d’Ivoire pour atteindre la zone cible ? »

Nephis répondit de manière neutre :

« Environ une heure, à vitesse maximale. Serez-vous capable de tenir aussi longtemps, s’il le faut ? »

Marée Céleste jeta un coup d’œil au ciel gris, s’attarda un instant, puis acquiesça.

« J’y parviendrai. Mais je ne pourrai rien faire d’autre. »

Le ciel en feu n’était pas la seule menace qui les attendait à Godgrave. C’était la plus grave, cependant, et tout le reste n’avait pas d’importance.

Nephis fit signe à Sainte Tyris de la suivre et se dirigea vers la Tour d’Ivoire.

« Nous nous occuperons du reste. Permettez-moi de vous guider… »

Alors qu’elles s’éloignaient, elle jeta un regard poignant à Sunny.

Il sourit et hocha subtilement la tête, lui disant de ne pas s’inquiéter pour lui. En tant que Maître Sunless, il n’était pas censé participer aux batailles — il ne pouvait donc qu’observer aujourd’hui. C’était une situation étrange, mais il ne pouvait pas se plaindre.

De toute façon, il y aurait beaucoup de batailles à mener d’ici peu… peut-être plus qu’il ne pouvait en supporter, même avec ses sept corps.

Lâchant un lourd soupir, Sunny se tourna vers le bord de l’île et regarda vers le bas.

À un moment donné, la porte de la Mimique Merveilleuse s’ouvrit, et Aiko en sortit, baillant en regardant autour d’elle avec des yeux endormis.

L’apercevant, la petite fille quitta le porche et survola le cottage, pour finalement atterrir sur l’herbe près du bord de l’île.

Elle baissa les yeux et fit la grimace.

« Bon sang, patron. Il y en a tellement. Tellement de clients potentiels ! »

Sunny lui jeta un regard noir.

« Couvre tes bras. »

Malgré la gravité de la situation, Aiko portait des vêtements banals — et même pas formels. Son t-shirt noir était imprimé d’une sorte de Créatures du Cauchemar, avec un nom de groupe écrit au-dessus en lettres grasses… ce qui n’était pas vraiment un problème, si ce n’est que le tatouage complexe d’un serpent qui s’enroulait autour de son bras droit était presque entièrement dévoilé.

Elle eut un sourire penaud et invoqua une tunique verte.

Sunny hésita, puis dit doucement :

« Es-tu sûre de ne pas vouloir que je t’emmène dans le monde réel ? »

Aiko leva les yeux vers lui et cligna plusieurs fois des yeux.

« Et manquer tout le plaisir… Je veux dire, rater un événement aussi historique ? Non, merci. En plus, je les connais bien. Ne vous inquiétez pas, patron, ils s’en sortiront, ils ont survécu à pire. »

Il la fixa quelques instants, se demandant si elle changerait d’avis après avoir vu Godgrave.

Finalement, il ne dit rien. Ensemble, ils regardèrent l’épaule du squelette colossal se rapprocher de plus en plus.

L’Île d’Ivoire accéléra, laissant l’armée montante loin derrière. Rapidement, le ciel fut entièrement caché par un voile nuageux, l’air se réchauffa et la lumière du jour changea subtilement.

Ils se dirigeaient vers la clavicule de la divinité morte, où le camp de base de l’Armée de l’Épée était censé être établi. Et eux — les Gardiens du Feu — étaient censés être l’avant-garde de l’invasion humaine à Godgrave.

Leur tâche ne consistait pas seulement à éliminer les Créatures du Cauchemar qui peuplaient la région et à servir de rempart pour protéger la lente avancée de l’armée le long du bras du titanesque squelette. Ce qu’ils devaient faire était bien plus important.

Il s’agissait d’apporter l’autorité du Roi des Épées, et la puissance de son Domaine, à cette terre maudite.

Très vite, la vaste étendue de l’ancienne clavicule s’étendit sous leurs pieds.

Le sol était blanc, mais on n’en voyait presque rien sous l’épais tapis de végétation écarlate. La mousse, l’herbe et les plantes grotesques étaient toutes rouges, comme si de la moelle sanguinolente avait explosé dans les fissures de l’os ancien.

Bien sûr, la jungle vermillon grouillait de toutes sortes de créatures abominables, qui se déplaçaient et se dévoraient dans une course folle pour vivre et se développer dans le temps inconnu, mais inévitablement fugace, avant que le voile nuageux ne se brise et que le soleil impitoyable ne les réduise toutes en cendres.

À un stade aussi avancé de l’infestation, la surface de la clavicule du dieu mort n’était pas beaucoup plus sûre que l’étendue sombre des Creux, où vivaient les véritables horreurs. Les étranges Créatures du Cauchemar peuplant Godgrave auraient eu assez de temps pour devenir immensément fortes, atteignant en masse le rang Corrompu ou Supérieur.

Les plus fortes d’entre elles s’étaient déjà retirées sous terre pour tenter de se faire une place à l’abri des cieux annihilants, mais il en restait encore beaucoup.

Et maintenant, toute leur attention était tournée vers la belle île qui dérivait sous les nuages.

D’ordinaire, ces abominations n’auraient ressenti que de la peur en regardant le terrible ciel. Mais aujourd’hui, peut-être pour la première fois depuis d’innombrables années, elles ressentaient quelque chose d’autre.

Une faim si profonde qu’elle les poussait à la frénésie.

Immédiatement, la jungle écarlate sembla… bouillir.

De nombreuses abominations se précipitèrent en direction de l’île descendante comme une marée morbide. La plupart d’entre elles couraient, glissaient ou rampaient, mais certaines étaient capables de s’élever dans les airs.

Un vaste essaim de Créatures du Cauchemar s’éleva du sol à la rencontre de l’Île d’Ivoire. La Citadelle volante semblait vouée à être engloutie par la nuée de Créatures de Cauchemar.

Mais un changement imperceptible se répandit dans le monde.

Les yeux de Sunny se rétrécirent lorsqu’il reconnut cette sensation familière.

Un autre Composant de la Tour d’Ivoire se déchaîna, et soudain, ce fut comme si une onde de force invisible s’était abattue sur les abominations qui s’élevaient, les projetant au sol ou oblitérant carrément leurs corps hideux. Le sang se répandit dans le ciel comme une pluie cramoisie.

Le tyrannique Écrasement était arrivé à Godgrave, fauchant d’innombrables vies lors du premier abattage de la grande Guerre des Domaines.