Chapitre 1653 – Erebus

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Le monstrueux Messager de la Tour déchira le vent glacial en s’élançant dans l’immensité frigide du ciel crépusculaire. Derrière lui, un mur de neige dansante rampait lentement, dévorant le monde comme une bête affamée.

Une silhouette efflanquée était agenouillée sur le dos du monstre volant, s’agrippant à ses plumes noires avec un gantelet d’onyx.

Sunny ne se retourna pas, sachant que Serpent était bien plus rapide que le titan qui le poursuivait. Sur ce point au moins, ils avaient un avantage.

Mais il se fera vite rattraper.

Il réfléchissait aux conséquences du sacrifice de son essaim de serviteurs.

Aucun d’entre eux n’avait pu résister longtemps au froid mortel du domaine de la Bête Hivernale, ce qui signifiait qu’il n’existait aucun type de résistance pouvant aider Sunny à y survivre — du moins aucun qu’il aurait pu trouver dans un court laps de temps.

Les serviteurs avaient péri rapidement, privés de la chaleur de la vie. Leurs corps tombaient dans la neige, se transformant lentement en sculptures de glace.

La conclusion, donc… était que Sunny devait utiliser autre chose qu’un être vivant pour atteindre le cœur de la tempête de neige. On pourrait penser qu’une créature morte-vivante s’en sortirait mieux, mais ce n’était pas le cas. Quelques goules étaient présentes parmi les serviteurs, et elles moururent de la même manière.

Mais il y a une solution beaucoup plus simple.

Il n’avait pas besoin de pénétrer lui-même au cœur du sinistre blizzard ou d’y envoyer l’une de ses Ombres. Il pouvait simplement… utiliser un objet inanimé.

Un projectile.

En effet, la solution la plus simple était le plus souvent la bonne. La meilleure façon de tuer la Bête Hivernale était d’abattre un déluge d’attaques à distance sur sa tête… ou sur ce qu’elle avait à la place de la tête.

Sunny n’avait pas été en mesure de faire une telle chose par le passé, car il était impossible de savoir où se cachait la manifestation réelle du titan dans l’immense tempête de neige. Maintenant, cependant… son sens de l’ombre pouvait s’étendre sur plusieurs kilomètres. Même s’il ne parvenait pas à trouver l’emplacement précis de la Bête Hivernale, il pouvait au moins en localiser la zone générale.

Enfin, si cette chose a un corps physique. Pour ce que j’en sais, il pourrait s’agir d’une tempête intelligente.

C’était l’un des risques auxquels il devait faire face. L’autre problème était de porter une attaque à distance sur une telle étendue. Non seulement c’était physiquement difficile, mais le froid mortel et l’ouragan cyclonique qui faisait rage dans la tempête de neige devenaient un obstacle… plus on s’approchait du cœur de la tempête, plus ils devenaient mauvais.

Mais là où il y avait une volonté, il y avait un chemin.

Et si cette volonté était une intention meurtrière… quelqu’un allait mourir à la fin de leur combat, d’une manière ou d’une autre.

Se penchant en avant pour résister au vent glacial, Sunny sourit.

***

Quelque temps plus tard, il était assis sur la neige, protégé du vent par un mur d’écailles d’onyx. Ce mur, bien sûr, était le côté de Serpent — la forme de Bête de l’Âme de l’Ombre était devenue vraiment immense maintenant qu’elle était une Terreur Transcendante.

Serpent était encore loin d’atteindre la taille de Daeron, bien sûr, mais il était néanmoins plutôt intimidant. Sa gueule était telle qu’elle aurait pu engloutir un APC militaire tout entier.

Tous deux se trouvaient au milieu de la plaine glacée qui avait été Erebus Field. La majeure partie de la capitale de siège détruite était enfouie sous la lave et la neige, et seules quelques structures ravagées dépassaient comme des vestiges squelettiques.

Sunny était assis, le haut sommet du Mont Erebus derrière lui. Devant lui, au loin, le monde disparaissait lentement sous un voile de neige tourbillonnante.

La température, déjà très basse, baissait de minute en minute et les vents devenaient de plus en plus violents.

Il avait l’air désintéressé, fixant la neige avec une expression gelée. L’obscurité profonde de ses yeux était froide et placide… comme la surface d’un océan prêt à exploser en une tempête déchaînée.

« Elle est enfin arrivée, hein ? »

Sunny inspira profondément et leva enfin les yeux, étudiant la tempête de neige au loin. Son approche était faussement lente, mais il savait que le mur de neige allait bientôt consumer tout ce qui l’entourait.

Serpent siffla, le son profond de sa voix se répercutant sur la plaine glacée.

« …Il est temps de commencer, alors. »

Les mots de Sunny restèrent suspendus dans l’air frigide pendant un moment et furent rapidement avalés par le hurlement du vent.

Mais une fraction de seconde plus tard…

Le monde trembla.

Des fissures se formèrent sur le vaste champ de neige, et loin derrière lui, la bouche du Mont Erebus explosa soudain en une gargantuesque colonne de cendres. Une terrifiante rafale de vent chaud parcourut le paysage désolé, repoussant un instant le froid. Le volcan se mit alors à briller d’une lueur rouge furieuse, et une fontaine de lave incandescente jaillit vers le ciel dans un grondement assourdissant.

Le Mont Erebus était en éruption.

Bien sûr, il n’était pas entré en éruption au moment précis où Sunny en avait besoin. Au contraire, il avait envoyé Fiélon dans ses profondeurs pour trouver une chambre magmatique mûre et provoquer une éruption au moment opportun.

Goliath ayant déjà déstabilisé toute la région, ce n’était pas trop difficile. Et avec la robuste carapace d’acier de Fiélon et son affinité pour le feu, il pourrait survivre à l’intérieur d’une explosion volcanique sans trop de problèmes. Toutefois… le petit voyou ne serait pas content de son maître une fois que qu’il serait revenu.

Si les deux survivaient à ce qui allait suivre, bien sûr.

Alors que le mur de neige tourbillonnante s’approchait de Sunny de face, dévorant le monde, un nuage de cendres se répandit du Mont Erebus derrière lui. La puanteur du soufre imprégnait l’air frigide, le vent froid se heurtant à une vague de chaleur dans une collision invisible. Les cheveux de Sunny dansaient tandis qu’une vaste obscurité engloutissait le ciel, plongeant la plaine glacée dans son ombre.

Alors que tout ce qui l’entourait était enveloppé d’ombres, un sourire sinistre apparut sur le visage pâle de Sunny.

Il s’étira, et se leva lentement.

Les ténèbres froides qui habitaient ses yeux explosèrent subitement, se transformant en une joie vicieuse.

Regardant la tempête approcher, Sunny leva le poing et dit, la voix tremblante d’une rage à peine réprimée :

« Hé, Bête Hivernale… tu te souviens de moi ? »

Puis, sa voix devint plus calme et plus froide, emplie d’une colère meurtrière.

« …Probablement pas, mais je me souviens de toi. »