Chapitre 1659 – Heure du Jugement

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Le crâne de la Carapace meurtrie de Sunny s’était fissuré, et sa partie supérieure avait fusionné avec la glace. Cette partie fut arrachée lorsqu’il poussa ce qui restait de son corps dans la glace fracturée, déversant des ombres comme une marée de sang noir.

Mais sa mâchoire était toujours intacte.

La plupart de ses membres ayant disparu et son corps colossal se transformant rapidement en glace, Sunny poussa un grognement endiablé en ouvrant sa gueule squelettique et en mordant la petite silhouette enfermée dans le cœur de l’épouvantable réceptacle de la Bête Hivernale.

Il la coupa en deux.

Un instant plus tard, ses dents explosèrent en une pluie de glace. Sa Carapace mutilée était bien trop abîmée, et se serait déjà effondrée si elle n’avait pas été fusionnée à la glace, devenant une partie d’elle.

Son âme était froide, tellement froide… que même la terrible douleur qui la ravageait avait été engloutie par un paisible engourdissement. Cette paix annonçait la mort.

Mais rien de tout cela n’avait d’importance.

Car au moment où Sunny détruisit la source de la Bête Hivernale, l’abominable sculpture de glace qui lui servait de corps trembla.

Elle se mit alors à se fissurer.

Il entendit un rire joyeux retentir dans son esprit, perçant la brume d’immobilité qui le consumait. Joie, triomphe, vengeance, douleur, chagrin, culpabilité, haine… d’innombrables émotions se fondaient dans ce rire, créant un mélange étrangement troublant.

Sunny reconnut ce rire comme étant le sien.

Ou était-ce un cri ?

Il riait… parce que la Bête Hivernale était morte. Il n’y avait pas de Sortilège du Cauchemar pour célébrer sa mort, mais Sunny avait senti un filet de fragments d’ombre pénétrer dans son âme.

Le terrifiant titan, Bête Hivernale, le poison du Centre de l’Antarctique et le bourreau de Falcon Scott, l’abominable horreur qui avait volé la vie des soldats de Sunny et lui avait appris à quel point une défaite peut être insupportablement écrasante, n’était plus là.

Tué de sa propre main, rien de moins.

La vengeance… était si douce.

Mais cette douceur était aussi indescriptiblement amère, car elle portait en elle le souvenir de ce que Sunny avait voulu venger.

Ah…

Emprisonné dans les profondeurs d’une Carapace gelée, Sunny se coupa de ses sens pendant un instant fugace.

Laissé seul dans l’obscurité, il murmura :

« C’est… c’est… c’est pour vous. »

C’était pour Belle, Dorn et Samara. Pour le Professeur Obel, le Sergent Gere et la Lieutenante Carin. Pour les nombreux autres qui avaient péri dans Falcon Scott.

Et pour Sunny lui-même, qui devait vivre avec les cicatrices que la Bête Hivernale avait laissées dans son âme.

Maintenant… finissons-en.

L’abominable titan était mort, mais l’épreuve n’était pas encore tout à fait terminée. Sunny était toujours prisonnier du tombeau givré du réceptacle de la Bête Hivernale, et le monde tremblait toujours autour de lui.

Craignant que le froid qui se propageait n’atteigne les profondeurs de la Carapace gelée et n’engloutisse son âme, Sunny congédia le géant sombre. Cependant, le colosse brisé ne se dissolvait pas dans les ombres… étrangement, les parties du colosse qui avaient été transformées en glace par le titan restaient solides malgré le fait qu’elles aient été libérées.

Tout ce que Sunny réussit à faire, ce fut de créer une sphère de ténèbres vides autour de lui, là où le froid n’avait pas encore pénétré. Il hésita une fraction de seconde, puis invoqua plus d’ombres de la Lanterne et construisit rapidement une nouvelle Carapace dans les restes brisés de l’ancienne.

L’effroyable silhouette de la Bête Hivernale était encore à moitié enfouie dans l’obsidienne, la dominant comme un hideux chef-d’œuvre sinistre. Les fleurs azurées se flétrissaient. Quelques instants plus tard, elles s’enflammèrent et se transformèrent en cendres, disparaissant dans les vents sombres du chaudron souterrain.

