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Chapitre 113 – La Princesse Élodie

 

Traducteur : _Snow_

Team : World Novel

 

Les exploits de la princesse Elsa dans le Royaume de l’Est furent le prochain résumé historique que trouvèrent les yeux bruns et étroits d’Elmer.

Celui-ci était beaucoup plus court que celui qui avait été rédigé pour la princesse Aria, et c’était compréhensible, puisque comparé à la façon dont sa sœur aînée avait fini, Elsa avait vécu pour raconter sa propre histoire. C’est pourquoi elle avait veillé à ce que les spéculations ne circulent pas et à ce que les récits de son voyage soient brefs.

Pourtant, sa vie dans le Royaume de l’Est n’avait pas été une partie de plaisir.

Elle n’était qu’une jeune fille de seize ans à peine, et on l’avait envoyée dans un royaume si différent du sien. Un royaume qui bloquait l’éclat du soleil, comparé au sien où les papillons dansaient toujours sur les pétales des fleurs, et où la chaleur descendait constamment du ciel.

Vivre dans un tel endroit avait tellement altéré son esprit que lorsqu’elle était retournée chez elle, elle ne se réjouissait plus de la beauté du monde comme elle en avait l’habitude.

De la belle fleur de rose qu’elle était avant le voyage, elle s’était brusquement transformée en une vulgaire aubépine qui piquait quiconque osait s’approcher d’elle.

Mais ce changement n’était pas seulement dû à l’état du royaume où elle avait été envoyée.

Non, c’était bien plus que cela.

La princesse Elsa s’était comportée comme une paysanne orpheline lorsqu’elle était arrivée dans les faubourgs du Royaume de l’Est. Elle y avait rencontré un pauvre porcher, en particulier un nain chauve qui avait largement dépassé l’âge de la virilité et dont le dos douloureux l’empêchait d’exercer ses fonctions comme il le faisait auparavant.

Mais elle ne s’approcha du vieil homme faible qu’après l’avoir étudié pendant une semaine – tout en survivant avec la nourriture et l’eau qu’elle avait emportées pendant son voyage, y compris en dormant sur les branches d’arbres desséchés en raison du manque de lumière du soleil.

Elsa avait remarqué que l’homme n’avait pas de famille pour subvenir à ses besoins, et qu’il n’avait pas non plus les moyens de se payer un ouvrier pour assumer un tel rôle, alors elle lui avait proposé un marché :

« Prends-moi comme fille, offre-moi un endroit où dormir, et je prendrai soin de toi et accomplirai tes maigres tâches ».

Elle avait également mentionné qu’elle se rendrait chaque jour dans la principale ville du royaume, où se trouvait le Château des Corbeaux, et qu’elle ramènerait pour lui les acheteurs de ses porcins. Et pour tout cela, il n’avait qu’à lui donner un endroit où dormir et un feu pour se réchauffer. Elle n’accepterait aucun paiement, mais prendrait de la nourriture et de l’eau si on lui en offrait.

L’homme, qui se faisait appeler : Rav, n’avait pas pris de décision immédiate. Pendant qu’il réfléchissait, il ne renvoya pas Elsa dans les bois sombres, mais lui offrit de bon cœur de dormir dans sa petite maison délabrée.

Peut-être avait-il fait cela pour l’étudier ? Elsa ne le savait pas et s’en fichait. Tout ce qu’elle voulait, c’était dormir sur quelque chose qui ne soit pas une branche d’arbre pour une fois.

Ce n’est qu’au bout de cinq jours, après que la jeune princesse de seize ans se soit rendue dans les bois pour trouver sa propre nourriture – son expérience des expéditions de chasse de son père lui ayant été d’un grand secours – que Rav finit par céder à sa demande.

Il l’accueillit officiellement comme sa fille.

Elle commença à s’occuper de ses cochons, de sa maison et même de son bien-être, comme elle le lui avait promis. Et chaque fois qu’elle s’aventurait dans une grande ville du royaume, elle faisait de son mieux pour recueillir autant d’informations que possible sur la disposition des murs et des remparts du royaume auprès des marchands avec lesquels elle commerçait ; parfois même auprès de gardes ivres lorsqu’ils avaient trop bu de bière dans les tavernes.

