Chapitre 1838 – Palais de l’Imagination

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Très vite, une marée d’ombres engloutit le Labyrinthe des Miroirs, et ils poursuivirent leur exploration méticuleuse.

Sunny n’espérait pas vraiment révéler le secret du labyrinthe ce soir. En fait, il commençait à se douter qu’il ne parviendrait jamais à en atteindre le cœur de cette façon — tout simplement parce que ce qu’il faisait était intrinsèquement mauvais.

Il était impossible d’atteindre le Tombeau d’Ariel, quelle que soit la durée de la marche dans le Désert du Cauchemar… du moins pendant la journée. Il pensait que le seul moyen d’approcher la grande pyramide était de braver la mer de dunes la nuit, lorsque c’était le plus dangereux.

Pareillement, il devait y avoir une astuce pour traverser le Labyrinthe des Miroirs. Peut-être qu’en noyant le labyrinthe d’ombres et en neutralisant ses murs de miroirs, Sunny s’empêchait de progresser.

Il soupira.

Derrière lui, Cassie hésita quelques instants, puis dit doucement :

« Cette fille du Domaine du Chant… »

Sunny jeta un coup d’œil en arrière avec une expression neutre, sachant ce qu’elle voulait, mais ne pouvant pas le demander.

« …C’est quelqu’un de précieux. »

La voyante aveugle resta silencieuse un moment.

Finalement, elle sourit et dit avec une pointe d’étonnement dans la voix :

« C’est drôle, n’est-ce pas ? Le monde entier est figé dans la peur et l’anticipation d’une grande guerre qui façonnera l’histoire. Et pourtant, personne n’est conscient que quelque chose de tout aussi important s’est produit dans les étendues sauvages et désolées du Royaume des Rêves, sans autre témoin qu’une jeune Héritière, vous et moi. Un humain du monde réel s’Éveillant sans être maudit par le Sortilège du Cauchemar. Votre accomplissement… est remarquable. »

Un pâle sourire apparut également sur les lèvres de Sunny.

« Drôle ? C’est un peu drôle, je suppose. »

Elle resta silencieuse quelques instants, avant d’ajouter :

« Cependant, cette réussite ne peut devenir importante qu’à l’avenir. Elle ne pourra faire la différence que dans le futur. Pour l’instant, c’est à des gens comme nous — vous, moi et Nephis — de faire en sorte qu’il y ait un avenir pour que des gens comme elle puissent entrer dans l’histoire. »

Son sourire se fit un peu plus doux-amer.

« En fait, s’il y a un avenir… j’espère que ce que nous avons fait sera pratiquement oublié, et qu’on ne se souviendra que de ce qu’ils ont fait. Un tel souhait est assez ironique de la part de quelqu’un comme moi, n’est-ce pas ? »

Cassie s’esclaffa.

« C’est vrai… surtout lorsqu’il est exprimé par quelqu’un comme moi. Mais je dois dire que je doute qu’il y ait quelqu’un comme vous ou moi dans le monde. Ou qu’il y en ait encore un jour. »

Sunny ne put s’empêcher de rire doucement.

« Par tous les dieux. J’espère que non. »

Ce serait bien triste si quelqu’un dans le futur devait souffrir comme lui, et était forcé de faire les mêmes choses terribles qu’il avait faites ou qu’il devait encore faire.

C’est alors qu’ils prirent un autre virage… et se figèrent.

Ses yeux s’écarquillèrent.

…Que je sois damné.

Sunny ne s’attendait pas à découvrir quoi que ce soit dans le Labyrinthe des Miroirs ce soir, mais, contre toute attente… il le fit.

Devant eux, l’étroit couloir s’ouvrait sur un vaste hall. Les murs de miroirs qui les oppressaient se dilatèrent, disparaissant au loin. Le sol de la salle souterraine descendait en pente comme une cuvette, et le plafond était hors de vue.

Le hall sphérique était si vaste que Sunny ne pouvait en voir l’autre extrémité. En fait, il ne voyait rien, comme si quelque chose obscurcissait sa vision. Son sens de l’ombre était également supprimé.

Tout ce qu’il pouvait ressentir, c’était que le hall était énorme, ancien… et dangereux.

L’instinct de Sunny lui hurlait qu’il devait battre en retraite. Ce sentiment de danger lui rappelait les pires horreurs qu’il avait vécues dans sa vie.

…Puis, il y eut un bruit dans l’obscurité.

Refroidi jusqu’à l’os, Sunny baissa les yeux et sentit quelque chose qui n’avait aucun sens, mais qui l’emplit d’un sentiment de terreur.