Quelques instants plus tard, les fissures recouvrant la carcasse de l’effroyable titan s’élargirent, avant d’exploser vers l’extérieur lorsque deux mains noires déchirèrent la glace de l’intérieur, Sunny s’extirpa du titan en ruine et laissa sa seconde Carapace se dissoudre.

Maintenant hors du corps de la Bête Hivernale et capable d’utiliser à nouveau le Pas de l’Ombre, il se téléporta instantanément à une certaine distance, marchant pieds nus sur l’obsidienne noire.

Les dégâts subis par la Carapace ne se répercutaient pas sur son corps, mais le Manteau d’Onyx était vraiment en lambeaux. Il allait falloir du temps pour que son armure se reconstitue… pour l’instant, Sunny se tenait debout, vêtu uniquement des lambeaux de sa combinaison militaire. Il n’était pas différent de l’état dans lequel il se trouvait lors de son retour en Antarctique.

Il respira profondément.

Quelque part à l’extérieur, au loin, la terrible tempête de neige se calmait. La puissance profane qui la soutenait avait disparu, et elle allait donc disparaître sans laisser de traces d’ici peu.

Le pire de l’éruption semblait également s’être produit. La majeure partie de la lave qui s’était échappée du Mont Erebus avait été refroidie par le blizzard, se solidifiant en verre et en pierre. Cela dit, le volcan avait été terriblement endommagé, un côté entier s’étant effondré pour révéler les cavernes enflammées à l’intérieur.

Sunny soupçonnait que, sans les cendres, il aurait pu lever les yeux et apercevoir un fragment du ciel morne même depuis ces profondeurs.

Le sol tremblait toujours, mais moins qu’avant. Il attendit un peu, ignorant la chaleur étouffante et retenant son souffle dans les fumées suffocantes du volcan en activité.

Devant lui, à une certaine distance… le cadavre de la Bête Hivernale s’effritait lentement.

Les fleurs azurées avaient disparu. La glace pâle se brisait, incapable de résister à son propre poids, et fondait. Les cadavres desséchés des Créatures du Cauchemar qui y avaient été enfermés prirent feu et furent dispersés par le vent.

Et rapidement, tout fut terminé.

Empli d’un sentiment indescriptible, Sunny s’approcha lentement de l’endroit où la Bête Hivernale était morte.

Son ennemi avait disparu, et tout ce qui restait… était une dispersion d’éclats d’âme scintillants, les restes fragmentés de sa Carapace gelée, et un amas de glace pâle.

Il n’y avait aucune trace de la vague silhouette qu’il avait mordue en deux. Elle avait dû se transformer en cendres, comme le reste des cadavres fusionnés avec l’abomination.

La glace restante — ce qui avait été le noyau le plus profond du corps du titan — ne fondait pas, mais elle ne dégageait pas non plus une impression de froid fatal. Ce froid était toujours là, mais il semblait désormais contenu dans la glace au lieu de se répandre comme une malédiction.

Dans l’obscurité flamboyante du lac d’obsidienne, la glace mystique ressemblait presque à du métal givré.

Sunny hésita quelques instants, soupira, toussa violemment et invoqua le Coffre de la Convoitise.

Il plaça tout à l’intérieur — les éclats d’âme, les fragments d’ombres gelées et les morceaux de glace pâle.

« C’est fini. »

La Bête Hivernale était morte. Il avait réglé ses comptes et s’était vengé.

Il avait également vengé tous les autres.

Son travail en Antarctique était terminé.

Soudain, Sunny eut l’air fatigué.

Il jeta un coup d’œil autour de lui, le regard un peu perdu, puis demanda doucement :

« Et maintenant ? »

Bien sûr, il n’y eut pas de réponse. Il n’y avait personne pour répondre non plus.

Dans le silence du lac d’obsidienne, Sunny se frotta le visage d’un air fatigué et ferma les yeux.

« Je suis fatigué… de cet endroit. »

Pas des profondeurs du Mont Erebus. Pas des ruines d’Erebus Field, ni même du Centre de l’Antarctique.

Sunny se sentait fatigué de ce monde.

Plus rien ne le retenait ici.

Il décida donc de partir.

Une douzaine de secondes plus tard, sa silhouette disparut de l’intérieur du volcan brisé… et de la surface de la Terre.

Il ne reviendra pas dans le monde réel avant trois longues années de solitude.