Les informations qu’elle recherchait n’arrivaient jamais sans leur lot d’harcèlement ; après tout, c’était une jeune femme d’une beauté frappante. Cependant, depuis qu’elle avait perdu sa réputation de princesse, les harcèlements ne duraient jamais trop longtemps avant que les personnes concernées ne souffrent de douleurs ou de quelque chose de semblable au-dessous de la ceinture.

Les marchands et les gardes concernés la dévisageaient avec mépris. Mais, quoi qu’il en soit, ils n’empêchaient pas Rav de faire des affaires. En fait, un jour, c’était devenu une bénédiction déguisée. Après avoir envoyé son genou dans l’entrejambe d’un marchand, elle s’était retrouvée en contact avec une personne plutôt singulière et s’était échappée de sa colère.

Cette personne singulière avait été trouvée dans le Jardin des Larmes, un jardin orné d’innombrables branches arquées de fleurs en forme de cœur portant une minuscule larme à la base de leur floraison. Des fleurs connues pour leur capacité à survivre sans soleil, et d’ailleurs connues sous le nom de ‘cœur saignant’.

Le jardin était situé à gauche du Château des Corbeaux, juste à l’extérieur de la poterne cachée qui menait au sépulcre royal. En bref, c’était un endroit sur lequel Elsa n’aurait jamais dû tomber.

Mais ses pieds l’y avaient conduite malgré tout, et la personne singulière qu’elle avait trouvée dans le Jardin des Larmes n’était autre que l’enfant unique du roi du royaume du Sud, le roi Brumry Lancaster.

Elle en était arrivée à cette conclusion grâce à une information singulière que tous ceux qui avaient des oreilles pour écouter les ragots dans le royaume connaissaient : la princesse Elodie, âgée de douze ans, était tombée malade de la même maladie que celle qui avait frappé sa mère. La vilaine variole.

Trouver une poterne menant au château est un exploit fascinant pour Elsa, mais cela ne remplit pas son cœur d’autant de joie que de tomber sur la princesse et unique enfant du roi du royaume. De plus, la petie fille était seule.

Elsa prit alors une décision. Elle comprit qu’elle devait se lier d’amitié avec la petite princesse.

Et c’est ce qu’elle fait en abordant la princesse Elodie, profitant de la solitude évidente de la jeune princesse face à son sort pour se dépeindre comme la sale paysanne qui a rencontré beaucoup de maladies et n’en craint aucune.

Ses paroles aidèrent la petite princesse à s’ouvrir à elle, et c’est ainsi qu’elle apprit qu’Elodie se faufilait toujours hors du château sans ses gardes car elle avait l’impression qu’ils la méprisaient et se protégeaient constamment de peur qu’ils n’attrapent un jour de ce qu’elle avait.

Elsa, qui savait bien s’exprimer avec les mots, fit croire à la princesse que ses pensées n’étaient pas vraies et qu’elle était aimée comme n’importe qui d’autre. Elle lui promit également de continuer à lui rendre visite et d’être son amie jusqu’à ce que les médecins royaux aient enfin trouvé un remède à la maladie qui avait tué sa mère.

C’est ainsi qu’avait commencé leur amitié. Une amitié réelle pour l’une, une amitié manipulatrice pour l’autre.

Chaque soir, déterminé par l’apparition des étoiles dans le ciel noir pour rejoindre la lune silencieuse, Elsa rendait visite à Elodie dans le Jardin des Larmes, et elles jouaient et s’amusaient.

Lentement, mais sûrement, elle convainquit Elodie de l’emmener dans le château. Et chaque fois qu’elle s’y aventurait, elle en étudiait le plan, le consignant sur un parchemin chaque fois qu’elle revenait à la chaumière de Rev.