Une vague d’eau froide roula sur le sol et lécha ses bottes, des morceaux de glace dérivant dans l’écume, puis se retira… comme s’il se tenait sur le rivage d’un océan glacial.

C’est alors qu’il y eut un autre bruit.

Le bruissement d’innombrables feuilles et le craquement d’énormes branches.

Des volutes de brume dérivaient dans l’obscurité, frôlant sa peau comme des vrilles froides.

L’odeur épouvantable des faubourgs lui assaillit le nez.

Avant que quoi que ce soit ne se produise, Sunny attrapa Cassie et la ramena dans le couloir. Puis, sentant que ce n’était pas suffisant, il traversa les ombres et les ramena dans la chambre en pierre.

Lâchant la voyante aveugle, il s’appuya lourdement sur le mur.

Il retrouva la vue. Tous deux étaient d’une pâleur mortelle et tremblaient.

« Qu’est-ce… qu’est-ce que c’était que ça ? »

La voix de Cassie était étouffée.

Sunny se força à se calmer et laissa échapper un rire étouffé.

Effrayer deux Saints n’était pas chose aisée, et pourtant, ils le furent.

« Le Démon de l’Imagination… bon sang. »

Cassie haussa les sourcils.

« Que voulez-vous dire ? »

Sunny se redressa lentement et remit ses cheveux en place.

« Ce château a été créé par le Démon de l’Imagination, non ? Il doit donc rester des traces de son pouvoir ici. Les miroirs sont l’une de ces reliques. Le hall que nous avons trouvé… Je crois que c’en est une autre. »

La voyante aveugle fronça les sourcils.

« L’eau glacée, le bruissement d’innombrables feuilles, la brume… quel est le rapport avec le Démon de l’Imagination ? »

Sunny secoua lentement la tête.

« Rien du tout. Mais… lorsque nous sommes entrés dans le hall, j’ai ressenti un sentiment de danger, et je n’ai pas pu m’empêcher de me souvenir de certaines des rencontres les plus pénibles de ma vie. Alors… »

Il hésita quelques instants, peinant à croire à la théorie qui s’était formée dans son esprit.

Finalement, Sunny termina sa pensée à voix basse :

« Et donc, le hall les a rendus réels. »

Le visage de Cassie pâlit.

« Vous… vous voulez dire que cet endroit peut faire de ce que nous craignons une réalité ? »

Sunny s’attarda un moment, puis secoua à nouveau la tête.

« Non… si j’ai raison, alors ce n’est pas ce que nous craignons. »

Il frissonna, puis ajouta d’un ton sombre :

« C’est ce que nous imaginons. »

En y repensant, il a dû devenir aveugle à cause de Cassie.

Maudits daemons…

Pourquoi devaient-ils être tous plus effrayants les uns que les autres ?

Cassie sembla, elle aussi, un peu choquée par sa suggestion.

Elle hésita un moment, puis demanda d’une petite voix :

« Alors, voulez-vous… essayer à nouveau ? Il y a encore du temps avant l’aube… »

Sunny rit.

« Vous êtes folle ? Imaginez ce qui se cache là, dans nos têtes. Ne parlons même pas du fait que l’un d’entre nous pourrait accidentellement penser à se faire couper les membres ou à se faire peler la peau. Pouvez-vous contrôler complètement vos pensées ? Et si vous imaginiez le Tyran Maudit, Condamnation ? Et si vous pensez au Dieu Oublié ? »

Il prit une grande inspiration.

« Je savais qu’il y aurait une sorte de défi au cœur du Labyrinthe des Miroirs. Mais ça… ça dépasse tout ce que j’avais imaginé. C’est un jeu de mots. Conquérir ce hall est une tâche mortelle, même pour nous. Non… surtout pour nous. Parce que nous en avons trop vu, et que nous nous souvenons de trop de choses. »

Ce n’était certainement pas quelque chose qui pouvait être accompli en un jour.

S’il voulait atteindre le cœur du Hall de l’Imagination… il devait se préparer minutieusement.

…Malheureusement, il n’avait pas le temps.

Sunny regarda la porte de la chambre en pierre avec regret, puis soupira.

« Ce n’est pas grave. J’avais un petit espoir de trouver ce que je cherche ici avant la guerre, mais je pourrai aussi le trouver après notre victoire. D’ici là, il n’y aura plus de Roi des Épées ni de Clan Valor. Je n’aurai plus besoin de me cacher dans l’obscurité et de venir ici une fois par mois. Alors… je reviendrai dans cet endroit sinistre. »

Là-dessus, Sunny tendit la main à Cassie et la força à sourire.

« Partons, pour l’instant. J’ai beaucoup de choses à faire dans les prochains jours. »

C’était vrai. Parce que ces derniers…

Seraient les derniers jours de paix.