Se connaissant de mieux en mieux, Elodie commença à nourrir Elsa de connaissances sur le royaume, cette dernière ayant pris la prétention d’être dépourvue de savoir puisqu’elle était paysanne.

Et finalement, cette petite éducation devint énorme lorsqu’Elsa apprit les procédés de reproduction de la famille royale. Cela la rendit malade, mais en même temps, elle eut pitié de la princesse Elodie qui croyait que sa maladie était une sorte de punition pour ce que ses ancêtres avaient fait.

La jeune princesse ignorait la gravité des traditions de sa famille jusqu’à ce qu’elle surprenne les gardes royaux engagés dans une discussion délicate.

Sa famille – la famille royale du royaume du Sud – pratiquait la consanguinité. Selon une tradition transmise dans sa maison, le roi et la reine étaient toujours frères et sœurs, et les enfants qu’ils avaient eus de leurs rapports sexuels profanes seraient les prochains roi et reine.

À cela s’ajoutait une autre règle : une fois qu’un garçon et une fille avaient été mis au monde, aucun autre enfant ne devait venir au monde.

S’il fallait d’innombrables tentatives pour faire naître un garçon, la fille aînée devait être la seule à rester en vie. Toutes les filles qui viendraient après elle devraient être tuées dès leur naissance, car seul un garçon était nécessaire. Une fois qu’un garçon était né, la reine fermait son utérus afin de ne plus être fécondée. Si la naissance d’un garçon n’avait pas eu lieu avant que la reine ne meure ou ne soit plus en mesure d’accoucher, le roi est tenu de mettre sa fille au lit, et il en va de même pour la reine si c’est l’inverse.

La mère de la princesse Elodie étant tombée malade et étant morte quelques jours après sa naissance, elle s’était déjà préparée depuis longtemps à être engrossé par son propre père dès qu’elle aurait atteint l’âge adulte. Mais c’est alors que survient la maladie.

Elodie avait expliqué à Elsa que cette tradition avait été instaurée afin de préserver la pureté du sang des Lancaster et d’éviter une guerre entre frères et sœurs pour le trône. Mais avec l’arrivée de sa maladie, la fin de sa lignée était en vue, à moins que les concoctions des médecins royaux ne fassent un miracle qu’ils n’ont pas pu faire pour sa mère.

Son père, le roi Brumry, ne cessait de prier le ciel, le Créateur de tout, mais aucune réponse ne lui parvenait. C’est pourquoi il commençait à sombrer chaque jour un peu plus dans la dépression.

Il ne voulait pas être le premier à aller à l’encontre de la tradition des Lancaster et à invoquer la colère des esprits de ses ancêtres, alors il fit de son mieux pour ne pas chercher à avoir un enfant auprès d’une autre femme.

En raison des pratiques de la famille Lancaster, le nombre de membres de la famille royale n’a jamais dépassé quatre, et chaque fois que c’était le cas, ils étaient immédiatement éliminés. Cela signifie qu’il n’y a pas de parents éloignés que le roi Brumry puisse rechercher. Il n’y avait personne d’autre que sa propre fille malade.

Le récit d’Elodie avait tellement dégoûté Elsa qu’elle s’était surprise à vouloir garder Elodie en vie.

Et c’est ce qu’elle tenta de faire le jour où elle arriva à Aflorere après la conquête du Royaume de l’Est, emmenant avec elle la princesse orpheline abasourdie : Elodie, ainsi que son père adoptif : Rev, sous prétexte de « butin de guerre ».

Mais bien qu’elle ait supplié son père d’épargner la vie de la jeune princesse – au moins en guise de cadeau pour son dur labeur – le roi Athelstan ne l’a pas écoutée et a donc condamné à mort la princesse malade du Royaume de l’Est, déclarant que cela soulagerait ses souffrances et qu’elle serait mieux dans l’étreinte du Créateur de tout.

Pourtant, face à la mort, la princesse Elodie avait eu un regard de satisfaction. Elle avait enfin trouvé la paix de tous ses chagrins sur le billot d’une guillotine.

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